Ah, les Pokémon! Si vous croyez que tout a été dit sur le sujet de l'heure, détrompez-vous. Car dans la foulée du nouveau jeu de Nintendo, des ados sont miraculeusement sortis de leur chambre pour voir la lumière du soleil, marcher des kilomètres et même... passer du temps de qualité avec papa et maman. Témoignages.

Jouer et admirer le coucher de soleil

Sylvain Grand'Maison et son fils Sévan n'auront jamais passé autant de temps au fort de Chambly, à un jet de pierre de chez eux. Le père et son jeune ado s'y rendent pour chasser les Pokémon... et ils sont loin d'être les seuls!

«Le spot du coin, c'est vraiment le fort de Chambly, affirme Sylvain Grand'Maison. Et c'est le soir que ça fonctionne le plus. Autour de 20h, il y a un pic.»

Selon le père de famille, l'autre soir, il y avait probablement plusieurs centaines de personnes venues jouer dans le lieu historique. Avec son fils de 12 ans, il s'y rend en bicyclette, une affaire de quelques kilomètres. «Tout le long du bassin de Chambly, il y a une promenade qu'on peut faire à pied ou à vélo. On y trouve un paquet de Pokéstops et beaucoup de choses.»

Là, ils prennent le temps de jouer, oui, mais aussi d'admirer le paysage à la tombée du jour. «Avec le coucher du soleil sur le bassin de Chambly, c'est magnifique, souligne M. Grand'Maison. Pendant que je regarde la lumière jaune sur le fort, Sévan s'amuse un peu.»

Autant pour le père que pour le fils, il s'agit d'une occasion de passer du temps ensemble. «On a aussi une petite fille de 2 ans. Donc, quand on joue lui et moi, on est juste tous les deux. Ça fait partie des petits moments comme ça.»

Le préado profite effectivement du temps passé avec son père, en fin d'après-midi, après le camp de jour. «On fait ça ensemble, on s'amuse vraiment, raconte Sévan. On part en vélo, donc en plus ça nous fait faire de l'exercice.» Ce avec quoi son père est bien d'accord... «Avant-hier, je voulais qu'on aille faire du vélo et il me disait: "Bof, bof, ça ne me tente pas..." Mais lorsque je lui ai dit qu'on arrêterait en cours de route pour les Pokémon, il est tout de suite allé chercher son casque et "go, on y va"!»

Sévan est d'ailleurs un fin connaisseur des Pokémon, puisqu'il jouait déjà sur d'autres consoles. «Lorsqu'il en attrape un, tout de suite, il connaît le nom; moi, ça me fascine», lance le papa. «Il y a des Pokémon que je n'ai pas encore attrapés et c'est un bon défi, affirme pour sa part Sévan. Il faut tous les retrouver!»

Beaucoup de couchers de soleil à prévoir pour le père et le fils, donc.

En pyjama dans la rue

Cette année, les vacances de Simon Paré ne sont pas tout à fait comme les autres. D'abord, un bête accident de skateboard s'est conclu avec un plâtre pour son ado de 14 ans, Jean-Frédéric. Au même moment, un nouveau passe-temps est entré dans leur vie: la chasse aux Pokémon!

Grands joueurs de Pokémon Go, le père et le fils adorent quadriller les rues de leur ville, Québec, à la recherche de ces petites créatures. Il faut dire que les astres étaient parfaitement alignés pour que la famille Paré se mette au jeu. L'application est sortie au tout début de ses vacances, et avec le plâtre de son plus jeune, les activités étaient plutôt limitées. «Ça nous a permis de jouer beaucoup, résume Simon Paré. On est même sortis jusqu'à tard le soir.»

Effectivement, après avoir vu qu'un Pokémon rare se trouvait dans leur rue, ils ont fait fi de l'heure tardive et sont partis chasser la petite bête. «Jamais je n'aurais pensé me promener à 23 h 30 avec Jean-Frédéric en pyjama, à chercher des Pokémon!», lance Simon Paré.

Quant au principal intéressé, il semble apprécier cette dose supplémentaire d'activités avec son père. «Avant, je jouais beaucoup sur mon ordi, en ligne avec des amis, mais maintenant, je passe beaucoup plus de temps avec ma famille», dit Jean-Frédéric, dont le plâtre avait justement été retiré la veille.

«C'est comme une activité familiale, mais on se promène, on fait du vélo, c'est cool

Aussi, grâce à cette nouvelle occupation, l'ado passe plus de temps hors des quatre murs de sa chambre. «Ça me stimule beaucoup à sortir dehors, à découvrir d'autres Pokémon et à faire éclore les oeufs», se réjouit Jean-Frédéric. À cette fin, le duo père-fils parcourt parfois de bonnes distances à pied, sans compter les arènes et les Pokéstops. «Ça nous amène à nous déplacer et à nous promener, pas juste à regarder dans notre rue», reprend le père.

Et décidément, Simon Paré n'était pas au bout de ses surprises, car il s'est aussi retrouvé en bonne compagnie pour s'occuper des courses. «Avant, si je voulais aller faire une commission, mon fils ne voulait rien savoir. Mais maintenant, il embarque avec moi, parce que pendant que je conduis, il peut jouer à son jeu.»

Ce qui rend chaque sortie un peu spéciale. Même les virées à la quincaillerie sont devenues excitantes! Décidément, ces vacances ne sont vraiment pas comme les autres...

Photo Jean-Marie Villeneuve, archives Le Soleil

Marcher pour la cause

Leila Japonny n'a jamais autant marché. Depuis que le jeu Pokémon Go est entré dans sa vie, elle marche pour aller travailler, pour se rendre au restaurant, tout cela dans le but d'aider ses garçons à faire avancer leur jeu!

Mère de trois enfants, Leila Japonny joue à Pokémon Go avec ses deux plus jeunes, Mehdi, 16 ans, et Ghali, 12 ans. Véritables fans de cette nouvelle application, ils adorent jouer en famille.

«On a énormément de plaisir. On se tape dans les mains quand on en attrape un... On s'amuse en même temps, quoi!»

S'ils s'adonnent à ce passe-temps ensemble la plupart du temps, Leila Japonny fait aussi son bout de chemin... seule. Elle profite de la distance qui sépare son logis de son travail pour faire éclore les oeufs de ses fils. Elle fait donc le trajet à pied - de Mont-Royal à Laval - quelques fois par semaine ; une distance de plusieurs kilomètres, où elle «transporte» la couveuse des Pokémon!

Pour compliquer la situation un peu, elle doit faire éclore les oeufs à tour de rôle, puisque chacun de ses fils possède son propre compte. «Je joue avec mon téléphone puisque c'est moi qui ai les données, avec un seul des comptes à la fois», explique la maman dévouée.

En famille aussi, ils traversent des quartiers complets dans leur chasse aux Pokémon. La dernière fois, ils sont partis de Mont-Royal pour se rendre jusque dans la Petite Italie. «On a fait presque 7 km aller-retour à pied!», soutient Leila Japonny, en précisant qu'elle n'a jamais vu son grand de 16 ans faire autant de sport. Ou faire du sport, point. Et voilà qu'il s'est mis à courir pour accumuler le plus de points possible.

Mieux encore: les garçons ont délaissé les jeux vidéo auxquels ils jouaient avec leurs amis, en ligne, au profit du grand air. «Ils ont complètement oublié l'intérieur!», se réjouit leur mère. Voilà qui compense largement tous les kilomètres qu'elle parcourt, chaque jour, sous le soleil écrasant.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Leila Japponny et ses deux fils de 12 et 16 ans.

Les belles soirées

Ces temps-ci, dans la maison familiale de Longueuil, Catherine Galarneau et son fils Nicolas ne se demandent plus quoi faire de leurs soirées. Sitôt la table débarrassée, ils partent chasser les Pokémon!

«Après souper, souvent, on n'a rien à faire et on regarde la télé. Même nous, les parents, on est un peu vidés après une journée de travail et on n'a pas nécessairement envie de commencer un jeu de société», constate la maman. C'est ainsi qu'un soir, elle a eu l'idée de jouer à Pokémon Go avec son fils de 13 ans - sa fille de 14 ans, elle, n'est pas du tout intéressée par le phénomène. «Ça fait environ quatre ou cinq fois qu'on le fait, et c'est bien agréable!», lance-t-elle avec enthousiasme.

Au fil de leurs promenades dans le secteur, Nicolas et sa mère sont parfois tombés sur des éléments historiques qu'ils ne connaissaient pas.

«J'ai découvert plein de statues autour de la maison; on voit autre chose, dont l'art proche de chez nous.»

Ils se rendent également aux abords du parc Michel-Chartrand, où, en plus des Pokémon à attraper, il y a toute une faune à observer. «C'est un merveilleux parc. On se promène beaucoup, on regarde autour: la nature, le coucher du soleil...»

Elle enseigne aussi à son fils à se montrer discret quand ils vont chasser les Pokémon près de l'hôpital Pierre-Boucher, par exemple. «Je lui dis qu'on doit rester tranquille, faire ça sobrement.» Même chose quand ils s'approchent du terrain des gens. «On s'amuse, tout en respectant les autres. C'est important d'inculquer cela aux jeunes», estime-t-elle.

Puisque les amis de Nicolas ne résident pas dans le même secteur, c'est la mère qui joue le rôle d'«ami du soir» pour son fils. Et elle ne s'en plaint pas ! Elle profite de chaque minute passée avec son jeune ado. Ils marchent, ils jasent, le tout à l'extérieur de la maison. Et s'ils peuvent récolter quelques Pokémon en plus, alors tant mieux.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Un outil pour aller plus loin

Jouer à un jeu comme Pokémon Go peut-il rapprocher un parent et son jeune ado? Oui, croit la psychologue Carole Lane, mais à condition qu'on utilise l'application comme un outil pour aller plus loin dans la relation.

«Comme parent, il faut avoir en tête que ça devrait être un levier pour mener à autre chose: discuter avec son ado, parler de ses intérêts, s'intéresser à son univers», explique Mme Lane, psychologue au CHU Sainte-Justine.

«La qualité de la relation, ce n'est pas la quête conjointe du Pokémon. C'est plutôt ce qui se ressent et ce qui se dit entre le parent et le jeune.»

Et le jeu n'est qu'une façon parmi tant d'autres d'y arriver. «Une relation parent-enfant doit se construire autour de différentes activités. Est-ce qu'on ne pourrait pas aussi aller dehors, faire du vélo ensemble, aller à la piscine?»

Heureusement, l'application Pokémon Go se joue majoritairement à l'extérieur, sous le chaud soleil estival. D'ailleurs, les parents devraient profiter de l'été pendant qu'il est là, glisse la psychologue. «À -20 °C, je ne sais pas si papa et maman vont avoir autant de plaisir à aller courir les Pokémon!», conclut-elle.