Petits fruits chouchous des Québécois, les fraises sont abondantes et très demandées au Québec. Il reste que c'est un des fruits qui contiennent le plus de résidus de pesticides, selon le médiatisé rapport américain Dirty Dozen. Les producteurs de fraises du Québec souhaitent d'ailleurs passer à un mode plus écologique. Mais le chemin pour y arriver est loin d'être simple.

Vers des fraises sans pesticides

Pour la première année, les fraises de la ferme Jean-Pierre Plante, à l'île d'Orléans, sont certifiées biologiques. Son propriétaire, Jean-Julien Plante, est de la quatrième génération à reprendre les rênes de la ferme familiale, qui produit surtout des fraises. Véritable pionnier, il est très fier de cette nouvelle certification.

«Les gens recherchent de plus en plus des fraises sans pesticides, observe-t-il. Ça fait trois ans qu'on a amorcé la transition, mais c'est seulement cette année qu'on peut s'annoncer biologique.» Il a baigné avec bonheur dans les champs de fraises depuis son plus jeune âge. «Mais ce que j'aimais moins, c'est les quantités de pesticides utilisées qui augmentaient sans cesse. Ça nous a poussés à virer notre chapeau de bord et à aller vers le bio.»

Yourianne Plante, directrice générale de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec, qui regroupe près de 500 producteurs, affirme que «tous les yeux sont tournés vers lui».

«Tous les producteurs veulent aller vers la lutte intégrée, avec moins de pesticides, des productions plus responsables. Le bio, ça intéresse tout le monde.»

Mme Plante souligne toutefois qu'il reste beaucoup de travail pour avoir des outils efficaces tout en étant rentable. «On n'est pas encore au point, dit-elle. Des expérimentations sont en cours, il y a beaucoup d'essais/erreurs. Mais on s'en va tranquillement dans cette direction. Ça se développe avec la demande des consommateurs.»

À la ferme Jean-Pierre Plante, la production biologique de fraises n'a pas entraîné de pertes. «On est content des résultats. On a de très beaux fruits», se réjouit Jean-Julien Plante.

Seulement une dizaine de producteurs de fraises et framboises du Québec sur les 500 se sont lancés dans la culture biologique. Les jardins Purdélys, entreprise maraîchère de fruits et légumes en Montérégie, est un important acteur qui cultive des fraises biologiques. En plus, d'autres producteurs cultivent de très petites surfaces de fraises biologiques, pour les paniers bios par exemple, indique Yourianne Plante.

Autocueillette sans pesticides

Depuis trois semaines, la ferme Jean-Pierre Plante est ouverte à l'autocueillette, une activité de plus en plus populaire auprès des familles, constate son propriétaire. Pour la première fois, on y propose l'autocueillette de fraises dans des champs sans pesticides chimiques. Ces dernières n'ont pas encore l'appellation officielle «biologiques», puisque c'est lot par lot que la transition se fait. Chaque parcelle doit avoir fait trois ans avec des techniques biologiques, sans matières interdites, avant de recevoir le fameux sceau.

«Chaque année, on agrandit nos champs biologiques de fraises. D'ici cinq ans, on aura fini la transition.»

Quant aux fraises biologiques, elles sont encore à l'étude, donc elles ne peuvent être ouvertes à l'autocueillette pour l'instant. Mais on peut s'en procurer au stand de la ferme. Ainsi que dans certaines épiceries et fruiteries, dont la chaîne de supermarchés Avril.

Un goût différent

Les fraises bios ont-elles un goût différent? «Oui, répond Jean-Julien Plante. La fraise prend son goût dans le sol. Si elle pousse dans un sol naturel, en santé, dans du compost, c'est sûr qu'elle ne goûtera pas la même chose qu'une fraise dans un sol avec pesticides et engrais synthétiques. Les fraises bios ont un goût particulier et elles sont vraiment goûteuses.» Quant au goût sucré, c'est plutôt une question de variété que de mode de production.

Au stand de sa ferme, il tente d'offrir un prix concurrentiel. Un panier d'un litre de fraises bios se vend 5 $ comparativement à 4,50 $ pour des fraises conventionnelles.

Si le bio a la cote, Yourianne Plante rappelle que les produits utilisés sur les fraises conventionnelles du Québec ne sont pas les mêmes pesticides qu'aux États-Unis. Elle déplore le côté sensationnaliste de ce fameux rapport américain qui publie chaque année le «Dirty Dozen», soit les 12 fruits et légumes les plus contaminés aux pesticides. La fraise figure au premier rang depuis 2016. «Ça fait peur aux gens, alors que les bénéfices de manger des fruits et légumes sont tellement plus grands que les petits résidus qu'il peut y avoir», dit-elle, en soulignant qu'il faut simplement rincer les fraises avant de les manger.

Des prix concurrentiels

Les Québécois sont-ils prêts à payer plus cher pour des fraises du Québec? «Jusqu'à un certain point, réplique Yourianne Plante. Il y a une valeur maximale qu'on fait attention de ne pas dépasser.»  À partir de la mi-juin, les volumes de fraises augmentent et les prix diminuent. Elle rappelle aussi que les fraises du Québec sont régulièrement en promotion dans les épiceries. Et les grandes enseignes les mettent de l'avant. Costco est l'exception où seuls un ou deux producteurs de fraises du Québec ont une place, note Mme Plante. Le marché de la fraise du Québec reste surtout local, avec peu d'exportations, contrairement au bleuet ou à la canneberge. Mais l'Ontario et les États-Unis sont de plus en plus intéressés par les fraises du Québec.

Photo Mathieu Bélanger, collaboration spéciale

France Richard et Hugo Bélanger cueillent des fraises sans pesticides à la ferme Jean-Pierre Plante à l'île d'Orléans.

Les variétés de fraises, un secret bien gardé!

On peut maintenant déguster les fraises des champs du Québec de juin à octobre. Si l'offre est abondante en juin et juillet, elle l'est aussi en août et septembre. «La production de fraises d'automne est en train de dépasser celle d'été!», signale Yourianne Plante.

Il y a une trentaine de variétés de fraises au Québec, et de nouvelles sortes sont testées chaque année. Il en existe des centaines dans le monde! Mais contrairement aux pommes, les variétés et leurs caractéristiques ne font pas partie de la mise en marché. Et c'est voulu. Les consommateurs les connaissent donc peu ou pas du tout. La couleur, le goût sucré, la fermeté dépendent pourtant de la variété.

«Quand une variété est populaire et fonctionne bien, les producteurs veulent la produire et ne veulent pas être confinés à produire 74 variétés», explique Yourianne Plante. Mais rien n'empêche de s'informer auprès du producteur sur ses variétés. Le goût de la fraise sera le premier critère pour développer une variété, souligne-t-elle. «Ensuite, il ne faut pas qu'elle soit trop foncée, trop fragile.» À noter que les Québécois ont un faible pour la fraise sucrée.

Trois découvertesTrois fraises coup de coeur de Jean-Julien Plante, propriétaire de la ferme Jean-Pierre Plante, à l'île d'Orléans

Wendy

Une fraise hâtive, très sucrée, qui a vu le jour en Nouvelle-Écosse, surtout offerte à l'autocueillette ou à la vente directe à la ferme, car plus fragile à la conservation. De la fin du mois de mai à la fin du mois de juin.

Jewel

Fraise rouge clair de grande taille, juteuse, ferme et sucrée. Très populaire chez les producteurs. Idéale pour faire des confitures, à congeler ou à manger fraîche. De juin à juillet.

Cavendish

Une variété bien adaptée à la culture biologique. Ferme, claire et parfumée. Vient aussi de la Nouvelle-Écosse. Offerte en mi-saison.

Photo Mathieu Bélanger, collaboration spéciale

Seulement une dizaine de producteurs de fraises et framboises du Québec sur les 500 se sont lancés dans la culture biologique.

Astuces de conservation

Ce n'est pas seulement pour ses valeurs nutritives qu'on devrait adopter la fraise du Québec, souligne Annie Ferland, nutritionniste à Québec, docteure en pharmacie et fondatrice du blogue Science & fourchette. «C'est notre patrimoine culinaire. On devrait les mettre dans nos menus parce qu'elles sont de chez nous, qu'elles sont abordables et vraiment bonnes!»

Si on les savoure surtout natures, on peut rehausser leur goût en les mariant avec de la mélasse, du poivre noir, un vinaigre balsamique sirupeux, du zeste de citron ou de lime, ou encore avec des feuilles de basilic.

Les étapes

Quand on les achète, on privilégie des fraises sans parties vertes ou blanches.

Comme l'eau altère le goût des fraises, on les rince uniquement avant de les consommer. Elles flétriront aussi moins rapidement. Comme la fraise est fragile, Annie Ferland conseille de laver doucement les fruits avec un jet d'eau puis de les déposer sur une serviette propre pour les égoutter. On devrait les consommer rapidement après les avoir achetées.

Si on a cueilli les fraises et qu'on compte les manger dans les 24 heures, on peut les garder sur le comptoir pour qu'elle garde un maximum de saveur, explique Yourianne Plante, directrice générale de l'Association des producteurs de fraises et framboises du Québec. Mais si on veut les conserver quelques jours, voire une semaine, mieux vaut les garder au frigo, ce qui ralentira leur processus de vieillissement, souligne Jean-Julien Plante, propriétaire de la ferme Jean-Pierre Plante.

Astuce pour les congeler : on place les fraises sur une plaque de cuisson qu'on met on congélateur, ce qui évite qu'elles soient collées. Après environ deux heures, on les transfère dans un sac de congélation. On peut les conserver un an au congélateur.

Photo Olivier PontBriand, Archives La Presse

Si on a cueilli les fraises et qu'on compte les manger dans les 24 heures, on peut les garder sur le comptoir pour qu'elle garde un maximum de saveur.