Jamais dans l'histoire nos enfants n'ont été autant en sécurité qu'aujourd'hui. Pourtant, nous vivons dans une culture où il y a une tolérance zéro pour le risque. Résultat : nous avons tendance à surprotéger notre progéniture.

C'est le constat du Dr Michael Ungar, professeur à l'école de service social de l'Université Dalhousie et thérapeute familial depuis plus de 20 ans. Dans son livre Le syndrome de la mère poule, le Dr Ungar dresse un portrait de cette génération de parents qui disent plus souvent non que oui, qui craignent plus que tout que les nouvelles expériences que vivent leurs ados leur apportent des problèmes ou des déceptions. Ils sont inquiets et anxieux, souvent inutilement.Bien sûr, dit-il en entrevue depuis Halifax, ces parents surprotecteurs ont toutes les raisons du monde de couver leur enfant : ils l'aiment tant et ils ne veulent pas qu'il lui arrive un malheur. Et ce, dès le plus jeune âge. Comme ce parent qui dit à sa fillette de ne pas grimper sur la structure de jeu, pourtant parfaitement sécuritaire. «Je ne les blâme pas, dit le Dr Ungar. Ce n'est pas parce qu'ils sont mesquins, ils le font par amour.

«Je ne blâme pas non plus les médias, ils offrent ce que le consommateur veut : le compte rendu des événements, négatifs ou pas. Mais je crois que c'est en partie en raison du phénomène de la nouvelle 24 heures sur 24. Quand on entend l'histoire de la petite Maddie, kidnappée au Portugal, on sent presque, de façon viscérale, que c'est arrivé à notre porte.

«Il est certain qu'un cas d'enlèvement, c'est un cas de trop, ajoute-t-il. Mais les statistiques démontrent que les enfants sont plus en sécurité aujourd'hui. Même l'usage de drogues, le tabagisme, les risques d'être impliqué dans un accident sont en décroissance, partout en Amérique du Nord», cite Michael Ungar.

Mon enfant, mon projet

Mais alors pourquoi certains parents s'inquiètent-ils autant du sort que le monde réserve à leur enfant? «Dans un sens, nos enfants nous rendent plus complets. Je me souviens d'un jeune que j'ai rencontré et qui m'a dit : "J'aimerais que ma mère cesse de faire de moi son projet. Mes succès sont très importants pour elle".»

La tendance à l'hyperprotection se voyait plus rarement chez les générations précédentes, alors que les obligations liées aux familles nombreuses laissaient peu de temps aux parents pour se ronger les sangs au sujet des frasques de leurs rejetons. De plus, les enfants étaient responsabilisés très jeunes en se voyant confier de nombreuses tâches, dont le soin de leurs frères et soeurs.

Ce sont ces responsabilités qui font défaut aux jeunes couvés à l'excès. Et aussi la possibilité de tester leurs limites. Car c'est ainsi qu'ils bâtissent leur personnalité, qu'ils vivent des expériences enrichissantes, qu'ils apprennent à régler des problèmes et qu'ils acquièrent confiance en eux, croit le Dr Ungar.

En les privant de ces expériences, les parents causent plus de dommages qu'ils n'en évitent, estime le spécialiste. Un enfant qui depuis son plus jeune âge n'a jamais été confronté à l'échec sera dépourvu au premier coup dur. Et il aura tendance à être très anxieux devant ce monde si «dangereux» qu'il devra affronter. Ou encore, il se lancera à corps perdu dans la recherche des sensations fortes dont il a été privé et adoptera des comportements destructeurs.

Lâcher prise, pour leur bien

Pour les parents tenaillés par la peur du danger qui guette leur enfant, lâcher prise n'est pas chose facile. Michael Ungar suggère quelques pistes pour apprendre à dire oui au risque... contrôlé.

D'abord, comme toujours, la communication est de mise. Au lieu de refuser systématiquement les sorties, parler posément à son ado peut être bénéfique pour les deux parties. On doit identifier les problèmes potentiels et discuter avec lui des avenues possibles. Et si l'activité est vraiment trop dangereuse, pourquoi ne pas proposer une solution de rechange?

Ensuite, le parent doit se poser trois questions :

1- Quelles sont les expériences qu'il a lui-même vécues durant son enfance ou son adolescence?

2- Quelles sont les leçons, bonnes ou mauvaises, qu'il en a retiré?

3- Comment peut-il offrir une solution de rechange sécuritaire, mais tout aussi

stimulante?

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MICHAEL UNGAR. Le syndrome de la mère poule : Apprendre aux ados à faire face aux risques et aux responsabilités, les Éditions de l'homme, 2007, 256 pages