Kate Chomyshyn et Julio Guajardo rêvent à leur restaurant depuis au moins quatre ans. Le tandem de cuisiniers, qui a entre autres travaillé au St-Urbain et au Tuck Shop, à Montréal, sera enfin exaucé avec l'ouverture de Quetzal... à Toronto. En attendant, Kate et Julio participeront au festival YUL EAT, ce week-end, dans le Vieux-Port. Portrait d'un couple qui cuisine à quatre mains.

L'été dernier, nous étions agréablement surpris de retrouver Kate et Julio dans les cuisines du bar à mezcal El Rey, au Kensington Market de la Ville Reine. Julio nous avait alors appris que sa compagne et lui travaillaient désormais pour le chef torontois le plus célébré des dernières années, Grant Van Gameren.

Celui qui s'est fait un nom au Black Hoof, puis en ouvrant son premier restaurant, Bar Isabel, a par la suite continué à faire les manchettes culinaires torontoises avec le Bar Raval, le bar El Rey, le bar Prettyugly et l'ancien «greasy spoon» Harry's Charbroiled.

«J'avais travaillé avec Sunny, la femme de Grant, au Comptoir charcuteries et vins, à Montréal. Elle était sous-chef. J'ai donc décidé de tâter le terrain pour voir si c'était possible d'entrer en contact avec lui, de l'intéresser au projet que Kate et moi étions en train d'élaborer», nous a raconté Julio, la semaine dernière, au téléphone.

«Il a fini par prendre l'avion pour Montréal. On lui a préparé à souper dans notre appartement. Quelques jours plus tard, on recevait un appel: il embarquait!»

À ce moment-là, le couple se tenait occupé avec divers contrats et avec La Catrina, sa petite entreprise de paletas, ces popsicles mexicains dont la variété de parfums dépasse l'entendement. Il a mis sa petite usine à délices glacés sur... la glace, fait ses valises et pris la direction de Toronto.

Puisque le restaurant dont rêvaient les inséparables était un brin ambitieux, Van Gameren leur a offert les fourneaux de la mezcaleria El Rey en attendant. Là-bas, ils ont pu commencer à mettre leurs vastes connaissances de la cuisine mexicaine en pratique. Ils n'ont pas eu peur, par exemple, d'ajouter des chapulines (criquets séchés) à leur mélange de cacahuètes. L'éventail de piments utilisés est étendu. Les tortillas sont faites maison, de A à Z.

Faire feu de tout bois

Au Quetzal, le restaurant de leurs rêves, Kate et Julio continueront de préparer leur propre masa (pâte de base des tortillas, faite de maïs nixtamalisé, c'est-à-dire trempé dans une solution d'eau et de chaux). Ils auront également une estufa lorena, four typique mexicain sur lequel on fait cuire les tortillas.

Mais LE gros attrait du Quetzal, celui qui a rendu la concrétisation du projet aussi ardue, c'est l'espace de 22 pieds de long qui doit être aménagé pour le feu. Au Mexique, comme en Argentine et en Uruguay, entre autres, on cuisine beaucoup sur feu de bois.

C'est la cuisine des femmes indigènes qui fait vibrer Kate et Julio. Depuis qu'ils se sont rencontrés, il y a 13 ans, à l'institut Le Cordon Bleu Ottawa, les complices alimentent tous les deux une grande curiosité pour le Mexique. Certes, Julio a grandi à Leon, dans l'État de Guanajuato, puis a travaillé à la taqueria de son père à l'adolescence. Bref, il est né dedans.

«J'ai encore beaucoup de contacts là-bas. Mes amis d'enfance sont maintenant éparpillés partout au pays. Ils m'aident à vivre des expériences vraiment authentiques quand j'y retourne.»

Depuis quelques années, sa complice et lui multiplient justement les voyages dans son pays natal. À chaque séjour, ils sont éblouis par la diversité de la cuisine. Les États d'Oaxaca, de Tabasco et de Baja California, entre autres, ont tous des spécialités encore méconnues à l'extérieur du Mexique. Au programme cet automne:  le Chiapas.

Il allait donc de soi que le restaurant de la paire d'explorateurs serait authentiquement mexicain, avec des ingrédients recherchés qu'on ne retrouve pas à la petite taqueria du coin.

Les chefs s'inquiètent néanmoins du fait que la majorité des Canadiens n'associent pas nécessairement la cuisine mexicaine à un art culinaire «élevé». Seront-ils prêts à l'apprécier dans un contexte un peu plus haut de gamme? L'expérience Noma à Tulum, les restaurants d'Enrique Olvera (Pujol, à Mexico, et Cosme, à New York) et bien d'autres tables mexicaines gastronomiques ont démontré que c'était possible. À Toronto de jouer maintenant!

Kate Chomyshyn et Julio Guajardo participent au Smokehouse du lundi 4 septembre.

Aussi à YUL EAT

La programmation du festival est gargantuesque, mais il suffit de retenir les grandes lignes pour bien se préparer.

L'admission générale (5 $) donne accès à la zone Cuisine de rue où restaurants éphémères, camions de cuisine de rue et triporteurs proposent des petites portions (à payer à la pièce). Elle permet également de flâner au Marché Redpath, où une quarantaine d'exposants proposent leurs produits et services. Quelques bars commandités (comme le Biergarten Creemore Springs), des démonstrations et des dégustations gratuites s'ajoutent à l'offre.

Le Smokehouse (40 $ par adulte, 20 $ par enfant) permet de goûter aux délices grillés et fumés de plusieurs excellents chefs (montréalais, surtout) en écoutant des concerts de musique bluegrass et country. On achète son billet d'avance en choisissant la journée et l'heure d'arrivée. Une belle assiette gourmande vous attend!

Le parcours gourmand (entre 45 et 115 $, selon le forfait) se déroule dans le Hangar 16, qui est aménagé en stations où l'on peut goûter à des bouchées de chefs et à des boissons de petits producteurs. C'est là aussi que se déroulent les tables rondes et les ateliers plus ciblés du festival.

Photo fournie par YUL EAT

Kate Chomyshyn et Julio Guajardo ouvriront bientôt le restaurant Quetzal, à Toronto. Ils participeront au festival YUL EAT le 4 septembre à Montréal.