Mélanie et Marc-André vivent présentement la période «terrible two» de leur enfant, Tommy, deux ans. Malgré la peur du jugement des autres, ils tentent d'offrir un encadrement constant à leur enfant, en lui imposant des limites claires et en faisant respecter leur autorité. Ils commencent à voir des résultats à long terme, car leur petit développe peu à peu une plus grande tolérance à la frustration. Les crises se font plus rares, moins longues et moins intenses, signe qu'il intègre progressivement les limites de ses parents. Évidemment, ils tentent de ne pas être trop «militaires» dans leur approche et donnent beaucoup d'attention à Tommy en jouant régulièrement avec lui. Cela permet d'équilibrer leur relation avec lui en le valorisant et en lui démontrant leur amour inconditionnel, ce qui développe l'estime de soi. Ils trouvent difficile de l'encadrer avec constance, parce qu'ils travaillent tous les deux, passent peu de temps en fin de journée la semaine avec lui et désireraient que ces moments se déroulent sans conflits. Mais à long terme, ils savent que s'ils se plient à toutes les demandes irraisonnables de leur fils dans le but d'éviter les conflits et les crises, ils en feront une petite terreur! 

On entend souvent parler du phénomène des enfants-rois, ces petits tyrans qui contrôlent totalement leurs parents en faisant de grosses crises de colère (que j'appelle, comme bien d'autres gens, la danse du bacon!) à la moindre petite contrariété, au moindre «non». Certains disent même que nous ferons bientôt face à toute une génération d'enfants-rois qui enverront promener leurs patrons à la moindre insatisfaction!Peut-être qu'on exagère, peut-être que le phénomène est bien réel... Mais nommer le phénomène «les enfants-rois» accuse les enfants, comme s'ils en étaient responsables, comme si cette génération était «défectueuse», alors que dans bien des cas, l'attitude «d'enfant-roi» est causée ou maintenue par les attitudes parentales. À la blague, je dis souvent que je préfère parler du phénomène des «parents-valets» que de celui des «enfants-rois»!

Attention, ce n'est pas dans tous les cas que les parents sont 100 % responsables de l'attitude «tyrannique» de leur enfant. Certains enfants naissent avec un tempérament plus difficile que d'autres. Mais même dans ces cas, la solution se trouvera souvent dans une meilleure adaptation des attitudes des parents au tempérament un peu spécial de leur enfant.

Pour les autres cas, bien des facteurs peuvent expliquer le fait que plusieurs parents d'aujourd'hui hésitent un peu plus que les générations précédentes à exercer leur autorité et à offrir un encadrement constant à leur enfant.

Tout d'abord, il y a le manque de temps avec l'enfant, causé en partie par le fait, dans bien des foyers, que les deux parents travaillent, et vivent souvent dans une course contre la montre. Les séparations et la garde partagée font également en sorte que plusieurs parents ne vivent pas à temps plein avec leur enfant. Alors, à défaut d'avoir beaucoup de temps avec leur enfant, de nombreux parents désirent au moins avoir du temps de qualité avec lui... ce qui est contraire aux conflits et aux crises qu'apportent parfois l'encadrement et les limites.

Il y a aussi le grand accès à l'information sur l'éducation et les soins aux enfants (livres, magazines, sites Internet...), qui peut parfois créer une pression à être des parents parfaits, à viser une absence de conflits à la maison. Cela peut porter certains parents à acheter la paix et à avoir des limites plus... élastiques!

Enfin, un autre facteur créant ce phénomène est le désir qu'ont certains parents d'être cool, pour toutes sortes de raisons, souvent parce que leurs propres parents ont été trop sévères.

Malgré toutes ces tendances, de nombreux parents arrivent à offrir un bon encadrement à leur enfant et ne le reconnaissent pas dans la description de l'enfant-roi que l'on retrouve dans les médias, ni ne se reconnaissent dans l'image de «parents-valets» dont je viens de parler quelques paragraphes plus haut.

Pour y arriver, il faut d'abord reconnaître que, malgré tous les changements sociaux (deux parents qui travaillent, garderie, accès à l'information, familles séparées et recomposées...), les besoins affectifs d'un enfant resteront toujours les mêmes : un encadrement constant et sécurisant, et la manifestation de l'amour inconditionnel, du soutien des parents. C'est la responsabilité des parents de trouver des façons de répondre à ces besoins, malgré tous les changements sociaux que je viens d'énumérer.