Raphaël Arteau-McNeil et Amélie Desruisseaux-Talbot, un couple au tournant de la trentaine, ont opté pour la tradition en ne donnant que le nom de famille paternel de Raphaël (Arteau) à leurs trois enfants. «La décision s'est prise très rapidement. Devant l'impossibilité de léguer nos quatre noms, on a décidé de retourner à la tradition.»

Le directeur de l'état civil interdit en effet le port de plus de deux noms de famille. Malgré cette règle, les parents aux noms de famille composés voient tout de même 14 possibilités s'offrir à eux, que ce soit en ne donnant qu'un des quatre noms ou en les permutant d'une manière ou d'une autre. Retourner à la tradition a donc cet avantage de couper court aux atermoiements.

Mais la tradition est aussi valable en elle-même, note Raphaël. «Elle crée une unité familiale. Et en s'inscrivant dans la continuité, elle témoigne d'un respect envers le passé. Nous ne sommes pas les créateurs absolus de nos enfants; il y a toujours une histoire qui est plus grande que nous.»

Le nom de la mère pourrait-il assurer ce lien familial? «Ce serait déroger à la tradition, qui veut que ce soit le nom du père qui soit légué, indiquent de concert Amélie et Raphaël. Ça reviendrait donc à faire un choix arbitraire, et c'est là que ça devient compliqué. N'oublions pas qu'il n'y a que la génération de nos parents qui a rompu avec la patrilinéarité.»

Le frère cadet de Raphaël, Guillaume, espère suivre les traces de l'aîné. Lui dont le nom de famille est McNeil-Arteau au lieu d'Arteau-McNeil, une subtilité héritée du souci d'équité de ses parents, n'a pas encore d'enfants, mais il préférerait qu'ils ne portent que le nom d'Arteau. Par souci de simplicité, mais surtout pour la tradition. «Le plus important, c'est de créer une unité familiale. Et elle sera plus forte si mes enfants portent le même nom que leurs cousins et cousines.»

La voie subjective

François Bolduc et Marie-Odile Magnan-Mac Kay, un autre couple à l'aube de la trentaine, ont opté pour une voie plus subjective. Plus longue et plus sinueuse, elle assure toutefois l'unicité du nom de leurs deux enfants, estiment-ils. «Des Magnan-Bolduc, il n'y en a pas d'autres. Ce sont les seuls.»

Pour en arriver à ce choix, il leur a fallu évaluer certains critères, comme l'originalité du nom et l'attachement à un nom plutôt qu'à un autre.

Au départ, Marie-Odile souhaitait que ses enfants ne portent que le nom de Magnan. «J'ai un lien fort avec les Magnan. Ce sont des artistes, des musiciens, je m'y associe. C'est aussi plus rare, alors ça crée une identité plus claire. Et puis c'est un peu une tradition dans ma famille que la mère lègue son nom; toutes mes tantes ont donné le nom de Magnan à leurs enfants.»

Compromis

Mais François n'était pas tout à fait à l'aise avec cette idée. «La mère a déjà un lien naturel avec ses enfants, mais pas le père. Alors pour qu'il y ait une trace claire de ma paternité, je trouvais important qu'ils portent aussi mon nom.»

Après quelques semaines de discussion, les parents ont de bon gré trouvé un compromis dans le nom composé de Magnan-Bolduc. «Personne n'a cédé complètement, confie Marie-Odile, mais on a trouvé un terrain d'entente.»

Cependant, une fois la décision prise, pas question de changer en cours de route. Les deux jeunes parents tiennent à ce que leurs enfants portent tous le même nom. C'est important, selon eux, pour que leurs origines familiales soient claires.

En léguant un nom de famille composé, François et Marie-Odile éprouvent par contre un regret. «Nos enfants vont devoir faire le même choix que nous et ce sera plate pour eux, avoue François. Peut-être qu'on manque de courage en ne tranchant pas tout de suite. Chose certaine, si leur choix ne se fait pas dans l'opposition ou dans la rage, on ne sera pas offusqué. Après tout, on a dû choisir nous aussi!»