Lorsqu'ils ont commencé à cultiver leur terre, il y a un peu plus de 10 ans, les artisans des Jardins de la Grelinette faisaient figure de pionniers. Aujourd'hui, grâce à ce qu'ils appellent «le retour au goût» des consommateurs québécois, ils attirent une très vaste clientèle à la recherche de légumes «d'une fraîcheur et d'une intensité qui goûtent la vie». Incursion chez de vrais passionnés.

«Parfois, je plains les gens quand je vois ce qu'on leur offre en épicerie», lance Maude-Hélène Desroches, après avoir cueilli une feuille de cresson à même le plant et goûté toute l'intensité de sa saveur, piquante et moutardée.

La copropriétaire de la ferme Les Jardins de la Grelinette, à Saint-Armand, ne se consacre pas à l'agriculture biologique simplement pour des raisons écologiques: elle y voit aussi un impact sur le goût, les textures, les saveurs.

«On dit que, pour des raisons mystérieuses, ça fait une différence, de vrais légumes qui ont poussé dans de la vraie terre vivante. Au marché, les gens sont super excités. On a souvent des commentaires de gens qui disent que ça goûte comme quand ils étaient petits.»

Depuis 2005, son conjoint Jean-Martin Fortier et elle cultivent leur terre de moins d'un hectare en Montérégie selon des pratiques maraîchères bio-intensives. Ils tentent d'utiliser au mieux chaque petit espace plutôt que de s'étaler sur de grandes étendues.

Les fruits et légumes sont récoltés sans machinerie, ce qui permet de rapprocher beaucoup plus les plants. Des filets protecteurs remplacent les pesticides, les engrais verts remplacent les produits industriels, et la biologie du sol est prise en compte comme composant-clé du processus agricole.

La ferme, qui approvisionne plus de 100 familles par la livraison de paniers de légumes ainsi que deux marchés publics, s'est fait connaître notamment pour ses mescluns, des mélanges à salades composés de petites laitues et de jeunes pousses, qui sont distribués dans certains commerces et restaurants le jour même de la récolte.

Au fil des mois, le mélange peut inclure feuilles de chêne, roquette, laitue Boston, kale, chicorée, ainsi que des verdures orientales comme le mizuna et le tatsoi.

Cette diversité est caractéristique de l'approche des Jardins de la Grelinette, complètement à l'opposé des monocultures. Les brocolis côtoient des dizaines de variétés de tomates, des choux chinois, des pois mange-tout, de l'ail, des carottes, des concombres, des rabioles, des radis et des cucurbitacées de toutes sortes. «Celle-ci a presque l'air d'une courge décorative pour l'Halloween», remarque Maude-Hélène Desroches en saisissant un pâtisson blanc qu'elle casse en deux avec ses doigts. Elle goûte et se montre satisfaite de la saveur, qui rappelle les courgettes et l'artichaut.

Pour promouvoir encore davantage la diversité, la ferme offre des découvertes aux abonnés qui reçoivent ses paniers de légumes chaque semaine.

«Là, les choux-raves sont prêts. C'est un légume qui n'est pas connu, mais qui va super bien dans les paniers. Les gens se font imposer une découverte et ensuite ils tripent. En crudités, pelé, c'est rafraîchissant, très crounch, très juteux, avec un goût de tige de brocoli», explique la productrice.

«La culture du légume grandit au Québec, c'est le fun, constate-t-elle avec satisfaction. Il y a des modes, mais malgré ça, les vieux légumes restent populaires. C'est très rare qu'un légume va être délaissé.»

Le kale rattrapé par la bette à carde et les rabioles

En matière de légumes comme pour les autres produits de la table, les effets de mode influent sur les habitudes d'achat des consommateurs. «Le kale, c'était la grosse affaire au cours des deux dernières années, rappelle Maude-Hélène Desroches. Ça continue, mais maintenant, la bette à carde est aussi plus connue, et les petites rabioles aussi.»

L'effet fines herbes

Les artisans des Jardins de la Grelinette s'assurent toujours d'offrir des fines herbes fraîches dans leurs paniers de légumes pour que les gens qui cuisinent à la maison puissent faire ressortir le plein potentiel des autres aliments qui leur sont livrés en rehaussant la saveur des plats cuisinés. «Ça change tout d'avoir des fines herbes! C'est ça qui fait que c'est bon, manger. Les gens les apprécient énormément», affirme la copropriétaire.

Méfiance envers les tomates

Échaudés après des années à acheter des tomates fades qui goûtent l'eau dans certains supermarchés, plusieurs consommateurs sont méfiants lorsqu'ils approchent les tomates d'un nouveau producteur, constate Maude-Hélène Desroches. «Quand ils ne nous connaissent pas, ils demandent souvent: "Est-ce que vos tomates goûtent quelque chose?"», raconte celle qui se dit «très fière» de ses nombreuses variétés de tomates bios, dont une tomate jaune striée qui fait tourner les têtes par son apparence excentrique.

Jus verts et «manger mou»

La mode actuelle des jus verts a beau stimuler ses ventes de kale, d'épinards et de persils, la productrice ne comprend toujours pas l'intérêt de broyer toutes ces belles feuilles. «C'est une drôle de mode, faire du "manger mou" dans lequel tu dois rajouter des bananes ou des trucs comme ça. Pourquoi ne pas manger une bonne salade de kale?», demande-t-elle.

Deux autres entreprises ou organismes qui offrent des paniers bios

Équiterre

En direct de la ferme

La Presse, Olivier Jean