Il n'y a pas de meilleur moment que l'été pour faire l'expérience de l'alimentation vivante (raw food) et pour mettre un peu plus de cru dans son assiette. Lorsque les grandes chaleurs frappent, on est naturellement porté vers les fruits frais, les salades en tous genres, les soupes froides et tout ce qui nous procure une satiété rafraîchissante et vivifiante, plutôt que de nous donner envie de nous assoupir sous le premier sombrero.

L'alimentation vivante et le crudivorisme gagnent en popularité au Québec. Alors que Los Angeles et New York ont tous leurs restaurants raw depuis plusieurs années, Montréal vient tout juste de célébrer l'ouverture de Crudessence, le premier restaurant-boutique de l'entreprise du même nom, installé rue Rachel, sur le chemin des tam-tam. On peut interpréter la popularité instantanée de cette petite table verte, fréquentée par les initiés comme par ceux qui ne sont pas des adeptes, comme un signe de l'éveil de la population à l'alimentation saine et responsable.

 

Nul besoin d'être un végétalien ou un crudivore averti pour apprécier et intégrer des éléments d'alimentation vivante dans son assiette. L'auteure de ces lignes l'a d'ailleurs testé pendant 10 jours - avec des résultats très convaincants - après avoir suivi le cours de cuisine de Crudessence. Il y a d'abord eu quelques symptômes de sevrage, principalement des maux de tête, puis, après quelques jours, une augmentation considérable des degrés d'énergie et de concentration.

Au menu: des smoothies verts (le meilleur: lait d'amande, banane, kale et menthe), des céréales avec du lait d'amande, des soupes froides (carotte, avocat et jalapeño ou bien concombre, ananas et coriandre ou encore, le classique gaspacho), d'immenses et savoureuses salades accompagnées de craquelins Crudessence et de houmous à base de tournesol, des «pâtes» de zucchini avec sauce crue aux tomates séchées et «fromage» de noix de macadam. Le seul aspect négatif: le robot culinaire et le mélangeur à laver au moins deux fois par jour!

 

Mathieu Gallant et David Côté, les fondateurs de Crudessence, nous expliquent les rudiments de l'alimentation vivante et en profitent pour déboulonner quelques mythes courants. Ils vous proposent également quelques recettes à essayer.

Q: D'abord, qu'est-ce que l'alimentation vivante?

R: L'adepte de l'alimentation vivante met de la vie dans son assiette. Bien sûr, il mange principalement cru, en évitant toute cuisson supérieure à 40°C afin de conserver tout le potentiel nutritif de l'aliment. Il considère tous les aspects qui gravitent autour de l'alimentation, de la graine à l'assiette. Tout ce que nous utilisons en cuisine, jusqu'aux épices, est biologique et exempt de pesticides et de radiations. L'alimentation vivante n'est pas sectaire, c'est une ouverture à la vie. Nous ne mangeons pas nécessairement que des aliments crus. Quand ma mère me donne un biscuit qu'elle a fait, je le mange, parce que je sais qu'il y a de l'amour dedans. En le refusant, je lui ferais de la peine. C'est une attitude qui rend les rapports sociaux beaucoup plus positifs. Mathieu.

Q: Pourquoi ça coûte cher?

R: De prime abord, le prix des produits est élevé en alimentation vivante. Mais je peux vous assurer que Crudessence fait probablement la plus petite marge de profit de tous les restaurants et de toutes les épiceries à Montréal. Puis, il y a la main-d'oeuvre. C'est un travail extraordinaire, presque ancestral. Pour préparer un pain, il faut d'abord faire tremper les grains, puis les faire germer deux jours (en n'oubliant pas de les rincer trois à quatre fois par jour). Après, on broie les grains, on ajoute les autres ingrédients, on façonne et on fait sécher pendant 16 à 20 heures. L'agriculture et l'industrie alimentaire sont soumises à une politique de concurrence où la quantité prime sur la qualité. Ce n'est pas normal de payer 79¢ la livre pour des bananes. Nous nous sommes habitués à une alimentation peu dispendieuse, mais aussi peu nutritive. Et il y a les coûts écologiques et les coûts sur notre santé qui ne figurent pas sur la facture: l'hôpital, l'eau potable que l'on pollue avec les pesticides, les gaz à effet de serre produits par l'agriculture animale, les travailleurs exploités, etc. Il faut absolument voir le film Food inc. pour en savoir plus sur ce sujet. David.

Q: Est-ce adapté au climat québécois?

R: C'est vrai que certains détracteurs pensent que l'alimentation vivante est plus ou moins adaptée à notre climat, mais d'un point de vue biologique, c'est très bon de manger vivant en hiver. Émotionnellement, c'est sûr que nous aimons voir la petite fumée qui sort de la tasse ou du bol de soupe et nous n'avons rien contre les tisanes et les soupes. Mais la cuisine de Crudessence tient tout de même compte des besoins du corps et de la tête pendant la saison froide. Par exemple, nous considérons que nos craquelins et nos granolas, même s'ils sont crus, sont chauds. Ils sont lourds, denses, contiennent des légumes-racines que l'on mange normalement l'hiver. C'est de la nourriture qui nous grounde, plutôt que de nous engourdir. David.

Q: Avez-vous quelques conseils pour ceux qui voudraient ajouter plus de vie dans leur assiette?

R: David: Respirer, c'est la base! Mathieu: Ajouter du vert dans son alimentation. Plus de grosses salades, une ou deux feuilles de kale et de menthe dans votre smoothie du matin (c'est délicieux, juré!). Mathieu: Encourager les produits locaux, c'est meilleur pour l'environnement ET pour la santé, puisque les produits fraîchement cueillis près de chez soi sont plus minéralisés. David: Essayer, de temps en temps, de passer toute une journée sans ouvrir une canette ou une boîte de conserve, sans manger d'aliments transformés. David: Faire tremper ses graines et ses noix avant de les manger. Mathieu: S'intéresser aux plantes et à l'herboristerie.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Mathieu Gallant et David Côté, fondateurs de Crudessence, mettent la dernière touche à une tarte au sucre.