Contrairement à la croyance populaire, ce n'est pas à l'adolescence, mais vers 2 ans, que les enfants sont les plus violents. Ils mordent, frappent, tapent. Et c'est normal. Qu'on se le dise. Ce qui l'est moins, c'est quand ils continuent d'agir ainsi à l'adolescence. Or, la maîtrise de soi s'apprend. Un nouveau livre fait le point.

Dès la naissance, il hurle. À 8 mois, il tire les cheveux. Vers 1 an, il vole les jouets. Puis viennent les grandes colères. Décidément, Jean-Jacques Rousseau avait tout faux. L'enfant ne naît pas naturellement bon. Au contraire. Il est naturellement agressif.Dans le fond, les parents le savent bien. Neuf mères québécoises sur 10 reconnaissent que leur poupon de 17 mois agresse parfois (souvent?) les autres. Bonne nouvelle: dès le primaire, la majorité (entre 50 et 60%) des enfants ne sont plus aussi violents. Seule une minorité (entre 4 et 10%) des jeunes continue de démontrer des comportements agressifs fréquents.

C'est que l'agressivité se «désapprend», explique Sylvie Bourcier, consultante en petite enfance, qui vient justement de publier un livre sur la question: L'agressivité chez l'enfant de 0 à 5 ans, aux éditions du CHU Sainte-Justine.

«L'enfant est un apprenant, résume-t-elle. Il a besoin de nous pour faire autrement. Mais il faut agir précocement. Agir plutôt que guérir. Plus on agit tôt, plus on prévient la violence.»

D'où l'intérêt de son livre, qui présente justement chaque étape du développement de l'agressivité chez l'enfant, de la naissance à 5 ans, et surtout une foule d'outils pour l'«accompagner» dans son «désapprentissage» de cette agressivité.

Consultante en petite enfance, l'auteure a passé huit ans au regroupement des CPE de Laval. Huit années à soutenir les éducatrices dans leur travail, notamment avec des enfants différents, plus agressifs, qui dérangent et qui inquiètent. Chaque année, elle a croisé une bonne centaine de cas difficiles.

Les parents devraient-ils s'en inquiéter? «Les parents ne pensent pas nécessairement aux conséquences. Mais les trajectoires sont documentées par la recherche: un enfant très agressif à la petite enfance est plus à risque d'avoir un comportement délinquant à l'adolescence.»

Alors quoi faire? De manière générale, il faut encadrer l'enfant, dit-elle. S'il faut certes réprimander un comportement inacceptable, il faut surtout souligner les gestes positifs («je suis fière de toi, tu as demandé avec des mots.»).Toujours, renchérit-elle, il faut aider l'enfant à verbaliser ses émotions. À trouver un moyen d'exprimer avec des mots, ce qu'il exprime avec des coups (ou des morsures, ou des gros mots). Pour ce faire, il faut chercher à comprendre l'intention derrière le geste et, surtout, ne pas lui attribuer de mauvaises intentions («Je comprends que tu es fâché, on t'a pris un bloc. Peux-tu le dire avec des mots?»).

La consultante n'est pas en faveur du retrait. «Si on sort un enfant d'un local (ou d'une pièce), comment va-t-il apprendre à faire autrement s'il est tout seul? Il faut lui montrer, servir de modèle, l'accompagner.»

C'est à force de pratiques, de répétitions, que l'enfant va apprendre à s'exprimer, partager, attendre son tour, etc. pour finir par régler ses conflits tout seul.

Tout cela est bien beau en théorie, mais en pratique, dans la folie du quotidien, quel parent a le temps de toujours s'arrêter, analyser, aider à verbaliser et accompagner son enfant dans la résolution de ses conflits? «Il ne faut pas nécessairement le faire tout le temps, sinon on n'en finit plus, conçoit-elle. Mais plus on le fait, moins on a à le faire.»

Dernière suggestion, et non la moindre: pour canaliser cette agressivité, Sylvie Bourcier suggère l'activité physique. Si un enfant se transforme en monstre tous les jours, à la même heure, une petite sortie au parc, à courir, grimper et lâcher son fou, ne serait peut-être pas un luxe à négliger.