Les initiatives pour rendre l'alimentation plus verte se multiplient. On cherche par tous les moyens à réduire l'empreinte écologique de ce qui se trouve dans l'assiette. Diane Leclair Bisson, elle, s'est intéressée au contenant plutôt qu'au contenu. La designer montréalaise travaille depuis des années à mettre au point des assiettes et des couverts comestibles afin d'éliminer la vaisselle jetable.

Le concept est choquant. On a inévitablement en tête l'image bas de gamme des assiettes de carton qu'on ne voudrait manger pour rien au monde. Le travail de Diane Leclair Bisson se trouve à l'opposé. Elle a conçu des farines végétales pour obtenir différentes textures. Elle travaille avec des purées de courge musquée et de cresson; de la poudre de caroube, du mascarpone. Ses matériaux sont si beaux qu'on les confond avec des oeuvres d'art. «Il faut rendre les produits très stimulants sur le plan visuel, sensoriel et nutritionnel», dit-elle.

 

Les couleurs des framboises, des pistaches, des betteraves, des carottes, du cassis, du curcuma et du maïs sont chatoyantes. Mais si esthétiques soient ses prototypes, sa motivation première est plutôt d'ordre social. Diane Leclair Bisson est aussi anthropologue.

Son projet est né quand elle a vu une pile d'assiettes jetables dans la poubelle de la garderie de son fils. Cette réflexion sur la surconsommation l'a menée à envisager l'aliment comme matériau.

Les motivations sont nobles, mais l'idée utopique, diront les sceptiques. Qui paiera aussi cher pour des couverts qui ne résistent pas à plus d'un repas? Si on arrive aujourd'hui à produire à la chaîne des biscuits à très bas prix, on devrait aussi pouvoir le faire pour des couverts comestibles, répond-elle. «Quand on fait ce calcul, il faudrait aussi que le coût écologique entre dans l'équation, dit-elle. Les assiettes jetables ont un coût social et environnemental énorme. Partout où l'on peut manger son assiette, on diminue les déchets.»

Pour obtenir des matériaux comestibles qui résistent à la chaleur, la designer a travaillé avec le Centre de recherche et d'expertise de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie. Son livre Comestible Edible présente les premiers résultats de ses recherches. Diane Leclair Bisson est aussi à l'origine de la création du Laboratoire design et alimentation de l'école de design industriel de l'Université de Montréal.

Parmi ses autres projets: rendre l'expérience repas plus agréable pour les enfants hospitalisés en oncologie à l'hôpital Sainte-Justine. La chercheuse aimerait bien créer pour eux des aliments qui soient plus appétissants. Mettre fin au brocoli trop cuit qui se retrouve sur le plateau et qui rappellent douloureusement que ce n'est pas maman qui a mitonné le repas. Tant qu'à être loin du brocoli parfait, pourquoi ne pas donner une nouvelle forme et une nouvelle texture au légume?

Même question pour ses assiettes mangeables: pourquoi reproduire ce qui existe déjà? Tant qu'à bousculer la matière, pourquoi ne pas transformer la forme?

«L'objet doit faire partie intégrale de l'expérience gastronomique, explique l'audacieuse chercheuse. On pourrait s'éloigner des formes traditionnelles de la vaisselle et créer des contenants qui se mangent simultanément au contenu.»

Mais cette idée n'est pas pour tous les mangeurs, alors que le projet, lui, veut toucher un large public. Certaines entreprises utilisent la vaisselle jetable et cherchent désespérément à s'en débarrasser. «Pour le grand public, je veux rester plus près des registres établis», précise-t-elle.

Et le goût? Au choix. Soit il est tout à fait neutre et laisse toute la place au contenu. Soit, au contraire, le plat est pensé pour compléter ce qu'il contiendra. Diane Bisson Leclair prépare une exposition, Prière de manger votre couvert, qui sera présentée plus tard cette année à la nouvelle maison de la Société des arts technologiques, à Montréal. Des chefs seront de la partie et prépareront un repas complet, un menu cinq services servi dans des assiettes comestibles. À la fin du repas, il ne restera plus rien sur la table.