Au Québec, les femmes enceintes prennent congé en moyenne trois semaines avant la naissance de leur enfant. Un moment de repos avant le raz-de-marée physique et émotif qui accompagne l'accouchement. N'empêche, cette pause est-elle nécessaire?

Josée-Anne Sarazin-Côté avait prévu prendre deux semaines de congé avant l'arrivée de son bébé, l'hiver dernier. Les dernières semaines, elle a mis les bouchées doubles pour produire le contenu qui serait publié sur le site web de son entreprise, Bulles et Bottillons, pendant son absence. Son objectif: souffler un peu, faire du yoga et se préparer à l'accouchement quelques jours avant le jour J.

Or, Clara en a décidé autrement. «Elle est arrivée à l'avance... le lendemain du jour où j'ai arrêté de travailler», raconte la jeune mère de 29 ans.

Ferait-elle les choses différemment, si elle pouvait revenir en arrière? «Oh oui! En fait, quand c'est un premier enfant, on se fait toujours dire qu'on va dépasser la date prévue d'accouchement, raconte-t-elle. Je pensais alors que j'allais accoucher à ma 41e ou même à ma 42semaine de grossesse. Dans ma tête, j'étais certaine que j'aurais au minimum deux semaines pour me reposer. Mais oh boy...»

À l'Association des obstétriciens gynécologues du Québec, il n'existe aucune ligne directrice officielle sur le nombre de semaines de congé prénatal que devraient prendre les futures mères. Le Régime québécois d'assurance parentale permet cependant aux femmes de prendre jusqu'à 16 semaines de congé avant la date prévue de l'accouchement. En moyenne, elles s'accordent du repos environ trois semaines avant la naissance. Une femme sur quatre profite aussi d'un congé préventif pour des raisons de santé.

«C'est du cas par cas, mais dans un monde idéal, je pense qu'on devrait prendre au moins les trois ou quatre dernières semaines de congé. On en profite pour se préparer à l'accouchement, acheter des couches, finir la chambre, faire des petits plats que l'on congèle...»

La Dre Vekemans ajoute que quelques études tendent à démontrer que cette période de repos avant l'accouchement a des effets positifs sur la mère et «fait en sorte qu'on a plus de chances d'avoir un nouveau-né plus en santé, un bébé avec un meilleur poids de naissance».

Une des études les plus citées sur le sujet, publiée en 2011 dans le Journal of Health Economics, expose notamment que les rares mères qui pouvaient profiter d'un congé aux États-Unis courraient en effet moins de risques de donner naissance à un bébé prématuré ou de petits poids.

N'empêche, une femme peut très bien travailler jusqu'au dernier moment et mettre au monde un bébé en pleine santé, tempère l'Association des obstétriciens gynécologues du Québec, qui ajoute que c'est «le gros bon sens» qui prévaut, ici. Le repos est de mise, mais en discutant avec un professionnel de la santé, la femme enceinte est en mesure de prendre une décision éclairée sur le moment de cesser le travail.

Des conditions inégales

Parce qu'elle a suivi le père de son fils au Mexique avant la naissance de son fils, Jacob-Olivier, Marie-Pier Villeneuve a pour sa part pu profiter d'un congé prénatal de plusieurs semaines. Aujourd'hui à la tête de Bedaine urbaine, une agence d'accompagnement à la naissance, elle mesure la chance qu'elle a eue il y a sept ans. «On a tendance à penser qu'il faut prendre les semaines de congé le plus possible après la naissance, pour avoir le bébé dans les bras le plus longtemps possible, et c'est normal, expose-t-elle d'abord. Il faut quand même se préparer si on a la chance de le faire.» 

«On parle de la santé physique, mais n'oublions pas le côté émotionnel: c'est comme si un athlète se présentait aux Jeux olympiques sans préparation... imaginez le stress!»

Les travailleuses autonomes en fin de grossesse n'ont toutefois pas toutes le luxe de s'accorder plusieurs semaines de repos avant l'accouchement. C'est pourquoi Josée-Anne Sarazin-Côté a eu du mal à «lâcher prise» pour s'accorder ce moment de repos plus tôt. Elle a plutôt mis les bouchées doubles pour que son entreprise fonctionne pendant son congé.

«L'erreur que j'ai faite, c'est de ne pas me préparer assez tôt. Deux mois avant l'accouchement, j'ai réalisé que ça s'en venait, et j'ai tellement travaillé! J'avais pris soin de moi toute la grossesse, et je trouve que j'ai un peu ruiné mes efforts dans ces dernières semaines. Je suis arrivée plus fatiguée à l'accouchement. J'étais tellement épuisée...»

Même dans les milieux de travail salariés, un long congé prénatal n'est pas toujours vu d'un bon oeil. « Pour les femmes qui ont la possibilité de prendre ces semaines-là avant la naissance, c'est parfois mal vu. Dans le monde idéal, tous les milieux de travail proposeraient à la mère de se reposer avant que bébé arrive », croit la Dre Vekemans.

«On n'est jamais préparées à 100 % à vivre un accouchement. Ça demeure intense, même si on a beaucoup lu sur le sujet, mais j'aurais aimé mieux me préparer. J'aurais peut-être été plus zen, confie Mme Sarazin-Côté. Mais bon, aujourd'hui, j'ai quand même une super relation avec ma fille, qui est en pleine santé! C'est ce qui compte pour moi, dans le fond...»

Photo fournie par la famille

Josée-Anne Sarazin-Côté et sa fille Clara coulent des jours heureux, six mois après un accouchement survenu plus tôt que prévu.