Même de loin, son odeur fait saliver. La brioche à la cannelle fait partie de ces aliments qui font l'unanimité, ou presque, au point où des commerces y consacrent tous leurs présentoirs. Et la voilà qui gagne aussi du terrain dans les pâtisseries raffinées, dans ses multiples versions. Délicieux tour d'horizon.

Succomber à la brioche

Ah ! le parfum enivrant d'une brioche à la cannelle qui sort du four ! Mariage d'effluves parmi les plus ensorcelants du monde culinaire - pain frais et épice douce -, la gâterie fait succomber de plus en plus de Québécois. Et si c'était la faute (pardonnée !) des Anglo-Montréalais ?

Nos recherches sur l'essentiel sujet qu'est la brioche à la cannelle nous ont révélé que la pâtisserie de l'heure est viscéralement anglo-saxonne. Bien que ses origines soient très lointaines et associées à plusieurs civilisations - on aurait marié pain, miel et fruits séchés en Égypte ancienne -, ses véritables inventeurs sont surtout britanniques, scandinaves et américains.

De plus en plus nombreux à la barre des boulangeries et des pâtisseries de la métropole, des influenceurs de papilles comme Marc Cohen (Lawrence et Larry's), Jeffrey Finkelstein (Hof Kelsten), Dyan Solomon (Olive + Gourmando), Seth Gabrielse (Automne Boulangerie) et l'équipe du Rustique Pie Kitchen, entre autres, pratiquent tous une des nombreuses versions de la brioche à la cannelle.

À Toronto, la journaliste culinaire Amy Rosen a récemment ouvert une boutique consacrée exclusivement à l'humble « cinnamon bun », servi avec thé ou café. Il n'en fallait pas plus pour que les médias de la Ville Reine déclarent que la brioche à la cannelle était la prochaine pâtisserie-vedette, après les cupcakes, les macarons et les beignes.

Comme pour tout classique culinaire, le roulé à la cannelle a des origines un peu floues et multiples. La plupart des historiens s'entendent pour dire que la recette telle qu'on la connaît aujourd'hui puise ses origines en Europe du Nord. Les techniques et les ingrédients de base s'apparentent à ceux utilisés en Allemagne et en Scandinavie. La cannelle venait bien sûr du commerce des épices.

Le premier candidat au rôle d'ancêtre de la brioche telle que nous la connaissons est le kanelbulle suédois - pensez IKEA, mais avec du gros sucre à la place du glaçage. En forme de noeud ou de spirale, la pâtisserie se prend au petit-déjeuner ou pendant le fika (pause-café) quotidien. Depuis 1999, le kanelbulle a même sa journée en Suède, le 4 octobre. Les Norvégiens, eux, ont leur skillingsboller.

Selon un article du quotidien Libération publié en novembre dernier, le Bureau suédois de l'agriculture et des statistiques révélait en 2010 que les Suédois mangeaient en moyenne 316 brioches à la cannelle par an !

Et voilà que les Français seraient de plus en plus fous du kanelbulle, nous apprend toujours Libé. Dire que bon nombre de pâtissiers très franco-français daignent à peine toucher à cette gâterie beaucoup trop rustique et anglo-saxonne.

« C'est quoi, ce truc ? C'est du citron confit qu'on devrait mettre dedans », répétaient les premiers pâtissiers français qui ont travaillé pour Marc-André Royal, à La Bête à pain. « Ils ne voulaient pas toucher à ça ! Et pourtant, dès qu'on en mettait au menu, on en vendait deux fois plus que tous les autres trucs », raconte le chef. Aujourd'hui, la brioche à la cannelle est au menu tous les jours, dans les succursales d'Ahuntsic et de Griffintown.

Un autre cousin rapproché de notre fameuse brioche nord-américaine pourrait être le « Chelsea bun », fait à partir d'une pâte de pain au lait, parsemée de cannelle, de sucre et de raisins. Ce délice britannique - qui, à une époque, était réservé aux festivités de Pâques - était servi à Londres, au Chelsea Bun House, à compter du début du XVIIIe siècle. Il fait également un retour en Angleterre depuis quelques années.

Comme la Suède, mais à beaucoup plus petite échelle, les États-Unis ont aussi leur journée de la brioche, le 21 février, qui est surtout fêtée à Philadelphie, où le « sticky bun » est une véritable institution. La recette typique de cette ville a voyagé en Amérique dans les bagages des colons allemands.

Son nom allemand, « schnecken », signifie d'ailleurs « escargot ». Le « sticky bun » se distingue de la brioche à la cannelle plus classique par son côté caramel collant. Mais attention ! Le mot « schnecken » est parfois aussi utilisé dans la communauté juive comme synonyme de « rugelach », une autre pâtisserie, en forme de croissant, parfois aromatisée de cannelle, mais plus souvent au chocolat.

Parions que vous n'auriez jamais pensé que la modeste brioche à la cannelle avait de si nombreuses incarnations ! « On ne peut jamais satisfaire tout le monde », conclut Marc-André Royal, de La Bête à pain. Mais qu'on préfère la version moelleuse bien levurée à la Cinnabon ou Saint Cinnamon ou l'élégance feuilletée d'un colimaçon pas trop sucré, il y a de quoi se réjouir chez les marchands de douceurs des environs par les temps qui courent.

Une brioche plus sage

Chez Larry's, on a troqué le décadent sticky bun dégoulinant de caramel contre la plus sage brioche du carême ; jusqu'à Pâques du moins. La Bête à pain Ahuntsic propose également ces petits pains épicés, parsemés de raisins et parfumés d'agrumes. Le hot cross bun, comme l'appellent les anglophones, aurait-il été « inventé » par un moine irlandais du XIIe siècle ? Est-il encore plus ancien et de tradition païenne ? La coutume veut qu'on mange le petit pain rond le Vendredi saint, pour briser le carême. La croix en sucre qui l'orne représenterait les quatre quartiers de la lune. Après tout, on célèbre Pâques le dimanche suivant la pleine lune du printemps.

Cinq brioches, cinq styles

OLIVE + GOURMANDO

Les brioches à la cannelle (et leurs divines cousines au chocolat) d'Olive + Gourmando ont vu le jour peu de temps après l'ouverture de la boulangerie, il y a plus de 15 ans. « Les premières versions étaient faites avec une pâte à pain. Puis, nous avons fait de la brioche, avec beaucoup d'oeufs et de beurre », explique Dyan Solomon, copropriétaire. Que vous choisissiez la version pomme-cannelle ou chaï, vous en aurez pour votre argent. Les brioches du café de la rue Saint-Paul sont si consistantes qu'elles peuvent nourrir une famille entière !

HOF KELSTEN

De forme plus aplatie, façon danoise, la « brioche pas brioche » de Jeffrey Finkelstein part d'une recette envoyée par un cousin israélien. « Mais plusieurs recettes juives n'ont pas de produits laitiers. La nôtre est pleine de beurre, très feuilletée », raconte le boulanger, qui souhaitait donner à sa pâtisserie une touche plus élégante et savoureuse. « Elle est très populaire au petit-déjeuner. Ceux qui la partagent se battent pour avoir le centre ! »

MERCI LA VIE !

La brioche à la cannelle et à l'écorce d'orange est très populaire à la boulangerie d'Albert Elbilia, à Prévost. La pâte est fine et fait beaucoup plus de tours que celle d'une brioche plus classique. « Je travaille avec deux pâtes laminées. C'est le festival des oeufs et du beurre. En roulant plus petit, j'obtiens un bon ratio de cannelle-sucre et de pâte. » Puis, il n'a pas à faire pousser ses brioches dans un moule à muffins. Elles tiennent toutes seules sur des plaques, ce qui réduit la vaisselle !

AUTOMNE BOULANGERIE

La nouvelle boulangerie du chef Seth Gabrielse et du boulanger Julien Roy a opté pour la version collante de la brioche à la cannelle. Pourquoi ? « Parce que je suis néerlandais ! », lance Seth. En effet, le schnecken fait partie des traditions culinaires de ce coin du monde. Chez Automne, le « sticky bun » contient un caramel infusé aux épices à spéculoos (cannelle, cardamome, gingembre, clou de girofle, etc.) et des pacanes. Pas trop gros, il se mange en deux ou trois bouchées.

RUSTIQUE PIE KITCHEN

Le S'cannelle du Rustique a toute une particularité. Il est fait non pas avec une pâte briochée ni même feuilletée, mais plutôt avec une pâte à scone. Ontarienne, la copine du propriétaire souhaitait ardemment voir un roulé à la cannelle dans le présentoir de la pâtisserie de la rue Notre-Dame. Mais il n'était pas question de faire une brioche classique. Ainsi naissait le S'cannelle, avec son glaçage qui rend la chose encore plus décadente à l'heure du thé.

La recette de La Bête à pain

Marc-André Royal, chef copropriétaire de La Bête à pain, s'est inspiré des « grosses brioches commerciales hyper moelleuses » pour déterminer le style de brioche qu'il souhaitait servir dans ses boulangeries. « Mais contrairement aux industrielles, les nôtres n'ont que des ingrédients qu'on peut prononcer ! » Pâte à brioche classique, cannelle, sucre et léger glaçage craquelé. C'est simple et ça ne donne pas l'impression d'avoir une brique dans l'estomac.

Donne 12 brioches

PÂTE À BRIOCHE

Ingrédients

• 625 g de farine blanche tout usage

• 5 oeufs

• 5 g (1 c. à thé) de sel

• 10 g de levure sèche

• 95 g de sucre blanc

• 80 g de lait

• 240 g de beurre en cubes

Préparation

1. Dans le bol d'un malaxeur muni du crochet, verser tous les ingrédients, sauf le beurre, et malaxer pendant environ 12 minutes en première vitesse.

2. Ajouter les cubes de beurre d'un coup et mélanger jusqu'à ce que le beurre soit bien incorporé, soit pendant environ 4-5 minutes.

À noter: l'utilisation du batteur sur socle avec crochet est idéale pour bien développer le gluten, mais vous pouvez également utiliser un batteur électrique, puis compléter en pétrissant la pâte. Ajoutez un peu de farine au besoin, si la pâte est trop collante. 

GARNITURE

Ingrédients

• 1 tasse de cassonade

• 2 c. à soupe de cannelle moulue

Préparation

1. Mélanger les deux ingrédients. Réserver.

GLAÇAGE

Ingrédients

• 1 tasse de sucre à glacer

• 1 c. à thé de cannelle

• 4 c. à thé de lait

Préparation

1. Mélanger les trois ingrédients au fouet. Réserver.

ASSEMBLAGE

1. Avec un rouleau, abaisser la pâte en rectangle à 1 cm d'épaisseur.

2. Bien saupoudrer la pâte du mélange de cassonade/cannelle.

3. Rouler en étirant légèrement la pâte vers soi pour faire un beau cylindre bien égal.

4. Couper le rouleau en 12 morceaux égaux.

5. Déposer sur une plaque à pâtisserie et faire pousser dans un four sans chaleur pendant 60 minutes.

6. Retirer du four et laisser de côté.

7. Chauffer le four à 175 °C (350 °F) et cuire les brioches pendant 20 minutes.

8. À la sortie du four, appliquer le glaçage à l'aide d'un pinceau.