Sortez vos cocottes, car la saison des braisés arrive à grands pas. Mais avec la viande, assurez-vous de laisser de la place pour les légumes, conseille... le boucher ! Discussion sur l'art de bien choisir les ingrédients d'un mijoté avec trois grands amateurs de ces plats de réconfort.

LA TRINITÉ DU MIJOTÉ

Nous avons réuni le boucher Pascal Hudon (Pascal le boucher) ainsi que les chefs Étienne Huot, de La Récolte, et Jérémy Daniel-Six, du Bistro Rosie, pour cuisiner un braisé... avec les meilleurs ingrédients.

Lorsqu'on pense braisé ou mijoté, on pense généralement viande. Beaux, gros morceaux de viande. Mais le boucher et les deux chefs avec qui nous avons discuté et cuisiné sont plutôt dans une démarche de réduction des portions carnées. Ils préfèrent, de loin, la qualité à la quantité.

« Parfois, je braise des parties moins tendres et j'ajoute un peu de cette viande à un plat de gnocchis ou dans une assiette de brunch, avec plein d'autres éléments », raconte le chef Étienne Huot, du restaurant La Récolte.

Sur les nouveaux t-shirts que Pascal Hudon vend à sa boucherie, on peut lire : « Mangez moins de viande. Choisissez-la mieux. »

Quand il est question de braisés et de mijotés, ce choix a une importance insoupçonnée.

« Donnez-moi une belle pièce bien tendre », entend souvent Pascal le boucher. Certes, on peut mettre un noble filet mignon dans sa cocotte. Mais c'est plutôt l'occasion de faire cuire longtemps ces parties plus coriaces, parfois mal aimées ou tout simplement méconnues, comme le collier, le jarret (de porc ou d'agneau, pour faire changement du veau dans l'osso buco) et même certains abats.

Vous trouverez du rôti de palette, chez Pascal le boucher. Mais il sera peut-être plus petit qu'ailleurs. « Il y a encore beaucoup de belles pièces à griller sur la grosse palette classique. Le Denver Cut, par exemple, c'est super bon grillé », explique celui qui préconise le bon usage de la viande, pour maximiser le plaisir à table.

Comme les autres « néo-boucheries » que sont Lawrence, Dans la côte et Ça va barder, le commerce à l'angle des rues Saint-Denis et Jarry reçoit des carcasses entières. Avec cette approche « du museau à la queue », il faut trouver une fin délicieuse à TOUTES les parties de l'animal, mettre chacune d'elles en valeur de la meilleure manière possible. C'est tout un travail d'organisation et, surtout, d'éducation des clients.

Certes, Pascal a appris le métier en travaillant dans la boucherie familiale, à L'Île-Bizard, mais il a décidé de pousser encore plus loin son rôle d'entrepreneur éthique. Il se fait par exemple un point d'honneur de bien connaître chacun de ses fournisseurs. Pour la viande, il travaille étroitement avec plus d'une trentaine d'éleveurs, s'intéresse aux conditions de vie des animaux, exige que ceux-ci aillent au pâturage (sauf l'hiver si ce n'est pas possible), encourage une alimentation sans OGM, etc.

Lucie, sa précieuse éleveuse de poulets, a accepté de payer plus cher pour offrir une moulée de meilleure qualité à ses volatiles. Pascal, de son côté, accepte lui aussi de donner plus d'argent à Lucie pour que ses volailles soient bien en santé. Les consommateurs, du moins ceux et celles qui peuvent se le permettre, suivent à leur tour. Et tout le monde dort mieux la nuit !

UN PARCOURS LONG ET RICHE

Pascal est passé par mille détours avant de (re)trouver sa voie. Il a étudié la psychologie, la musique, l'art dramatique, la kinésiologie, l'environnement. Il a beaucoup voyagé. Puis c'est dans un cours intitulé « Gastronomie et société », donné à l'UQAM par Jean-Pierre Lemasson, que le jeune homme a eu un déclic.

« J'ai réalisé que la bouffe, ça touchait à tout : l'économie, l'éthique, l'environnement, les arts... » Et la boucherie, il l'avait dans le sang.

« Pour moi, être entrepreneur, c'est faire quelque chose qui est intimement lié à qui je suis, à mes idées, à mes valeurs. Ce n'est pas l'envie d'être riche ou d'être patron qui me motive. C'est celle d'aller au bout de mon rêve et d'être suivi là-dedans par une clientèle qui est ouverte à ce que je lui propose. »

Un chef comme Jérémy Daniel-Six, qui a tout récemment ouvert le Bistro Rosie avec sa conjointe Sophie Duchastel de Montrouge, suit Pascal dans son rêve. « Nous nous rejoignons sur plein de choses, dont l'importance d'acheter le plus localement possible, lance Jérémy. Et après, moi, je suis très souple. Mon menu change tout le temps. Je lui demande quelles viandes il a à me proposer et j'expérimente avec ça. »

Pour la saison froide, bouillons et braisés apparaissent à l'ardoise du nouveau restaurant de la rue Bélanger. L'intérêt grandissant du chef pour les cuisines asiatiques le pousse à travailler les viandes avec beaucoup d'aromates et d'épices exotiques.

Les restaurateurs qui souhaitent s'approvisionner chez Pascal doivent, comme Jérémy, accepter d'avoir un menu adaptable.

Pas question, par exemple, d'inscrire de l'onglet de boeuf au menu tous les soirs de l'année - « L'onglet, il n'y en a que deux par animal ! », précise le boucher - ou de commander 20 kg de bavette à la fois.

La Récolte, qui modifie également son menu chaque semaine pour se coller aux arrivages, est un autre précieux collaborateur. Pour notre dossier, le chef Étienne Huot a préparé un braisé de collier de boeuf. Mais, suivant les recommandations du boucher, il a aussi testé la cuisson à l'étouffée avec un deuxième collier. Les résultats sont convaincants. « Je vais essayer cette technique-là avec mon flanc de porc », déclare-t-il à Pascal.

En écoutant l'échange entre les deux passionnés, on constate que l'inspiration et l'influence positive voyagent dans tous les sens, autour du comptoir de cette belle boucherie de quartier.

COUPES À BRAISER

TRAVERS DE BOEUF (COUPE À ASADO ARGENTIN)

Voici cinq morceaux de viande qui conviennent parfaitement à la préparation d'un braisé.

Cette coupe est excellente dans n'importe quel braisé de boeuf. Pour un dernier barbecue de la saison, on peut même le faire cuire à feu vif côté viande, pendant quelques minutes, puis poursuivre la cuisson côté os à feu très doux pendant une heure.

RECETTE

VOLAILLE BRAISÉE, LÉGUMES D'AUTOMNE

Une recette du chef Jérémy Daniel-Six, copropriétaire du restaurant Rosie

À Paris, Jérémy a exploré les cuisines asiatiques avec les chefs William Ledeuil et Nobu. Mais ici, à la barre d'un restaurant réputé pour ses brunchs (Ma'tine, fermé en 2016), il avait moins la possibilité de le faire. « Chez Rosie, c'est le moment ou jamais de m'exprimer là-dedans », a-t-il décidé. Voici sa recette de mijoté aux accents thaïs.

INGRÉDIENTS

Pour 6 personnes

VOLAILLE De chez Pascal le boucher

12 pilons de poulet

12 coeurs de poulet

12 foies de poulet

MARINADE

20 feuilles de lime fraîches*

8 piments oiseau frais*

4 bâtons de citronnelle

30 g de galanga* (peut être remplacé par du gingembre)

15 g de curcuma frais*

1 tête d'ail épluchée

4 c. à soupe de beurre d'arachide

4 c. à soupe de jus de citron

500 ml de vinaigre de riz

500 ml d'alcool de riz*

SAUCE À BRAISAGE

1 L de marinade à volaille

800 ml de lait de coco (2 boîtes)

1,5 à 2 L de bouillon de volaille de chez Pascal le boucher

125 g de beurre ou moins

LÉGUMES De chez Jacques et Diane (marché Jean-Talon) 

6 carottes moyennes colorées en tronçons d'environ 1 pouce

6 racines de panais en tronçons d'environ 1 pouce

6 racines de persil en tronçons d'environ 1 pouce

6 rabioles blanches coupées en deux

6 rabioles mauves coupées en deux

* Ces ingrédients s'achètent dans les épiceries asiatiques.

PRÉPARATION

1. La veille, préparer la marinade en plaçant tous les éléments au mélangeur. Passer au chinois fin. Verser la marinade sur les pilons de poulet et laisser reposer toute la nuit.

2. Le jour même, égoutter les pilons de poulet de la marinade. Porter la marinade à ébullition avec les ingrédients de la sauce à braisage, en réduisant d'un quart. Incorporer les pilons de poulet et laisser cuire à feu très doux pendant 45 minutes.

3. Blanchir les coeurs de poulet dans l'eau bouillante (1 minute). Déposer ensuite dans une casserole moyenne avec les foies de volaille et mouiller à hauteur avec de la sauce à braisage. Cuire tout doucement pendant 10 minutes.

4. Pendant ce temps, incorporer les légumes dans la cuisson du braisage, avec les pilons de volaille.

5. Dans une cocotte de présentation ou une grande assiette creuse, déposer les pilons, les coeurs, les foies et les légumes. Verser la sauce par-dessus.

RECETTE

COLLIER DE BOEUF BRAISÉ, PÂTES ET LÉGUMES DE SAISON

Une recette du chef Étienne Huot, copropriétaire de La Récolte

À La Récolte, la viande braisée est surtout réservée aux décadentes assiettes de brunch, la cuisine du soir étant plus délicate. Mais à la maison, en famille, Étienne Huot ne boude pas son plaisir. Voici un classique qui a fait ses preuves.

INGRÉDIENTS

Pour 6 personnes

500 g de collier de boeuf

30 ml (2 c. à soupe) d'huile végétale

2 oignons, hachés

125 ml (1/2 tasse) de vin rouge

750 ml (3 tasses) de bouillon de boeuf

4 carottes en tronçons d'un pouce

4 branches de céleri

1 bouquet garni (thym, romarin)

1 petite courge de type butternut, en gros dés

1 petite botte de chou frisé (kale), tige retirée et feuilles grossièrement hachées

2 tasses de haricots verts (facultatif)

50 à 100 g de fromage Clos des Roches râpé (ou autre fromage de type parmesan)

400 g de pâtes orechiette bien cuites, et non « al dente »

1/4 de tasse de persil plat haché

PRÉPARATION

1. Placer la grille au centre du four. Préchauffer le four à 180 °C (350 °F).

2. Dans une casserole ou une cocotte allant au four, à feu élevé, dorer la pièce de collier dans l'huile. Saler et poivrer. Réserver la viande sur une assiette.

3. Dans la même casserole, à feu moyen, attendrir les oignons, les carottes et le céleri dans le gras de cuisson. Déglacer la casserole avec le vin et le bouillon. Ajouter le bouquet garni et remettre la viande. Porter à ébullition. Couvrir et cuire au four pendant 2 heures.

4. Ajouter la courge et le chou frisé. Poursuivre la cuisson 45 minutes ou jusqu'à ce que les légumes et la viande soient tendres. Rectifier l'assaisonnement. Retirer le bouquet garni et briser la viande en morceaux plus petits.

5. Blanchir les haricots puis réserver.

6. Cuire les pâtes, égoutter, mélanger avec le braisé et la moitié du fromage, les haricots et le persil haché. Bien enrober les pâtes avec la sauce. Mettre dans un plat de service et ajouter le reste du fromage râpé.