À Vienne, le café n'est pas une boisson, c'est une institution. C'est en effet dans les cafés aux hauts plafonds de la vieille ville, entre deux tasses parfois bien noires, parfois bien crémeuses, que sont nées, dit-on, une bonne partie des idées qui ont façonné le rayonnement intellectuel de la ville de Freud, Klimt, Schiele, Wittgenstein et Rilke. Combinez cela avec une jolie tradition pâtissière et vous voilà avec un voyage idéal (pour vrai ou dans l'assiette) pour l'heure du goûter.

Nous étions au Naschmarkt, grand marché central de Vienne, et tout le groupe de journalistes admirait le kiosque d'un marchand de vinaigre réputé, commerçant de produits d'une variété remarquable - vinaigre de sureau, vinaigre de poire... Mais attire-t-on une journaliste gastronomique avec du vinaigre?

Pas moi. Rapidement, c'est à l'étal voisin du boulanger que je me suis retrouvée, attirée par le miel, le sucre, les noisettes et autres bien nommées viennoiseries étendues sous nos yeux.

Je ne sais pas ce que j'ai demandé, puisque j'ai simplement montré du doigt la brioche qui me faisait de l'oeil, mais je peux vous dire que je me rappellerai longtemps sa pâte moelleuse, s'abandonnant sous la dent et la crème chocolat-noisettes remplissant son centre.

Un délice matinal décadent qui venait enfin de répondre à ma question: est-ce vrai qu'à Vienne, on mange de bonnes viennoiseries?

En fait, j'ai passé quatre jours à Vienne et durant ces quatre jours, j'aurais aisément accepté de me nourrir uniquement de café, de gâteaux et de pâtisseries. Schnitzels (escalopes de veau panées)? Tafelspitz (boeuf bouilli)? Oui, mais il faut se garder de l'appétit pour les gâteaux, non?

Juste pour vous donner une idée: le matin du quatrième jour, coincée par le temps et houspillée par ma conscience professionnelle d'aller goûter la célèbre Sacher torte, j'en ai fait mon petit-déjeuner.

«Servez-vous la torte à cette heure», ai-je demandé à la serveuse de l'hôtel Sacher. Il était peu après 8h.

«Il n'est jamais trop tôt pour manger de la torte», m'a-t-elle répondu en riant.

Si vous aviez vu la montagne de chantilly dans mon café et la richesse du morceau de gâteau au chocolat (et son Everest de chantilly à lui aussi), vous auriez compris que Vienne est le paradis des amateurs de desserts. Et que dans cette ville, on n'attend pas midi pour engloutir sa première crème fouettée.

Vienne n'est peut-être pas le Paris de Ladurée ou de Pierre Hermé. Mais c'est une ville où le chocolat, les noisettes, le café, les pâtisseries et la confiture d'abricots font partie d'un quotidien citadin qui assume pleinement sa dent sucrée. Du chocolat chaud aromatisé à la cardamome de chez Demel à l'omniprésent strudel aux pommes, en passant par toutes sortes de boules Mozart (au chocolat, amande, pistache et noisette), le dessert est partout.

Prenez Meinl, par exemple, la grande épicerie chic du centre-ville. Un comptoir complet consacré aux pâtes d'amandes, dont on fait des imitations de fruits spectaculaires. Du chocolat: des rangées entières, comme les pâtes dans les épiceries italiennes. Au célèbre restaurant Steirereck, scénario semblable: on clôt le repas avec un bar à chocolat sur roulettes - couvert de petites créations farcies de ganaches de type chocolat à la coriandre ou lavande-rhubarbe.

Le café? C'est devenu presque un cliché. On ne peut pas parler de Vienne sans parler de ses cafés où l'on peut manger un repas à toute heure, mais où on va, d'abord et avant tout, pour boire du café, avec une brioche ou un morceau de gâteau.

Et ce café viennois est un univers, comme le café italien. Il y a le court et l'allongé et celui avec un peu de lait et l'autre un peu plus noir mais pas complètement. Et tous ont leur nom allemand, en commençant par le... «mélange» (prononcé meu-longe) un allongé très populaire, fait avec lait chaud et mousse de lait, façon cappuccino. Dans la ville, les célèbres Kaffeehaus où les intellectuels viennois ont brassé leurs idées sont nombreux: le Sperl, le café Central, le Griensteidl, le Hawelka, un des plus authentiques et enfumés - oui, on peut encore fumer dans les cafés viennois - auquel l'écrivain Michel Braudeau consacre un chapitre de son livre Café cafés.

Mon préféré? Le Phil, un café qui a l'air sorti tout droit non pas des années 20 mais des années 60, avec meubles vintage à vendre et étudiants rivés sur leurs MacBook Pro.

Un petit chausson aux pommes avec ça?

Les frais de ce reportage ont été payés par le bureau de tourisme de la ville de Vienne.