Vous zieutez la nouvelle collection de Souris mini, mais Fiston ne jure que par les pantalons de jogging et les t-shirts aux couleurs vibrantes. Vous seriez bien fier si votre fille portait cette jolie salopette à pois pour la première journée d'école, mais votre grande n'en a que pour ses jupes à paillettes.

Que faire?

Peut-on s'accorder le droit, comme parent, d'habiller ses enfants en fonction de ses propres goûts?

Certes, ça facilite le rôle des parents quand ces derniers décident tout, convient Francine Ferland, ergothérapeute et professeure émérite à l'Université de Montréal. «Mais il faut savoir que, lorsqu'on propose à son enfant de choisir, on lui donne l'occasion de développer son autonomie.»

Les parents misent souvent sur l'indépendance de leurs enfants (manger, s'habiller, se laver seuls), mais ils ont tendance à oublier le concept d'autonomie (décider, choisir, prendre des initiatives), constate Francine Ferland, qui est aussi auteure de plusieurs ouvrages sur le développement de l'enfant et la vie familiale. Pourtant, dit-elle, l'autonomie est aussi, sinon plus importante que l'indépendance. C'est elle qui permet de développer la confiance en soi.

«Quand, par exemple, on demande à l'enfant le matin: "Que veux-tu mettre? Le t-shirt rouge ou le t-shirt blanc?" On lui dit, en quelque sorte: "J'ai confiance en toi et je pense que tu as tout ce qu'il faut pour décider ce qui est le mieux pour toi." On lui donne une image positive de lui.»

Il en va de même lorsqu'on magasine ses vêtements: l'enfant qui revient à la maison avec un imperméable qu'il a lui-même choisi en fera une fierté, encore plus si des gens de son entourage le complimentent sur son choix.

Dès l'âge de 5 ou 6 ans (ou avant, si l'enfant le réclame), on peut commencer par lui proposer de choisir entre deux habits, suggère Francine Ferland. Au fur et à mesure qu'il développe son autonomie, on lui laisse de plus en plus de liberté dans ses choix vestimentaires... et on n'hésite pas à profiter de l'occasion pour lui inculquer certaines valeurs, comme l'importance de respecter un budget. Il aurait voulu porter tel chandail ce matin, mais il est sale? La prochaine fois, il devra penser à le mettre dans le panier à linge sale.

Des limites

S'il est sain de laisser choisir ses enfants, la liberté ne doit pas être totale non plus, estiment Francine Ferland et Nadia Gagnier, psychologue spécialisée en parentalité et en psychologie de la famille. Le matin, on doit s'habiller en fonction des conditions climatiques. Les parents sont aussi en droit de s'opposer à ce que leurs enfants portent des vêtements qui vont à l'encontre de leurs valeurs (hypersexualisation, messages haineux...), tout en leur expliquant pourquoi.

Lorsqu'elles sont au magasin, Nadia Gagnier et sa fille essaient de dénicher des vêtements qui leur conviendront à toutes les deux. Les critères de maman? Faciles d'entretien, non salissants et appropriés pour l'école. Idéalement, ils doivent aussi s'agencer avec d'autres morceaux de sa garde-robe.

«Si elle aime le rose et que moi, je n'aime pas ça parce que je trouve que ça fait trop Barbie, je ne l'empêcherai pas de mettre du rose. Je ne l'empêcherai pas de porter des choses que moi, je ne mettrais pas.»

Il est important de choisir ses batailles, ajoute Nadia Gagnier.

Fini l'orgueil

Pour un parent, les enfants sont source de fierté, et même les mieux intentionnés peuvent tomber dans le piège de vouloir les rendre à leur image, note Nadia Gagnier. Et il y a l'orgueil, aussi: que va penser l'enseignante de son fils s'il arrive à l'école deux fois dans la même semaine avec son satané t-shirt de Flash McQueen? «Quand on arrive, le matin, on peut juste dire à l'éducatrice: "Vous aurez remarqué, ce matin, c'est lui qui a choisi ses vêtements"», dit Francine Ferland.

Cette dernière se souvient de ce matin du jour de l'An, à la fin des années 70. Pour la visite chez ses beaux-parents, Francine Ferland avait prévu habiller son fils de 4 ans avec l'ensemble bavarois qu'elle lui avait ramené d'Allemagne - shorts en cuir, bretelles et bas trois quarts. «Il aurait été magnifique là-dedans», se souvient-elle avec tendresse. Mais son fils voyait les choses autrement. Il ne voulait rien savoir de l'ensemble bavarois. Ce jour-là, son fiston, qui a aujourd'hui 42 ans, a choisi de mettre son plus vieux pantalon, avec de l'eau dans la cave mais confortable à souhait. Grand-maman n'y a vu aucun problème et son garçon était bien fier d'avoir choisi ses habits. «J'avais envie d'avoir des compliments, aussi. Mais au fond, on a préféré passer un beau jour de l'An!», conclut Francine Ferland.

Photo fournie par Francine Ferland

Francine Ferland, ergothérapeute et professeure émérite à l'Université de Montréal