Est-ce que je vais aimer mon bébé? Et lui, va-t-il s'attacher? Surtout, nous, notre vie, est-ce que nous allons un jour la retrouver? Survol des grandes questions existentielles que se posent les nouveaux parents.

Questions de pères

Ils sont de plus en plus impliqués dans la vie des bébés. Mais comment réagissent-ils à l'arrivée d'un nouveau-né ? Voici ce qu'ils veulent savoir sans nécessairement oser le demander.

Est-ce que mon bébé va s'attacher à moi?

«C'est sûr que si vous n'êtes jamais là, ou si vous laissez toute la place à la mère, il y a des chances que le bébé s'attache davantage à elle!» Yvon Gauthier est coauteur de l'Attachement, un départ pour la vie, publié aux Éditions du CHU Sainte-Justine, et grand spécialiste des 0-3 ans.

Pour s'assurer du contraire, dit-il, il suffit d'être là, disponible pendant les périodes d'éveil de l'enfant et surtout d'apprendre à déchiffrer ses différents besoins. Son conseil? «Être chaleureux, ouvert, gratifiant, et avoir du plaisir avec l'enfant!»

Et profitez-en, insiste le pédopsychiatre à la retraite, car tout ne se joue pas avant 6 ans, mais bien 3 ans: «Les trois premières années sont les plus importantes dans ce que va devenir l'enfant!»

Le bébé boit au sein, il ne veut que les bras de sa mère, alors comment aider ma conjointe?

C'est LA grande question des premiers jours, semaines, voire mois de vie du bébé. «Beaucoup de pères s'inquiètent de voir leur conjointe fatiguée. Exténuée.

Alors ils se demandent: comment je peux aider?», témoigne Geneviève Henry, intervenante psychosociale à la Ligne Parents. Solution? «On va regarder avec eux l'aide concrète [qu'ils peuvent apporter], répond l'intervenante. Tout ce qu'il y a pour favoriser le bien-être du petit, de la mère, et de la relation de parentalité.»

Exemple: prendre le petit pour laisser dormir la mère, faire les courses, le ménage, apporter de l'eau quand elle allaite, «plein de petites choses du quotidien», résume-t-elle, toutes simples, mais qui font tant de bien.

Je n'arrive pas à faire cesser les pleurs de mon bébé, suis-je un mauvais père?

Je n'arrive pas à le consoler, à l'endormir, est-ce moi qui n'ai pas le tour? «Les pères se questionnent ici sur leurs compétences parentales à cause du comportement du bébé», traduit l'intervenante Geneviève Henry, de la Ligne Parents. Solution? «On les accompagne, dit-elle, en leur fournissant de l'information sur les nouveau-nés.»

En gros: oui, tous les bébés sont différents, ils ont tous leur propre tempérament. Non, un bébé qui dort tout le temps et ne pleure jamais, ça n'existe tout simplement pas. N'oubliez pas non plus que les aptitudes parentales viennent avec le temps et la pratique.

«C'est un apprentissage», ajoute Francine de Montigny, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la santé psychosociale des familles. Surtout, si vous voulez gagner confiance en vous, «pratiquez-vous sans que la mère soit là!», suggère-t-elle.

Questions de mères

Elles ont porté ce petit être durant neuf mois. Mais les mamans aussi ont besoin d'être rassurées.

Mon bébé pleure sans cesse, je n'arrive pas à le consoler, suis-je une mauvaise mère?

Tout comme les pères, les mères ont ici souvent de grandes questions existentielles associées au comportement de leur bébé. Elles se sentent parfois incompétentes, d'autant plus qu'elles ont tendance à être surinformées.

«Mais on n'a jamais fait ça avant, alors comment avoir confiance en ses capacités, il y a tant de messages contradictoires!», illustre Marianne Prairie, auteure de La première fois que..., une série de conseils «sages et moins sages» pour les futurs parents. «Il y a beaucoup de stress associé à ça, confirme Geneviève Henry, intervenante psychosociale à la Ligne Parents. Ici encore, on donne de l'information, on explique les différents tempéraments, on relativise.»

Quant à savoir si elles sont de bonnes mères, l'intervenante propose de renverser ici la question: c'est quoi, être une bonne mère? Est-ce que ç'a vraiment à voir avec le fait d'endormir un enfant?

Je n'y arriverai pas, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, c'est trop exigeant...

La grande majorité des mères font appel à la Ligne Parents parce qu'elles sont épuisées. Solution? «On prend le temps de regarder qu'est-ce qui les épuise, qu'est-ce qui les aide, et qu'est-ce qui pourrait aider», fait valoir l'intervenante Geneviève Henry. L'entourage? Le conjoint? Les voisins?

«Si vous vous levez toutes les nuits, avez-vous pensé à mettre un petit lit à côté du vôtre?», illustre-t-elle. «Il faut accueillir, comprendre, recevoir les questions. Mais souvent, vous savez, les mères qui appellent n'attendent pas tant de réponses, elles veulent surtout être entendues!»

Et si je n'aimais pas mon bébé?

Non, toutes les mères ne tombent pas nécessairement amoureuses en accouchant. Et oui, c'est tout à fait normal. «Peut-être que les mères sont très fatiguées, ça peut ne pas arriver tout de suite, précise Francine de Montigny, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la santé psychosociale des familles. Il faut se donner le temps de s'apprivoiser.»

Et même si peu de mères s'en vantent, «c'est beaucoup plus fréquent qu'on pense», assure-t-elle. Un truc? En parler, dit-elle. «Souvent, juste le fait de nommer cette inquiétude la diminue.»

À noter: de nombreuses mères se posent également cette question à la naissance de leur deuxième enfant: «est-ce que je vais l'aimer autant que le premier, est-ce que j'ai assez d'amour dans mon coeur?, etc.» Rassurez-vous, répond la mère et blogueuse Marianne Prairie: «ce sentiment-là est exponentiel!»

Si les premières années de vie de mon enfant sont si importantes, est-ce que je devrais rester auprès de lui et arrêter de travailler?

Nous ne réglerons pas ici le grand débat entre les mères au foyer et les mères au travail. «Rester auprès de votre enfant peut être une très bonne idée, mais cela dépend de vous, tempère le pédopsychiatre Yvon Gauthier. Est-ce que c'est vraiment ce que vous voulez?»

Par ailleurs, poursuit-il, si les trois premières années sont certes fondamentales, cela ne veut pas dire que la mère doive pour autant être là «tout le temps», croit-il. L'important, «c'est la régularité de la présence et la capacité de répondre aux besoins».

La solution? Un bon service de garde, notamment. «Si ce n'est pas vous qui êtes là, assurez-vous que les conditions où sont votre enfant soient les meilleures possible, et là aussi, régulières, chaleureuses et consistantes.»

Je pleure sans cesse, est-ce que je suis en dépression post-partum?

À la naissance d'un enfant, il est normal d'être fatiguée, souvent épuisée. Jusqu'à 80 % des mères vivent ce qu'on appelle un baby-blues, des montagnes russes émotives dans les deux à trois premières semaines de vie de leur enfant.

«Il faut voir la place que cela prend, explique l'intervenante psychosociale à la Ligne Parents Geneviève Henry. Quand ça devient handicapant dans notre rôle de parent, si ça persiste dans le temps et en intensité, alors on suggère de consulter le CLSC.»

Questions de couples

Et la vie de couple, elle? Disparaît-elle avec l'arrivée d'un enfant? Non, mais votre vie va changer. Et ce n'est pas plus mal.

Est-ce grave si on ne s'entend pas sur tout?

Le laisser pleurer ou pas? Pour ou contre la sucette? Même si les sources de conflits ne manquent pas, dans la mesure du possible, oui, mieux vaut s'entendre, avoir la même philosophie, les mêmes approches et techniques, et surtout être cohérents, «surtout quand l'enfant se met à marcher et prendre plus de place», répond le pédopsychiatre et spécialiste des 0-3 ans Yvon Gauthier.

Pourquoi est-ce si important? Parce que sinon, l'enfant va sentir une incohérence, et du coup vivre de l'insécurité.

Quand reprendrons-nous notre vie sexuelle?

Sans surprise, oui, c'est une question que posent davantage les pères. «Ils sont souvent plus prompts. Ce sont eux qui initient. Les mères sont plus accaparées par l'allaitement, plus fatiguées, etc.», témoigne Francine de Montigny, professeure en sciences infirmières et directrice du Centre d'études et de recherche en intervention familiale, à l'Université du Québec en Outaouais (UQO).

De leur côté, les mères se questionnent: est-ce que ça va faire mal, est-ce que ça va être pareil, différent ? Et sans surprise, il n'y a pas vraiment de réponse, chaque couple, chaque femme, chaque homme étant ici différent. Chose certaine, il ne faut pas négliger l'intimité du couple, trouver du temps sinon pour avoir des relations sexuelles, du moins se rapprocher, retrouver une complicité.

«Parce que s'il y a un enfant, il y a eu un couple avant, et il est important de reconstruire quelque chose autour de ce couple, pour qu'il n'y ait pas désormais que la famille, mais aussi le couple.»

Comment limiter les visites et préserver notre intimité?

La question se pose dès la naissance, à l'hôpital, mais risque d'être déterminante dans les années à venir, dans la relation avec la famille, la belle-famille et les amis. «Comment se respecter dans notre fatigue, et combler le besoin de présenter le bébé?», résume Francine de Montigny. Ce sont des questions importantes à poser, croit-elle, histoire de définir ses besoins, mais aussi ses attentes.

Elle propose quelques pistes: nous vous verrons avec plaisir, mais annoncez-vous avant; il est possible qu'on ait envie de se coucher; ne vous attendez pas à ce qu'on vous serve à souper, etc. «Il faut aussi se préparer à dire non. Mais on n'apprend pas beaucoup à dire non...»

Quand retrouverons-nous notre vie?

Quand allons-nous retrouver notre routine, notre vie, une vie? Tous les nouveaux parents se posent cette question, entre les nuits blanches et les lessives à répétition. Mais il faut s'y préparer: «Non, ça ne sera plus jamais pareil, répond Francine de Montigny. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne va pas retrouver une vie!» C'est évident, le temps pour soi n'existera plus dans les mêmes «proportions», disons. Solution? «Pourquoi ne pas embrasser ce qu'on a comme vie présentement?», suggère Marianne Prairie, auteure de La première fois que..., une série de «conseils sages et moins sages pour nouveaux parents». «Ce ne sera plus comme avant, et c'est correct comme ça: on est en train d'inventer quelque chose!», conclut la blogueuse et mère de deux jeunes enfants.