Si, pour plusieurs Occidentaux, l'insecte est perçu comme une bestiole non désirable dont il faut se débarrasser à tout prix, de nombreuses populations dans le monde considèrent plutôt les larves, les grillons et les sauterelles comme des aliments savoureux et nutritifs qui méritent d'être intégrés à l'alimentation.

À Copenhague, le Nordic Food Lab s'est donné pour mission, depuis sa création en 2008, d'explorer le potentiel alimentaire de la région nordique. Et les insectes locaux font partie de l'équation.

Pour le directeur de l'organisation à but non lucratif, Michael Bom Frost, c'est d'abord et avant tout pour leur saveur que les insectes méritent d'être explorés.

«Nous devrions manger des insectes si nous croyons qu'ils ont bon goût. Mais évidemment, ce qui a bon goût pour chacun d'entre nous est dépendant de la culture dans laquelle nous vivons», souligne-t-il en entrevue téléphonique à La Presse canadienne.

M. Frost sera de passage dans la métropole québécoise le 26 février le temps d'une conférence à l'occasion de Montréal en lumière.

Il estime que les aliments sont aujourd'hui souvent très artificiels et loin de leurs origines et il préfère mettre l'accent sur les liens entre le lieu où nous vivons et la nourriture que nous mangeons.

«Donc nous devrions manger des insectes!», conclut-il, ajoutant que certaines larves du Danemark, séchées, «ont certaines des mêmes qualités que le bacon».

«Nous ne croyons pas que nous devrions élever des insectes venant des régions équatoriales, mais plutôt que nous devrions diversifier nos sources alimentaires. Et je crois que cela inclut les insectes, parce qu'ils permettraient de rendre notre consommation d'aliments et notre système alimentaire plus circulaire.»

Au Québec, l'inclusion de l'insecte dans l'alimentation demeure toujours marginale, mais suscite tout de même un intérêt de plus en plus marqué.

C'est du moins ce que remarque Yannick Grego, chargé de la recherche et du développement et biologiste à La Ferme d'insectes, située à Frelighsburg, dans les Cantons de l'Est.

«Aujourd'hui, quand on va dans des marchés, c'est vraiment fréquent de voir des gens qui ont déjà goûté (à des insectes) et il est très rare de voir du monde qui n'en ont jamais entendu parler», ce qui n'était pas le cas auparavant, indique-t-il.

La Ferme d'insectes se consacre depuis 2015 à l'élevage du ténébrion meunier, un coléoptère dont la larve, déshydratée, peut être transformée en farine ou mangée entière.

«Ce qui est vraiment intéressant, c'est que c'est un aliment riche en protéines. C'est à peu près comparable au boeuf. Une fois déshydratés, dans les ténébrions, il y a entre 45 et 50% de protéines. Comme on va manger l'animal en entier, on assimile vraiment ce qu'il y a dans son squelette et dans la chaire», note M. Grego.

«Une des raisons pour lesquelles (les insectes) sont autant mis sur un piédestal présentement, c'est parce qu'on les voit comme des remplaçants de la viande, carrément. Quand on les compare à la viande, d'un point de vue environnemental par exemple, on sait que la production d'insectes demande beaucoup moins d'intrants, autant au niveau de l'eau, au niveau de la nourriture qu'on va leur donner, ou du sol qui est nécessaire ou même, au niveau de la quantité de gaz à effet de serre qui va être émise pendant leur production», énumère de son côté le nutritionniste Bernard Lavallée, auteur du livre Sauver la planète une bouchée à la fois.

Il reste que pour que les insectes finissent par s'intégrer à l'alimentation, encore faut-il que les gens acceptent d'en manger.

Pourtant, Michael Bom Frost assure que les insectes peuvent avoir très bon goût et que la grande variété d'espèces différentes à travers le monde fait en sorte qu'il existe une multitude de saveurs à découvrir.

Le ténébrion meunier élevé sur la ferme de Frelighsburg, lui, a un goût comparable aux noix ou aux noisettes, selon Yannick Grego, qui s'est même fait dire récemment que l'insecte avait un goût de thé.

«(Certains) aliments qu'on considère comme étant dégoûtants, peut-être, et qui ne font pas partie de notre culture, pourraient très bien y être intégrés dans 10, 15 ou 20 ans. On n'a qu'à penser aux sushis, par exemple, qui, en quelques décennies, sont passés de quelque chose de très marginal au Canada à quelque chose de très, très commun, qu'on retrouve même dans les machines distributrices dans les dépanneurs», fait remarquer M. Lavallée, qui considère tout de même qu'il est encore trop tôt pour savoir si les insectes ne seront qu'une mode passagère ou s'ils finiront par s'implanter dans l'alimentation occidentale.

«En ce moment, c'est vendu comme étant la solution pour remplacer la viande, mais la réalité, c'est qu'on a déjà une solution pour remplacer la viande, et c'est de consommer des légumineuses, des sources de protéine végétales. Ça, ça fait déjà partie de notre culture alimentaire. Est-ce qu'ils vont vraiment réussir à s'imposer comme le remplacement par excellence? Je n'en suis pas certain.»