Il y a les parents qui dorment avec leurs enfants, mais il y a aussi des frères et des soeurs qui partagent le même lit. Si cette forme de cododo fait le bonheur de certains, les experts restent partagés sur la question.

Courtney Adamo vit à Londres avec son mari et ses quatre adorables enfants blonds. Sur son compte Instagram immensément populaire - elle est suivie par 125 000 personnes -, elle publie des photos de sa famille au quotidien, allant de la confection des crêpes le samedi matin aux jeux en pyjamas assortis. Toutefois, une habitude domestique de la famille Adamo suscite davantage de curiosité que les autres: les enfants partagent leurs lits.

En effet, les deux garçons - Easton, 10 ans, et Quin, 8 ans - dorment ensemble dans un grand lit. Quant aux filles - Ivy, 6 ans, et Marlow, presque 3 ans -, elles partagent aussi la même chambre et, depuis environ un an, le même lit.

Cette volonté est venue des enfants eux-mêmes, explique Courtney Adamo, qui a accepté de répondre à nos questions par courriel. Au départ, les deux garçons dormaient dans la même chambre, mais dans des lits séparés. Toutefois, chaque soir avant d'aller se coucher, Courtney et son mari Michael les retrouvaient blottis l'un contre l'autre dans le même lit. Ils ont profité d'un déménagement, lorsque Quin et Easton avaient 4 et 6 ans, pour leur laisser le choix entre deux petits lits ou un seul grand. «Pour eux, la réponse était évidente, dit Courtney. Et depuis ce temps, ils ont toujours dormi ensemble.»

Les deux garçons sont très proches; il arrive que l'aîné fasse la lecture au plus jeune, sans que les adultes le lui aient demandé. Parfois encore, les parents retrouvent un petit tas de jouets sous les couvertures... Et lorsque les frères se chicanent dans la journée, il n'en reste plus de traces au moment d'éteindre la lumière. Les parents constatent l'évolution de leur relation au fil des nuits et des années. «Ils sont comme un couple de vieux garçons avec leurs petites manières!»

Les filles, elles, partagent le même lit depuis que la plus jeune a 18 mois. «Ça ne se passe pas encore aussi bien qu'avec les garçons, concède Courtney. Mais chaque soir, Ivy et Marlow vont se coucher ensemble.»

Selon la jeune maman, cette habitude procure un sentiment de réconfort aux enfants. «Puisqu'ils sont ensemble, ils ne surgissent pratiquement jamais au milieu de la nuit parce qu'ils ont fait des cauchemars ou qu'ils ont peur. Je crois qu'ils se sentent en sécurité d'être dans le même lit.»

Et puisque la fratrie a déjà cimenté cette façon de dormir, cela simplifie certaines situations de voyage où tout le monde doit partager le même lit. Ça tombe bien: les membres de la famille Adamo viennent de partir autour du globe pour un an. Ils pourront ainsi tester leurs habitudes de cododo partout sur la planète!

Un lit, c'est bien; deux lits, c'est mieux

Deux frères ou deux soeurs qui dorment à poings fermés dans un grand lit, blottis au creux de leurs couvertures... Mignon comme tout, certes, mais est-ce une bonne idée pour le sommeil et l'autonomie des enfants? Dans un monde idéal, chaque membre de la fratrie devrait plutôt avoir son propre lit, croient les expertes interrogées par La Presse.

«Souvent, chez les enfants qui font du cododo avec leur fratrie, ça cache une anxiété», avance Marie-Ève Brabant, psychologue auprès des enfants et des adolescents. Que ce soit la peur de la noirceur, de se retrouver seul pour la nuit ou qu'un étranger entre dans la maison, ils se sentent réconfortés par une présence dans leur lit. «C'est une forme d'évitement de la part de l'enfant d'aller dormir avec son frère ou sa soeur, poursuit-elle. Et ça finit par être une forme d'évitement de la part des parents aussi.» Parce qu'ainsi, tout le monde dort, mais le problème d'anxiété sous-jacent n'est pas réglé pour autant.

Selon la psychologue, les enfants peuvent partager une chambre, mais dans la mesure où chacun a son lit. «Le lit, c'est l'intimité, c'est un espace personnel. Et ne serait-ce que pour la représentation que les enfants se font du lit conjugal... Les amoureux peuvent le partager, mais chaque enfant a son lit individuel.»

Dormir en solo peut aussi être un excellent catalyseur pour l'estime de soi, ajoute Mme Brabant. «L'enfant qui réussit à s'endormir seul dans son lit va développer un sentiment de compétence, d'indépendance et l'impression qu'il peut avoir confiance en lui pour affronter les événements de la vie», note-t-elle.

Cette opinion est partagée par la spécialiste du sommeil Wendy Hall, professeure à l'école des sciences infirmières à l'Université de Colombie-Britannique. «Certaines recherches suggèrent que les enfants qui apprennent à dormir en solitaire vont se rendormir plus facilement s'ils se réveillent», souligne-t-elle. 

«Je crois que cette forme d'autoapaisement les aide à réguler adéquatement leurs émotions et, conséquemment, à mieux faire face au monde extérieur parce qu'ils ont confiance en leurs capacités.»

Si dormir avec leur frère ou leur soeur peut permettre aux enfants de créer une belle complicité et d'apprendre des notions de partage, Marie-Ève Brabant croit que ces aptitudes peuvent facilement s'acquérir à d'autres moments. «Ce sont toutes des habiletés que l'enfant va développer pendant la journée, en interaction avec sa fratrie, affirme la psychologue. Il n'y a pas plus de choses qui se développent le soir que le jour.»

Une question de contexte

Néanmoins, tout dépend du contexte, des enfants impliqués et de la famille où le cododo prend place, selon Wendy Hall. «Si les frères et soeurs choisissent par eux-mêmes de dormir ensemble [comme dans le cas de la famille Adamo], cela peut être un joli arrangement pour eux», dit-elle. Le cododo peut aussi bien fonctionner avec des jumeaux, lorsqu'ils sont bébés, pour mieux synchroniser leurs boires.

Bien sûr, certains parents choisissent le grand lit à cause de l'espace restreint dont ils disposent, un problème fréquent chez les familles qui ont plus d'un enfant. Mais selon Marie-Ève Brabant, l'idéal dans ce cas serait d'opter pour des lits superposés. «Afin que chaque enfant ait son intimité, son espace à lui», dit-elle.

Les lits individuels permettent aussi au parent de passer un moment en tête-à-tête avec son enfant avant qu'il s'endorme. «Les journées passent vite et au moment du coucher, le parent peut prendre cinq minutes avec son enfant pour lui demander comment sa journée s'est passée. C'est important que l'enfant ait ce moment privilégié avec son parent, et que ce ne soit pas nécessairement les deux enfants en même temps.»

On pourrait penser que les enfants dormant ensemble ont moins de mal à s'endormir et sont moins sujets à souffrir d'anxiété, mais certaines études insinuent plutôt le contraire. «Nous ne pouvons donc pas conclure que le cododo va automatiquement faire en sorte que les enfants se sentent plus en sécurité. Ces résultats suggèrent que les choses ne sont pas aussi simples», résume Wendy Hall.

Un choix personnel

L'objectif n'est surtout pas de dire aux parents quoi faire et d'aller à l'encontre de leurs valeurs, nuance Marie-Ève Brabant. «C'est un peu compliqué pour le parent, parce que c'est vraiment un choix personnel. La ligne est mince et le but n'est pas d'être moralisateur. Mais il faut essayer de voir ce qui est mieux pour l'enfant, et non pour le parent. Car souvent, ce sont les besoins du parent d'avoir un meilleur sommeil et de ne pas avoir à gérer les crises, les cauchemars, les pleurs.»

Wendy Hall abonde dans le même sens. «C'est vraiment une situation qui dépend du tempérament et de la personnalité des enfants impliqués, de la façon dont ils dorment, de leur écart d'âge... Je ne veux jamais faire sentir aux parents qu'ils sont de mauvais parents.» Une chose est certaine, il vaut la peine de se pencher sur la problématique du sommeil, «un enjeu majeur de santé publique», croit-elle. Aussi bien s'attaquer au problème dès l'enfance, un lit à la fois.

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Garder une «saine distance»

Voici, à la lumière d'études consultées par la spécialiste Wendy Hall, les limites qu'il est préférable de ne pas franchir pour le cododo entre enfants, dans le but d'éviter certains risques associés à la suffocation (pour les plus petits) ou à l'éveil sexuel (pour les plus grands).

Âge maximal pour dormir dans le même lit

> Pour les enfants de même sexe: 8 ans

> Pour les enfants de sexe différent: 5 ans

L'âge maximal réfère à l'enfant le plus vieux.

Écart d'âge

L'écart entre les frères et soeurs (sans égard au sexe) ne devrait pas dépasser 5 ans pour pouvoir dormir dans le même lit.

Heures de sommeil approximatives nécessaires par nuit, par tranche d'âge

Pour les tout-petits: environ 13 h.

Âge préscolaire: entre 11 et 12 h.

Âge scolaire: entre 9 et 10 h.

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