Pour Stanislas Vilgrain, la «French Touch» fait bon ménage avec l'esprit d'innovation américain: cet entrepreneur français installé aux États-Unis est le leader du marché américain du cuisiné sous vide haut de gamme.

«Le rêve américain existe», dit cet héritier des minotiers nancéens des Grands Moulins de Paris qui a fondé il y a 21 ans à Alexandria (Virginie, est) «Cuisine Solutions», qui produit des bases cuisinées sous vide à basse température pour garder longtemps couleurs et saveurs.

Il distribue osso buccos, tilapias aux herbes, saumons au citron aux premières classes et classes affaires des compagnies aériennes, dans les banquets d'hôtellerie, parmi les cuisines des restaurants, même des grands chefs, au détail dans les supermarchés et même dans l'armée.

«Cuisine Solutions» a un chiffre d'affaire annuel de 100 millions de dollars, affirme le Français. L'entreprise dispose d'une usine en Virginie, une au Chili, et de deux petites unités en France pour une ligne de 220 produits, poissons, viandes, sauces et desserts assemblés avec la collaboration de célèbres chefs. Le groupe emploie 450 personnes.

«Plus que le goût français, on a importé des techniques françaises de cuisine, avec les cuissons à basses températures, des viandes cuites pendant 30 heures, 72 heures pour garder la couleur appropriée», explique l'entrepreneur dans l'usine modeste d'Alexandria où une main d'oeuvre, en majeure partie d'origine hispanique, scelle les demi-poulets sous vide.

«Le sous-vide s'est développé en France et tous les restaurants trois étoiles cuisent sous vide. Mais ils ne veulent pas le dire», affirme-t-il alors qu'il a choisi, pour faire la promotion de ses produits, de prendre des recettes de chefs partenaires tels les Américains Thomas Keller ou Charlie Trotter, ou des Français installés aux États-Unis comme Daniel Boulud.

La clé du succès: «Il faut trouver une niche pour le marché. Ce pays est un pays de niches», affirme M. Vilgrain.

«Aux États-Unis, on vous donne une chance. Ils vont essayer votre produit, surtout si c'est nouveau. En France l'approche est toujours plus dubitative, moins risquée», dit-il, dénonçant aussi, dans l'industrie de la transformation alimentaire française, les lourdeurs des inspections administratives et sanitaires. «En France, ce n'est pas le coût du travail qui est cher, c'est celui de l'administration», ajoute-t-il.

Entreprise américaine, «Cuisine Solutions» fournit des milliers de repas aux GI's déployés en Afghanistan et en Irak. Parmi les conditions de l'armée, «tous les ingrédients doivent être américains. Même le poisson doit être pêché par un bateau américain», explique-t-il.

Les commandes militaires de saumon aux herbes et de filets mignon représentent 25% du chiffre d'affaires. Pour les équipages des porte-avions, l'entreprise a même un concocté le «plat hebdomadaire du moral», plus élaboré, pour redonner de l'énergie aux troupes.

«L'armée américaine a été capable de décider très vite lorsqu'on leur a proposé nos produits, alors qu'en 25 ans, je n'ai pas réussi à vendre un plat à l'armée française», déplore le chef d'entreprise.

Dans les couloirs de l'usine, les murs et les sols sont volontiers peints en bleu, blanc, rouge. «C'est la France mais c'est surtout le bleu des Bleus de l'équipe de rugby, car le rugby est important dans la culture de la maison», plaisante le patron, joueur du dimanche.

L'usine doit être prochainement étendue si elle parvient à transformer l'essai d'un contrat de 50 millions de dollars pour une grande chaîne de restaurants familiaux américains.