La France va-t-elle monter sur la première marche? Le «world's 50 best restaurants» rendra public lundi à Londres son classement annuel, largement décrié par les chefs français, qui étaient encore absents l'an dernier des dix premières places.

En 2013, le «meilleur restaurant du monde» était espagnol: El Celler de Can Roca , à Gérone, avait succédé au Danois Noma, qui avait occupé la tête du classement pendant trois ans. Le premier restaurant français, L'Arpège, d'Alain Passard, à Paris, n'arrivait qu'en 16e position. De quoi fournir des arguments à ceux qui jugent la cuisine française dépassée.

La France ne serait-elle plus LE pays de la gastronomie? De grands chefs français balaient la question d'un revers de main et mettent en cause le classement organisé par le magazine britannique Restaurant. Il serait aux mains de l'industrie agroalimentaire et la méthodologie serait plus que contestable.

Un chef français, trois étoiles au Michelin, juge le classement «loufoque» et dénué de rigueur. Absent du classement, il se défend de toute rancoeur: «Je suis suffisamment bien traité par les classements de la planète pour ne pas avoir d'amertume», dit-il sous couvert d'anonymat. Surtout, il a figuré dans le classement. «Mais ils m'ont demandé de faire partie du jury, ce que j'ai refusé: on ne peut pas être juge et partie! Je leur ai dit que leur truc, c'était du pipeau».

«La France est le seul pays au monde qui se plaint du classement», répond sur un ton las, le journaliste Andrea Petrini, responsable en France du «World's 50 best restaurants».

Le classement est réalisé par 900 «experts» internationaux, dont des chefs et des critiques gastronomiques. Chacun vote pour 7 restaurants, dont au moins 3 à l'étranger, dans lesquels ils doivent avoir mangé dans les 18 mois précédents. Ils les classent par ordre de préférence.

Pas de liste prédéfinie de critères. Et «une innovation exceptionnelle» dans un établissement simple peut être davantage valorisée qu'un «repas plus opulent» dans un restaurant plus reconnu, selon le site du «World's 50 best restaurant».

S'il n'y a pas de restaurants français dans les premières places, c'est qu'«il n'y a pas assez de votes pour eux», avance Andrea Petrini. «Certains restaurants français renvoient l'image d'une cuisine plus figée, moins dans l'air du temps», poursuit-il.

«Photographie des tendances»

A contrario, le restaurant parisien la Septime est entré dans le classement 2013, à la 49e place.

«L'impact a été délirant», se réjouit le chef trentenaire Bertrand Grébaut, qui a reçu en février sa première étoile Michelin. «Le standard téléphonique a explosé quand le classement est sorti», raconte-t-il, alors que le Septime était pourtant déjà très couru. «Les demandes de presse et de réservation ont été énormes», poursuit-il. Ce classement lui a surtout amené une clientèle internationale.

Le chef n'a pas pour autant «la prétention d'être le 49e meilleur restaurant du monde». Pour lui, ce classement «ne décrète pas de façon exhaustive qui sont les meilleurs». Il le compare à «une photographie des tendances culinaires du moment». «Ce n'est pas vraiment comparable avec le guide Michelin», conclut Bertrand Grébaut.

Pour le chef trois étoiles, resté anonyme, le classement aurait dû s'appeler «les 50 trendy plutôt que les 50 best». Il reconnaît toutefois des avantages à ce classement. «Bien sûr que ça n'est pas sérieux. Mais bien sûr que c'est important: il fait parler de la gastronomie, et a réveillé l'intérêt pour des cuisines dans des pays improbables, du Danemark au Pérou».

Quant à la France, il est catégorique: «on reste les leaders. Les cuisiniers étrangers disent bien qu'ils doivent tout à la France!»

Dans le classement 2013, 6 restaurants français ont été distingués, ce qui fait de la France - même loin des premières places - le pays le mieux représenté, à égalité avec les États-Unis.