L'an dernier, Claudine Letarte a fait un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse. Deux enfants de son école, âgés de 5 et 7 ans, « avaient la clé au cou, décrit l'éducatrice en service de garde à la Commission scolaire de la Capitale. Ils déjeunaient seuls, dînaient seuls puis retournaient seuls à la maison, en fin de journée ». Leurs parents ne pouvaient pas payer les frais de garde, qui étaient alors de 7,30 $ par enfant, par jour.

Cette année, la facture monte à 8 $ par jour de classe ordinaire. « Bien évidemment, ce phénomène sera en hausse vertigineuse », craint Mme Letarte, éducatrice depuis 1998. Ce sera pire encore lors des journées pédagogiques, pour lesquelles les écoles pourront facturer jusqu'à 16 $ - le maximum autorisé par Québec - par jour, à part les frais de sortie.

Ironie du sort, Mme Letarte prévoit désormais envoyer ses propres enfants chez leurs grands-parents, lors des journées pédagogiques. Même si elle sait que « plusieurs éducatrices comptent financièrement sur ces journées qui permettent de faire de plus longues heures de travail ». Si le nombre d'enfants inscrits diminue, « plusieurs d'entre elles arriveront difficilement », calcule-t-elle.

Baisse du nombre d'enfants

« Effectivement, des heures risquent de disparaître d'ici la déclaration officielle de clientèle qui aura lieu le 30 septembre, indique Michel Picard, président de l'Association professionnelle du personnel administratif, qui représente les éducateurs des commissions scolaires de Montréal et English-Montréal. Surtout si les parents décident, à la suite de la réception de leurs premières factures, de ne plus envoyer leurs enfants au service de garde. »

En guise de baume, le gouvernement Couillard a annoncé que tout montant dépassant 8 $ par jour sera admissible au crédit d'impôt pour frais de garde. Cela ne rassure pas Lyne Deschamps, directrice générale par intérim de la Fédération des comités de parents du Québec. « Dire que dans un an, on va rembourser les familles, ça ne donne pas de liquidités d'ici là », souligne-t-elle.

Éducateurs recherchés

Étrangement, en cette période d'incertitude, de nombreuses commissions scolaires embauchent des éducateurs en service de garde, comme le prouve une rapide recherche dans l'internet. Le salaire est alléchant - de 18,42 $ à 22,55 $ l'heure.

L'horaire l'est moins, puisque les éducateurs travaillent parfois une heure le matin avant le début des classes, puis surtout le midi et après la fin des classes. « Ça m'a pris 11 ans avant de travailler plus de 25 heures par semaine », témoigne Mme Letarte.

Elle dit adorer son métier. « C'est une passion plus qu'un travail », fait-elle valoir. Mais en raison des horaires brisés, « les éducatrices en service de garde doivent avoir un conjoint avec un bon salaire ou travailler les fins de semaine, constate-t-elle. C'est pour ça que les banques de remplaçantes sont vides dans les commissions scolaires ».

Québec n'a pas pu dire combien d'heures travaillent, en moyenne, les éducateurs. « Le ministère de l'Éducation ne détient pas ce type de données, notamment en raison des nombreux statuts des éducateurs », a indiqué Pascal Ouellet, responsable des relations de presse au Ministère.

« À la Commission scolaire de Montréal [CSDM], environ 60 % des éducateurs détiennent un poste considéré à temps plein, soit 26h25 et plus », précise M. Picard. À Laval, « la moyenne des postes est autour de 20 à 22 h, estime pour sa part Yves Brouillette, président du Syndicat lavallois des employés de soutien scolaire. Ça ne fait pas de gros salaires ».

Ratio de 20 enfants par éducateur

L'autre peur des éducateurs, c'est que leurs groupes soient surchargés. Un maximum de 20 enfants par éducateur, c'est ce que prescrit le Règlement sur les services de garde en milieu scolaire. « Rendu en cours d'année, il n'est pas rare de voir des éducatrices qui ont 25, 26 ou 27 élèves, déplore M. Brouillette. C'est comme ça qu'on économise. »

Éducateur en service de garde

SALAIRE

De 18,42 $ à 22,55 $ l'heure.

Prime de 3,65 $ par jour (horaire brisé matin, midi et après-midi).

QUALIFICATIONS REQUISES

Diplôme de 5e secondaire, attestation d'études professionnelles d'éducateur en service de garde et cours de secourisme.

Sources: Comité patronal de négociation pour les commissions scolaires francophones (CPNCF) et Commission scolaire de Montréal (CSDM).