Depuis 2010, le nombre de Québécoises entre 20 et 30 ans ayant eu un enfant ne cesse de diminuer, alors qu'il est en hausse de 30 % chez les 40 à 45 ans. D'ailleurs, pour certains, quand il est question d'avoir un bébé, 40 ans est le nouveau 30 ans! Si on connaît bien les risques biologiques d'une grossesse «tardive», quels sont les avantages et défis quand on devient parent après 40 ans?

Plus facile dans la  quarantaine?

Ariane Martin, 43 ans, traductrice-réviseure, et son mari de 46 ans ont des enfants de 15 ans, 13 ans, 10 ans et 6 mois. Elle a donc été enceinte dans la vingtaine, la trentaine et la quarantaine. Est-ce plus difficile d'être mère après 40 ans? 

«Au contraire, c'est plus facile! Mon couple est plus stable, puisqu'on est ensemble depuis 20 ans. Ça fait longtemps que je travaille, alors je n'ai plus rien à prouver professionnellement. Et je ne suis pas la mère stressée que j'étais avec mon premier. J'ai aussi plus confiance en moi, donc ce que les autres pensent m'importe moins», explique-t-elle. Elle souligne aussi s'être beaucoup entraînée après avoir eu ses trois enfants: «j'étais très en forme. Je crois que ça serait plus difficile pour quelqu'un de 30 ans qui n'est pas en forme qu'une femme de 40 ans qui l'est.»

Et les nuits courtes, les coliques, les couches, n'est-ce pas plus fatigant à gérer à 43 ans? «Je savais à quoi m'attendre et j'étais prête à tout accepter, parce que je l'ai tellement voulu, ce bébé-là! C'est difficile, oui, mais par expérience, je sais que ces moments ne durent pas. Quand on est dedans, que nos enfants sont tout petits, on a l'impression qu'on ne va jamais ravoir du temps pour nous, du temps libre, mais ce n'est pas vrai, ça revient et ça revient très vite», répond celle qui est aussi l'aînée d'une fratrie de sept enfants.

Ce sont plutôt les risques liés à une grossesse tardive qui l'ont angoissée. «Ils te font peur avec toutes les maladies possibles. Et j'avoue que j'ai stressé durant toute ma grossesse. Mon médecin m'avait aussi dit que le plus dur, ce ne serait pas d'être mère après 40 ans, mais de réussir à tomber enceinte puisqu'on est moins fertile. Mais je suis tombée enceinte après deux mois.» Et sa petite Adèle est en pleine santé.

Quelle fut la réaction autour d'elle?

«On me disait souvent que j'étais folle de tout recommencer. Je réponds que je ne recommence pas, je continue! Oui, c'est intense, ma maison est complètement en désordre, mais c'est tellement fun!»

«On est de vieux parents»

France Landry, 44 ans, et son conjoint de 50 ans ont deux fillettes de 6 et 2 ans. «On est de vieux parents», lance-t-elle en riant. Entre les deux grossesses, elle a vécu le passage de la quarantaine en se familiarisant avec un détail technique: «à partir de 40 ans, tu as trois petites lettres accrochées à ton nom: AMA, pour "âge de la mère avancé"», souligne-t-elle. Elle a fait trois fausses couches avant de tomber enceinte de sa cadette et a dû passer des tests en clinique de fertilité. «On m'a dit que comme j'avais 40 ans, ma réserve ovarienne était plus faible. Je tombais enceinte facilement, mais mes ovules étant de moins bonne qualité, j'ai fait plusieurs fausses couches. Alors que tout s'était bien passé pour ma première grossesse, la deuxième a été plus stressante, j'avais tellement peur de la perdre», raconte-t-elle.

C'est après avoir voyagé en sac à dos, rencontré son conjoint et réalisé de longues études (elle a deux doctorats et un postdoctorat en poche) qu'elle a été prête à avoir des enfants. «Oui, on est plus fatigués, mais je ne les aurais pas eus plus tôt. Là, on a plus de ressources: on est plus stables, on a de bons emplois, on a de la flexibilité au travail, on a plus de sous, ça compense des fois pour la fatigue», analyse-t-ellex. Par contre, si elle avait eu des enfants plus jeunes, elle en aurait peut-être eu un troisième.

«Je ne savais pas que j'allais autant aimer ça! Et ça nous garde jeune, on fait plein d'activés d'enfants, ça nous force à bien manger, à nous garder en forme.»

Inquiétudes pour l'avenir

C'est parfois en pensant à l'avenir que ces mères s'inquiètent. «L'aspect négatif, c'est la peur de la maladie, d'être plus fragile», soutient France Landry, qui a d'ailleurs été opérée pour un cancer non agressif. «Autour de nous, il y a des gens atteints de cancers à 30, 40 ans. On a peur de partir et de laisser les enfants jeunes, dit-elle. Je me dis aussi que si mes enfants ont eux-mêmes des enfants à 40 ans, moi, j'en aurai 80!»

Ariane Martin a aussi les mêmes craintes, mais «aujourd'hui, on vit plus vieux». «Et je me dit que si jamais il nous arrive quelque chose, au moins, elle ne sera pas toute seule.» Le frère et les soeurs sont d'ailleurs bien heureux d'avoir un bébé à la maison.

Photo Bernard Brault, La Presse

Ariane Martin, 43 ans, et son conjoint Benoît ont des enfants de 15 ans, 13 ans, 10 ans et 6 mois.

«On est plus solide comme parent»

Le psychologue Jean-François Bureau, professeur de psychologie à l'Université d'Ottawa, observe que c'est « clairement » moins choquant aujourd'hui d'avoir un enfant après 40 ans qu'il y a une dizaine d'années. Il a répondu à nos questions.

Quels sont les avantages d'avoir un enfant après 40 ans?

On est généralement plus mature, en meilleure santé financière, la décision est plus réfléchie, on est plus prêt à cela, le couple est souvent plus stable et on comprend mieux le développement de l'enfant. On est plus solide comme parent. En ce sens, les études ne démontrent pas de problème quand on est mère plus tard. La tranche d'âge la plus à risque, c'est celle des jeunes mères de moins de 20 ans. Alors mieux vaut être trop vieille que trop jeune!

Et les effets négatifs?

Il y a un manque d'énergie qui peut arriver. Si on a des enfants à 45 ans, quand ils seront ados, on en aura presque 60, et l'adolescence peut gruger. Mais on peut compenser d'autres façons. Les inquiétudes sont plus par rapport à la grossesse et à l'accouchement, et elles sont justifiées. Ces risques ont été beaucoup véhiculés. Mais je ne pense pas qu'on s'inquiète à savoir si la personne aura la capacité d'accompagner l'enfant. Au contraire, elle ne peut pas être plus prête.

Pourquoi a-t-on des enfants de plus en plus tard?

Ce qu'on voit de plus en plus, c'est qu'on réfléchit avant d'avoir un enfant, ce qui est une bonne chose. Aussi, les jeunes de 20 ans ne sont plus comme les jeunes d'il y a trois ou quatre générations. Ils ne sont pas encore autonomes, sont encore aux études, dépendent de leurs parents, ne sont pas prêts à s'engager dans une relation à long terme ou se marier, donc ils font tout plus tard, c'est un courant de société.

Est-ce contre nature d'avoir des enfants de plus en plus tard?

Non. Il y a une époque où on avait des enfants à 13 ans. Il faut aller avec la société. Si on voyait apparaître des gros problèmes de santé chez les enfants ou chez la mère, on pourrait dire alors que c'est contre nature. Mais dans ce sens, on voit ces complications avec des mères adolescentes.

En ayant des enfants à 40 ou 50 ans, on risque d'être à leurs côtés moins longtemps. Est-ce alors un geste égoïste?

Quelqu'un qui ne pense qu'à lui, la pire chose qu'il peut faire, c'est d'avoir un enfant! À l'époque, les grands-parents mouraient à 60 ou 70 ans. Donc le temps passé avec les enfants était le même qu'aujourd'hui, puisqu'on a des enfants plus tard, mais on vit de plus en plus vieux. Ce qui est essentiel, c'est que si dans la vingtaine ou la trentaine, on n'est absolument pas prêt à avoir des enfants, ce n'est pas un service à rendre à l'enfant que d'en avoir un. Si on se sent bien dans son rôle de parent à 40 ans, alors ça sera à 40 ans.

Y a-t-il un meilleur âge pour avoir un enfant?

Il n'y a pas de timing idéal. On n'est jamais prêt à ça, la fatigue, les inquiétudes. Mais il y a des périodes meilleures que d'autres, où on est davantage prêt à assumer notre choix. Dans la vingtaine, ce qui est plus risqué, c'est notre capacité à gérer les conflits. Il faut bien se connaître. Et il y a moins de risques de regretter d'avoir fait des sacrifices à 30 ou 40 ans.

Après son emploi, sa promotion, son mariage, ses voyages, sa maison, avoir un enfant devient-il l'ultime objectif?

Si on pense comme ça, le danger est de mettre trop d'importance sur l'enfant. Si quelqu'un me disait: «J'ai tout fait, tout accompli et là je veux me consacrer à mon enfant», le danger est de mettre beaucoup de pression sur cet enfant. Ça veut dire que le bonheur de la personne passe maintenant par l'enfant. Alors, est-ce que c'est un enfant qui va devoir réussir? Oui, le projet d'avoir des enfants, peu importe son âge, devient le centre de notre univers. Mais ce qui est important, c'est qu'il ne soit pas porteur de tout ce qu'il nous reste dans la vie.

On ne doit pas avoir un enfant parce qu'on regarde nos photos de mariage et qu'on s'ennuie. Ce n'est jamais une bonne motivation. Comme ce n'est pas une bonne motivation de vouloir un enfant parce qu'on hait sa job et qu'on veut un an de congé parental, ce qu'on entend... Mais peut-être qu'effectivement, il y a un risque en étant plus vieux de se dire: on est bien dans notre job, dans notre couple, on s'est mariés, on a eu notre party, on a renouvelé nos voeux, alors on va avoir un enfant. Mais ça ne peut pas être ça. Il faut faire un enfant parce qu'on en a vraiment envie, parce qu'on a le goût de donner quelque chose.

Quels sont les avantages d'être père après 40 ans?

Je pense que les gars à cet âge qui sont en couple sont beaucoup plus solides et beaucoup plus prêts à se sacrifier. C'est le grand défi des pères: ils veulent de plus en plus s'impliquer, mais ne comprennent pas à quel point ça demande des sacrifices, parce qu'on ne leur a jamais dit. On parle beaucoup des mères, mais je crois que lorsqu'un père a un enfant après 40 ans, il peut y avoir une différence encore plus importante par rapport à l'engagement.

Photo Anna Rok, fournie par France Landry

France Landry et son conjoint ont deux fillettes de 6 et 2 ans.