Le Frioul est situé dans l'extrême nord-est de l'Italie, entre les Alpes et la Slovénie, dans un coin de pays aux influences à la fois latines, slaves et montagnardes. En cuisine, ce joyeux mélange culturel donne des plats parfois un peu surprenants, mais qui méritent d'être découverts. Exploration.

Entre mer et montagneLa cuisine du Frioul, surtout celle de sa partie plus alpine, peut surprendre par ses influences austro-hongroises, quand ce ne sont pas les accents slaves qui s'y expriment. Dans la jolie ville de Gorizia, traversée en plein milieu par la frontière italo-slovène, nous avons cuisiné avec la chef Michela Fabbro. Quelques semaines plus tard, à Montréal, Fabrizio Caprioli nous a accueillis dans sa cuisine du Barcola.

Le Frioul, région du nord-est de l'Italie, est à la frontière de la Vénétie, de l'Autriche et de la Slovénie. Comme toute terre frontalière bien enclavée, elle a servi de monnaie d'échange dans moult guerres et conflits. Le Frioul a donc appartenu successivement à Venise, à l'Autriche, à la France, à l'Autriche de nouveau, puis au royaume d'Italie, à la République italienne, etc.

La population du Frioul compte un grand nombre de Slovènes. Certaines de ces familles sont arrivées avec l'exode istrien, il y a plus de 60 ans. Le territoire istrien (partie de la Slovénie et du nord-ouest de la Croatie qui borde la mer Adriatique) faisait alors partie de la Yougoslavie. Après la Seconde Guerre mondiale, le régime communiste avait mis la majorité ethnique italienne de l'Istrie (de 250 000 à 350 000 personnes) à la porte pour éviter une future revendication du territoire. Une partie de cette diaspora comprenait également des Slovènes et des Croates anticommunistes.

Voilà pourquoi, dans les villages frontaliers du Collio, par exemple, on trouve autant (sinon plus) de noms à consonance slave que de patronymes italiens. Prenez les vignerons du Collio et du Carso : Gravner, Radikon, Princic, Vodopivec, Zidarich, etc.

Dans les monts et collines du Collio, on mange beaucoup de porc, de venaison, de pommes de terre et même de la choucroute. À Trieste, superbe petite ville portuaire de l'Adriatique, le poisson et les fruits de mer occupent presque toute la place, dans les restaurants surtout. Mais le porc n'est jamais bien loin, avec des «buffets» comme Pepi et Da Giovanni, qui servent la viande nationale sous toutes ses formes.

Dans notre recherche sur la cuisine du Frioul, nous avons exploré plusieurs expressions de cette belle cuisine croisée avec les chefs qui nous ont ouvert leur cuisine. Michela Fabbro et son mari tiennent le restaurant Rosenbar, à Gorizia, depuis plus de 20 ans. «Au début, on servait surtout de la bière, du vin et un peu de nourriture. C'était majoritairement végétarien parce que je venais d'étudier la cuisine macrobiotique. Puis, on a commencé à produire beaucoup de pâtes et le restaurant est devenu une sorte de spaghetteria.»

Aujourd'hui, la chef propose plutôt des plats phares de la cuisine du Frioul et de Vénétie Julienne. Celui qu'elle nous a offert de préparer, les gnocchi di susine, ne pourrait être plus hybride, tant par ses origines que par la place qu'il occupe à table. Entrée? Plat? Dessert? Les gnocchis aux prunes, parfumés à la cannelle, sont une spécialité très saisonnière, que les Frioulans mangent une ou deux fois par année. Une fois la surprise de l'«inclassable» passée, les moelleuses pelotes de pomme de terre sucrées-salées se dévorent à une vitesse folle.

Cuisine maritime

À Trieste, où il a tenu quelques restaurants, à titre de gérant d'abord, puis comme chef semi-autodidacte, Fabrizio Caprioli profitait pour sa part de la fraîcheur et de l'abondance des poissons et fruits de mer. C'est après le passage de l'un des propriétaires du Buonanotte, également de Trieste, que le Frioulan s'est retrouvé dans notre métropole. Le restaurateur du boulevard Saint-Laurent avait été impressionné par la cuisine du jeune chef et lui avait offert de venir diriger les cuisines du Groupe Buonanotte. Et c'est ce que fit Fabrizio, sept années durant.

Puis le travaillant cuistot rencontra sa femme, Danielle Robichaud, fonda une famille et ouvrit le Barcola. Ce joli nom fait référence à la plage au nord de Trieste, où locaux et touristes prennent des bains de soleil et nagent dans la belle grande piscine qu'est l'Adriatique.

Si la chaleureuse maison de l'avenue du Parc a ouvert ses portes sans tambour ni trompette, c'était peut-être parce que le couple propriétaire avait les mains pleines, avec un petit d'un an et demi et un bébé naissant. C'est aussi parce que la discrète adresse avait pour objectif de devenir un classique de quartier, avec une clientèle fidèle et qui revient régulièrement. Quatre ans plus tard, ce semble être mission accomplie.

Au menu du Barcola, il y a parfois des spécialités du Frioul, comme les gnocchis de courge, pavot et ricotta fumée qui les a «mis sur la map» des foodies montréalais, se plaisent-ils à dire. Mais la cuisine explore également d'autres régions de l'Italie. Une fois par mois, on propose des soirées thématiques pour éduquer ses papilles aux parfums de la Sicile, des Pouilles, des Abruzzes, de la Vénétie, etc. Les fameuses sarde in saor et le porc en croûte de pain reviendront-ils au menu par une belle soirée d'automne ou d'hiver?

Photo Robert Skinner, La Presse

Le Frioul est situé dans l'extrême nord-est de l'Italie, entre les Alpes et la Slovénie, dans un coin de pays aux influences à la fois latines, slaves et montagnardes. En cuisine, ce joyeux mélange culturel donne des plats parfois un peu surprenants, mais qui méritent d'être découverts.