Il n'y a pas que le homard et les fruits de mer frais qui fleurent bon aux Îles-de-la-Madeleine. Depuis bientôt un an, un nouvel arôme émane de l'archipel: celui d'un nouveau type de café qui tire son goût de la plage et de l'eau de mer.

En arrivant à Cap-aux-Meules, il faut faire confiance au navigateur GPS pour trouver le Café du moussonneur, sympathique troquet lancé en décembre par Richard O'Neill. À l'extérieur, aucune affiche n'annonce l'endroit. Et pourtant, le va-et-vient est incessant dans le café-resto, dont la décoration n'a rien à envier aux endroits les plus branchés de Montréal.

 

Ici, le café filtre n'est pas à l'honneur. Ce sont plutôt les expressos, les lattes et autres cafés spécialisés qui poussent les Madelinots à venir faire leur tour. Et parmi la vaste sélection, un café unique commence à faire sa marque: le «café moussonné des Îles».

Créé selon un procédé perfectionné sur les plages de l'archipel, le fameux café moussonné de Richard O'Neill s'inspire d'un processus découvert accidentellement vers les années 1600. «À l'époque, le café récolté en Inde était exporté vers l'Allemagne, l'Autriche et les Pays-Bas. Les poches de café pouvaient rester dans les cales des bateaux pendant six mois. Pendant le voyage, l'eau de mer et l'humidité finissaient inévitablement par l'affecter. Loin d'y voir un défaut, les torréfacteurs européens en raffolaient», explique M. O'Neill. Dans la péninsule du Malabar, en Inde, les cultivateurs ont par la suite recréé le processus naturel en exposant leur café à la mousson, ces vents saisonniers qui apportent d'importantes précipitations. L'effet du vent humide donne une couleur jaune et un goût épicé unique aux grains. «Quand j'y ai goûté, j'ai tout de suite voulu recréer le procédé à ma façon. Je me suis installé aux Îles-de-la-Madeleine avec cette idée en tête», raconte Richard O'Neill, qui travaille depuis 20 ans dans l'industrie du café.

L'été dernier, l'entrepreneur a donc acheté plusieurs poches de café vert, dont il a étendu le contenu sur des treillis installés au bord de la mer. «Pendant la nuit, les embruns (de la poussière de gouttelettes d'eau de mer formée par les vagues qui se brisent) se déposent sur les grains. C'est avec ces embruns que le procédé se fait. Il n'y a rien de mécanique dans sa conception», explique Richard O'Neill.

Une fois séché au soleil et torréfié, le café de M. O'Neill est presque entièrement dépouillé de son acidité. «Je m'en sers pour faire des mélanges de café expresso. L'absence d'acidité rehausse le goût véritable du café», dit-il.

En expresso, la boisson se révèle effectivement beaucoup plus légère qu'un café provenant d'un mélange classique, mais toute la complexité des arômes se décèle plus facilement. En bouche, c'est comme si on pouvait décomposer le goût du café étape par étape dans les secondes qui suivent la dégustation.

Toutes les étapes de production de ce nouveau type de café ont été dûment approuvées par le ministère de l'Alimentation et des Pêcheries du Québec. La clientèle des Îles-de-la-Madeleine y a vite trouvé son compte. «Je vends énormément de café en vrac», indique M. O'Neill.

Fort de subventions de l'État québécois, Richard O'Neill tente cependant d'exporter sa création à l'extérieur des Îles. «Les cafés haut de gamme se vendent de plus en plus sur l'internet en commandes privées. En octobre, je vais faire différentes démarches pour faire connaître mon produit. Je vise surtout les petites boutiques spécialisées. Jusqu'à maintenant, j'ai eu une bonne réponse», dit-il. Prochaine étape: La France et les États-Unis. «Jusqu'à maintenant, depuis que j'ai ouvert mon café (le 1er décembre), mes ventes ont été quatre fois plus élevées que prévu. Je n'ai pas de doute que ça va se poursuivre ainsi. La masse critique est là. La curiosité des gens pour le café commence à ressembler à celle qu'ils ont pour les vins. Le marché évolue très rapidement.»

Info: lemoussonneur@tlb.sympatico.ca