Le melon de Montréal a fait couler beaucoup d'encre, ces dernières années. Mais le semencier Jean-François Lévêque croit qu'on fait erreur sur la variété. LE melon québécois sur lequel les projecteurs devraient se braquer est le melon d'Oka.

Ce melon brodé (comme le cantaloup) serait plus facile à cultiver chez nous et tout à fait savoureux. Sur le site Potagers d'antan, on peut lire que le melon de Montréal s'est révélé capricieux. «  [...] on doit constamment le sélectionner, chaque année, pour ne pas qu'il perde ses caractéristiques. Le génome est instable. Il exige beaucoup de soin, d'eau, est sensible à la maladie, bref, ce n'est pas une sinécure d'en prendre soin », écrit Michel Richard.

On a même remis en question l'authenticité des semences de melon de Montréal qui circulent depuis quelques années au Québec. À l'époque, il était surtout cultivé par les familles Décarie et Gorman dans l'ouest de la ville, là où se trouve maintenant NDG. C'était le plus prisé et le plus cher des melons à l'époque. On a même dit qu'une seule tranche pouvait coûter le prix d'un steak ! Réputé pour être gros comme une pastèque, avec une forme un peu oblongue et une dizaine de côtes, le melon cultivé aujourd'hui aurait une taille très variable.

Le melon d'Oka serait donc mieux adapté aux conditions agricoles actuelles. Il a été « conçu » vers 1912 par le père Athanase des cisterciens d'Oka. C'est le fruit - littéralement ! - du croisement du melon de Montréal et du melon américain Banana. Le sélectionneur souhaitait conserver la forme ronde du melon de Montréal, mais avec la chair orangée du melon Banana. La chair du melon d'Oka est bel et bien orangée, avec un goût assez floral et complexe sur le plan aromatique.

Cette année, la fin de saison ensoleillée l'a sauvé de l'insipidité, aux Jardins de l'Écoumène, mais il manquait tout de même un peu de sucre, croit Jean-François Lévêque. Le semencier est néanmoins fier du produit. « Il ne faut pas oublier qu'en plus, les melons poussent mieux dans des zones un peu moins fraîches que la nôtre. »

LA GLOIRE DANS LES ANNÉES 20

Le melon d'Oka a connu son heure de gloire dans les années 20. Le grainetier américain Breck & Sons, de Boston, a été le premier, en 1924, à commercialiser les semences de cette variété développée puis stabilisée par le père Athanase. Puis, les semences ont été perdues.

Jean-François Lévêque a pour sa part découvert le melon d'Oka dans le catalogue du Seed Savers Exchange, une organisation américaine vouée à la conservation et à l'échange de semences d'une très grande diversité.

« Je faisais des recherches, puis j'ai vu "melon d'Oka". Ça a attiré mon attention. À cette époque-là, on n'en avait que pour le melon de Montréal, alors je n'ai pas trop insisté pour faire la promotion du melon d'Oka. Mais là, je pense que le timing est bon. »

- Jean-François Lévêque, semencier

Les moines d'Oka sont aujourd'hui installés à l'abbaye Val Notre-Dame de Saint-Jean-de-Matha. En 2014, le semencier leur a proposé de cultiver ce melon qui fait partie de leur patrimoine. Les archives de l'abbaye d'Oka ayant été léguées à l'Université de Montréal lors du déménagement, il ne restait plus qu'un petit manuel de jardinage pour guider les moines. La récolte a tout de même été bonne.

Aujourd'hui, M. Lévêque travaille à faire ajouter le melon d'Oka à l'Arche du goût de l'organisme Slow Food. Ce catalogue d'aliments oubliés ou en danger de disparition vise à préserver la biodiversité un peu partout sur la planète. Au Canada, l'Arche du goût compte une trentaine de produits, dont les baies d'amélanchier, le blé Red Fife et la poule chantecler.

« Nous avons une riche histoire agricole au Québec, qui est malheureusement méconnue, déplore le semencier. C'est pourquoi je trouve important de faire découvrir ces variétés anciennes ou patrimoniales au plus grand nombre. En plus, les conjonctures actuelles au Québec sont favorables à ça, avec tout le mouvement de cuisine locale. Ces aliments sont des pièces vivantes de notre patrimoine. »

Pour l'instant, le melon d'Oka n'est pas commercialisé. Mais, avis aux jardiniers du dimanche et aux fermes artisanales, on peut se procurer les précieuses semences aux Jardins de l'Écoumène.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le melon d'Oka a la forme ronde du melon de Montréal, mais avec la chair orangée du melon Banana.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Cette année, la fin de saison ensoleillée a sauvé le melon d'Oka de l'insipidité, aux Jardins de l'Écoumène, mais il manquait tout de même un peu de sucre, croit Jean-François Lévêque, semencier.