Pour les indécis et pour ceux qui voudraient profiter des derniers homards des Îles et des asperges à leur apogée, Martin Juneau a concocté une superbe assiette dans laquelle il décline le grand crustacé et le légume vert en trois petits plats.

Sans être végétarien, loin de là, Martin Juneau n'est pas le chef de la grosse bidoche et des assiettes gargantuesques. Si on lui demandait de nous préparer des côtes levées, ce serait sans doute de délicates petites côtes de porcelet Gaspor laquées à l'érable et posées sur un écrasé de courge.

Lorsqu'il a ouvert La Montée de lait, rue Villeneuve (déménagé au centre-ville l'automne dernier et amputé de son complément laitier), le jeune chef a rapidement troqué la formule classique entrée-plat-dessert pour un concept qu'il avait observé lors de ses voyages: des petits plats à la personnalité bien définie et se situant entre l'entrée et le plat principal. À La Montée, rue Bishop, on a conservé la formule. Au Bouchonné, les petits plats sont également à l'honneur, bien qu'on propose aussi quelques «grosses portions» le midi et, bientôt, des brunches. Le deuxième restaurant de Juneau et sa bande vient tout juste de déménager sur le boulevard Saint-Laurent, près de Fairmount. On a confié les fourneaux à Louis-Philippe Breton, du défunt Diner.

«Il arrive régulièrement, au moins une fois par semaine, qu'un client quitte La Montée après qu'on lui eut expliqué le concept du restaurant, c'est-à-dire les petites portions. Certaines personnes, des hommes surtout, veulent encore une forme d'alimentation plus classique.»

Pendant ses rares journées de congé, Martin Juneau avoue préférer manger du poisson et des légumes, catégories d'aliments qu'il adore travailler, tant au restaurant qu'à la maison. Mais s'il ne devait manger qu'un plat jusqu'à la fin de ses jours, il opterait en toute simplicité pour des pâtes à la tomate, cette dernière étant son ingrédient favori de tous les temps.

Il va sans dire que les goûts du mâle québécois (et de sa femelle aussi, bien entendu) ont beaucoup évolué au cours des dernières années, avec l'avènement d'une culture culinaire plus raffinée et ouverte sur le monde. Mais il n'en demeure pas moins qu'à la question «Quel serait votre repas de rêve?», la plupart des hommes répondent: une grosse pièce de viande grillée, du boudin, peut-être un poisson grillé. Mais quel poisson? Un gros steak de thon presque cru, bon sang! Toujours ce goût de la chair et du sang.

Il existe quand même quelques exceptions chez l'«homo épicurus». Étienne Benoît, propriétaire d'une entreprise de pavage et de paysagement et papa d'une petite fille de 20 mois, a changé son alimentation il y a une dizaine d'années à la suite d'une prise de conscience, à la fois gustative, anatomique et écologique. Comme nous le savons, l'agriculture animale est responsable d'une bonne part des gaz à effet de serre. Lorsqu'il cuisine et c'est lui le maître incontesté des fourneaux à la maison il préfère de loin les légumes, les légumineuses et le poisson d'élevage, biologique si possible, sans toutefois avoir fait une croix sur la viande. «J'ai grandi avec de la viande dans mon assiette alors j'en apprécie toujours le goût. Mais en ce moment, j'adore le ceviche. J'en fais un en mélangeant 600 grammes de poisson d'élevage (j'utilise du saumon et du tilapia, à parts égales, coupés en dés d'un centimètre), trois échalotes hachées, le jus de trois citrons, 10 gouttes de Tabasco, du sel et du poivre. Je laisse reposer au frigo de 3 à 24 heures. Si j'avais à choisir, c'est ce que j'aimerais qu'on me serve à la fête des Pères.» Or, le soir de la fête des Pères il ira probablement manger un sauté végétarien chez ses parents, qui, avec le temps, ont également adopté une alimentation moins carnivore.

Mathieu Corbeil, papa de deux petites filles de 4 et 6 ans, a pour sa part passé les cinq premières années de sa vie dans une communauté Krishna en France, où on mangeait une cuisine indienne végétarienne. Quatre des six enfants de sa famille sont toujours végétariens. Il ne mange pas de viande pour des raisons éthiques et de goût. «Je n'ai jamais développé le goût de la viande. Pour moi, le pâté chinois et le rôti de porc ne sont pas associés à du comfort food

Ce costaud bon vivant de 6 pieds travaille aujourd'hui dans une résidence pour personnes âgées, mais à l'époque où il bûchait sur les chantiers de construction, ses lunchs faisaient parfois sourciller ses collègues. «Les gars étaient davantage surpris par la complexité et la finesse du plat, surtout quand je me mettais à énumérer les légumes qui entraient dans la composition, que par le fait que c'était végétarien.» Son repas de la fête des Pères idéal? Thaï ou indien.

Pour les indécis et pour ceux qui voudraient profiter des derniers homards des Îles et des asperges à leur apogée, Martin Juneau a concocté une superbe assiette dans laquelle il décline le grand crustacé et le légume vert en trois petits plats. Chaque recette peut également être servie séparément (le carpaccio de queue de homard en entrée, les fettucini d'asperges en plat principal, par exemple), selon l'inspiration. Et si vraiment papa ne peut se passer de sa barbaque? On allume le BBQ et on lui fait la fête avec un surf 'n' turf.

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Le homard, un luxe quand même abordable

Au mois de mai, certains supermarchés ont vendu du homard à 5,99$ la livre. En moyenne, cette année, on peut s'attendre à payer en poissonnerie 9,99$ à 10,99$ la livre le homard des Îles-de-la-Madeleine, dont la saison se termine avant celui de la Gaspésie (un peu moins cher), c'est-à-dire à la fin juin.