D'un quartier à l'autre, les habitudes alimentaires ne sont pas tout à fait les mêmes. Et l'offre alimentaire dans les magasins des grandes enseignes n'est pas tout à fait pareille non plus. Pause fait le point.

Quand les clients traversent la porte du Maxi & cie de Côte-des-Neiges, à Montréal, un gros étalage les accueille. On y trouve des aliments qu'on a choisi de mettre en valeur - un «show», dit-on dans le milieu. Lors de notre passage, jeudi dernier, on y retrouvait des rapinis, des pomelos, des bok choys et des papayes. En grosse quantité.

«Dans un magasin comme celui de Chambly, où j'habite, on peut vendre peut-être une douzaine de rapinis par semaine, mais ici, à Côte-des-Neiges, ou encore au magasin de Jean-Talon, on parle de 200, 300 par semaine. Et quand il est en solde à 1 $, ils peuvent vendre une remorque complète», nous a confié le directeur principal pour les enseignes Maxi et Maxi & cie, Patrick Blanchette.

À côté de lui, une cliente d'origine asiatique choisissait minutieusement sa papaye.

Au Maxi & cie de Côte-des-Neiges, certains étalages rappellent littéralement ceux des marchés Kim Phat et Adonis: montagne de poches de riz de 8 kg, gros sacs de champignons séchés, bouquets de menthe, légumes racines, bananes plantains...

Sur 113 magasins Maxi au Québec, 33 tiennent des produits (fruits et légumes, produits secs, viande, etc.) de quatre grands segments: moyen-oriental, haïtien, asiatique et indien. Quatre magasins Maxi sur cinq tiennent au moins une petite partie de produits multiculturels.

Maxi, qui offre des produits multiculturels depuis environ 10 ans, tâche depuis un an et demi de répondre encore plus précisément aux goûts de ses clients en offrant, dans 14 de ses magasins, un assortiment de produits préemballés plus ciblés. Au magasin de Côte-des-Neiges, on trouvait, lors de notre passage, des feuilles de taro, des haricots longs et des gombos, entre autres.

Offre variable

Évidemment, une offre alimentaire de base se retrouve dans tous les magasins des grandes enseignes - plus de 80 % des produits chez Maxi, estime Patrick Blanchette. Mais chaque magasin a ses particularités, que ce soit sur le plan de la variété, de la quantité ou de la présentation des produits, nous ont confirmé Metro, le groupe Loblaw (Provigo, Maxi) et Sobeys Québec (IGA).

Avec les programmes de fidélité comme metro & moi et la carte PC PLUS, les grandes enseignes peuvent avoir une idée encore plus précise des habitudes alimentaires de la clientèle.

«L'idée que nos clients puissent trouver ce qu'ils désirent est centrale dans nos décisions et au coeur de nos opérations. On doit s'assurer d'adapter l'offre de chacun de nos magasins à la clientèle précise qui les fréquente», estime Geneviève Grégoire, conseillère en communications chez Metro.

Aux yeux de Pierre-Alexandre Blouin, vice-président aux affaires publiques à l'Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ), les magasins se doivent d'adapter l'offre en fonction de la clientèle: «Sinon, le consommateur ne va tout simplement pas se présenter chez nous», résume-t-il.

Certes, l'appartenance ethnique et religieuse de la population locale influence la marchandise tenue en magasin (au Maxi de Rivière-des-Prairies, où 12,5 % des clients sont issus de la communauté italienne, on trouve plusieurs sortes de pâtes fraîches et des desserts italiens, tandis que le Maxi de Brossard propose une grande variété de poissons congelés, dont le chanos, populaire auprès de la clientèle asiatique), mais d'autres facteurs entrent en jeu, dont le niveau de scolarité et le revenu de la clientèle, souligne Pierre-Alexandre Blouin, de l'ADAQ.

Par exemple, les produits biologiques font fureur au Maxi de Dorval et aux marchés Metro de Griffintown et de Westmount, notamment. «Il y a plus de demande et plus de diversité», résume Geneviève Grégoire, de Metro.

Les produits en vogue

Les clients aisés et plus instruits sont souvent parmi les premiers à réclamer à leur épicier de «nouveaux» produits en vogue auprès de certains chefs. Pierre-Alexandre Blouin cite l'exemple récent des edamames, qui se sont d'abord retrouvés dans les épiceries des milieux urbains plus aisés, mais qu'on voit maintenant partout au Québec. Il donne aussi l'exemple des sushis, qui, à leurs débuts, se vendaient bien en ville, mais pas en région. Aujourd'hui, souligne-t-il, les sushis sont populaires partout.

«Il ne faut pas prendre Montréal comme un bloc uniforme, précise Pierre-Alexandre Blouin. Il se fait des choses sur le Plateau qui ne se font probablement pas dans Hochelaga-Maisonneuve. Ça peut être rendu à Rimouski avant d'être rendu dans certains coins de Montréal», dit-il, soulignant que les tendances alimentaires peuvent aussi partir des régions avant d'atteindre Montréal.

Pierre-Alexandre Blouin en convient: il arrive que des clients reprochent à leur épicier de ne pas tenir une assez grande variété de tels ou tels produits, comme les fruits et légumes, ou encore des coupes de viande particulières. «S'il y a peu de demandes ou peu de gens qui sont prêts à payer un produit X, il n'y a pas de magasins qui vont se spécialiser à en vendre. Ils font des essais, mais c'est risqué de faire des essais à coup de palettes de produits», souligne M. Blouin, qui souligne que, dans un supermarché, la marge de profit net est d'environ 1 %.

«En fin de compte, conclut-il, c'est le consommateur qui décide si un produit va être efficace au terme de sa mise en marché ou s'il ne le sera pas.»

Dans le panier de mon quartier

Quels produits sont spécifiques à tel ou tel quartier? Lesquels y sont particulièrement populaires? Voici une petite recension sans prétention des produits caractéristiques de six quartiers montréalais.

Griffintown

Au marché Metro de Griffintown, près de l'École de technologie supérieure, les clients sont friands de fruits, de légumes et de produits biologiques, nous dit-on. D'où la grande variété tenue en magasin. «Au-delà du bio, les produits qu'on associe au naturel, comme le tofu, sont aussi très populaires», indique Geneviève Grégoire, conseillère en communications chez Metro.

Côte-des-Neiges

L'offre dans les épiceries de Côte-des-Neiges est à l'image de la population : diversifiée. À l'épicerie Metro Queen Mary et au Maxi & cie de Côte-des-Neiges, on offre notamment une grande sélection de produits casher - on parle d'un étalage de 32 pieds de viande et poulet casher chez Maxi. Ce magasin est aussi l'un des meilleurs vendeurs de riz. On y tient plusieurs variétés de riz en gros formats.

Saint-Michel

Quel quartier se démarque par son offre ? Maxi et Metro ont tous deux nommé leur succursale située à l'angle du boulevard Pie-IX et de la rue Jean-Talon. Metro propose une grande variété de dattes fraîches, de figues fraîches et de tomates. Le rapini s'y vend très bien. Au Maxi & cie, où un client sur cinq est d'origine caribéenne, on propose en outre une grande sélection de légumes racines, de fruits et de produits caribéens.

Pointe-Claire

Près de 10 % des clients du magasin Maxi de Pointe-Claire sont originaires d'Asie du Sud, une réalité qui se reflète dans les rayons des épiceries, puisqu'on y offre une grande sélection de produits utilisés dans la cuisine indienne : margose, aubergine indienne, gombo...

Saint-Laurent

Au Maxi & cie de Saint-Laurent, pas moins de 40 % de la clientèle est originaire du Moyen-Orient. L'épicerie s'adapte en conséquence et propose une grande section de viande halal. Les clients y retrouveront aussi une grande variété de produits moyen-orientaux.

Pointe-aux-Trembles

La proportion d'immigrants dans le quartier Pointe-aux-Trembles demeure faible (environ 7 %). L'offre au Maxi de Pointe-aux-Trembles se rapproche de celle de magasins Maxi régionaux. «La circulaire va attirer énormément de clientèle», souligne le directeur principal des enseignes Maxi et Maxi & cie, Patrick Blanchette. Les produits ancrés depuis longtemps dans la cuisine québécoise, comme le pâté au poulet, se vendent très bien.

Photo André Pichette, La Presse

D'un quartier à l'autre, l'offre alimentaire dans les magasins des grandes enseignes n'est pas tout à fait pareille.