Votre enfant vient au monde, vous souhaitez organiser une petite cérémonie, nommer un parrain et une marraine sans que ce soit catholique? En France, il est possible de le faire avec le baptême civil, qui connaît un engouement croissant. Au Québec, on a envie de célébrer la naissance de nos enfants, mais tout est à réinventer.

Le besoin d'une cérémonie laïque

Bien implanté en France, le baptême civil n'a pas d'équivalent chez nous. Or, l'idée d'une cérémonie laïque pour accueillir un enfant fait tout de même son chemin au Québec. Voici l'état des choses, des deux côtés de l'Atlantique.

Qu'est-ce qu'un baptême civil?

Le baptême civil, appelé aussi baptême républicain ou parrainage civil, est une cérémonie laïque, symbolique où les parents nomment un parrain et une marraine qui prennent un engagement moral et non légal envers l'enfant. «Aujourd'hui, on perd le sentiment religieux et on voit qu'il y a un mouvement très fort de laïcité, d'où un regain de popularité du baptême civil», explique Rachel Guidoni, ethnologue au Collège de France et auteure d'une étude sur le baptême civil.

Les origines du baptême civil

Il a été instauré au lendemain de la Révolution française, en 1794. «Il est enraciné dans un mouvement antireligieux très fort après la Révolution française. On dit que c'est Robespierre qui l'aurait initié, mais on ne peut pas le vérifier historiquement. Il n'a pas été pratiqué pendant plus d'un siècle, mais connaît en ce moment un regain d'intérêt», observe Rachel Guidoni. Le baptême civil n'a aucune valeur juridique. C'est un symbole, un engagement moral des parrains et marraines. «Les gens sont en recherche de symboles, d'où l'intérêt de ce baptême. On ne se marie plus à l'église, on ne se fait plus enterrer de manière religieuse, mais en France, il y a des cérémonies laïques, comme ce baptême civil», observe Rachel Guidoni.

Comment le célèbre-t-on?

Il est célébré à la mairie en présence de l'enfant, des parents ainsi que du parrain et de la marraine. C'est le maire, l'adjoint du maire ou un conseiller municipal qui officie et qui reçoit le consentement des parrains-marraines à assumer leur mission. Il délivre un certificat de baptême. Comme il est indiqué dans l'amendement adopté à l'Assemblée nationale française en juin 2016, aucun texte législatif n'encadre actuellement la cérémonie et aucune disposition légale ne lui est encore reconnue. Ce qui pourrait changer ces jours-ci, puisque le texte est actuellement soumis au Conseil constitutionnel. Le projet de loi Égalité citoyenneté souhaite inscrire le parrainage civil dans la loi et lui donner une véritable reconnaissance.

Bientôt au Québec?

Vérifications faites auprès du Directeur de l'état civil, le gouvernement du Québec n'a pas l'intention d'ajouter prochainement le baptême civil à ses registres. «Après vérifications, il n'y a pas de travaux en cours [à ce sujet] chez les directeurs de l'état civil», confirme Antoine Lavoie, conseiller en communications au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Pendant longtemps, le baptême religieux avait plus qu'une fonction spirituelle: il permettait d'ajouter le nom d'un enfant à un registre officiel. Aujourd'hui, il suffit de remplir un formulaire après la naissance. Le maire d'une ville ou d'une municipalité peut toutefois accepter de participer à une cérémonie de bienvenue pour un poupon, mais elle n'a aucune valeur légale ni officielle.

L'importance du rituel

Chantal Dauray, responsable du site NosRituels.com, a pour sa part organisé une «fête de bienvenue à la vie» pour la naissance de son second fils. La cérémonie a permis à la famille d'accueillir l'enfant simplement, «dans l'amour». «Il y avait des poèmes, de la musique, certains rituels... et tout le monde est venu exprimer ce qu'il souhaitait pour notre fils, dans sa vie. C'était très beau», raconte Mme Dauray. Elle a d'ailleurs publié un livre, Célébrons la naissance de bébé, pour permettre aux familles de souligner la naissance d'un enfant, même si elles ne souhaitent pas passer par les voies religieuses. «Avec le déclin de la religion catholique, c'est un peu comme si on était une société orpheline de ses rituels qui marquaient les étapes de la vie, constate-t-elle. Les nouvelles façons de faire peuvent alors sembler étranges... un peu granos.» Elle ajoute qu'une formule comme celle ayant cours en France, où le maire d'une municipalité accueille le nouveau-né, pourrait plaire aux parents habitués à des cérémonies plus officielles.

De nouvelles avenues

Pour les couples qui le souhaitent, il y a moyen aujourd'hui de créer une cérémonie tout à fait unique, ajoute pour sa part Julie Mayer, fondatrice de Cérémonies Jana. L'intervenante en toxicomanie a récemment suivi une formation auprès du Celebrant Foundation & Institute -  une organisation américaine - pour accompagner ceux qui cherchent à célébrer différemment les jalons de leur vie. «Dans le cas du baptême, les parents peuvent créer une cérémonie qui permet plus de souplesse. L'idée, c'est de présenter l'enfant à la famille, à la communauté. C'est une façon à soi de dire qu'il y a un avant et un après la venue au monde de l'enfant», explique-t-elle. La dimension spirituelle demeure importante, précise-t-elle au passage. Il arrive que des parents d'origine différente marient leurs croyances dans une cérémonie unique, avec des rites empruntés aux deux cultures.

La décision de Charleen

Vanessa Ramon Dols vit dans le sud de la France. Son amoureux et elle ont fait baptiser leurs trois filles à l'église. Pour sa deuxième fille, le couple a toutefois tout recommencé le processus et organisé un nouveau baptême... à la mairie, cette fois.

«Pour [Charleen], les choses ne se sont pas aussi bien passées que pour les deux autres», résume d'abord la mère de 34 ans. Le baptême religieux a eu lieu en 2010, alors que le bébé n'avait qu'un mois et demi. Les parents avaient désigné un parrain et une marraine, après une longue réflexion. Ces amis très proches leur semblaient tout indiqués pour accompagner leur fille.

«Nous attendons des gens choisis qu'ils accompagnent nos filles tout au long de leur vie, qu'ils soient présents dans les bons comme dans les mauvais moments», explique Vanessa.

Or, pour une raison qu'elle ignore, la marraine et le parrain ont tourné le dos à la famille lorsque la petite avait environ 2 ans. D'abord, la marraine a soudainement coupé les ponts, sans détailler sa décision. «Officiellement, l'excuse donnée était une divergence d'opinions politiques», raconte Vanessa, vexée.

Puis, le parrain a lui aussi cessé de prendre des nouvelles. La marraine et le parrain, avec leur conjoint respectif, ont commencé à se fréquenter sans Vanessa et sa famille. «Leur comportement nous a fait très mal, et encore aujourd'hui nous ne savons pas ce qui a déclenché tout ça», ajoute-t-elle.

En grandissant, la petite Charleen se questionnait sur l'absence de son parrain et de sa marraine, alors que ses soeurs, elles, côtoyaient les leurs régulièrement.

C'est ainsi que le couple a eu l'idée de profiter du baptême civil, une cérémonie offerte dans la ville où il vivait auparavant.

Fierté

«Mon mari et moi avons eu une discussion avec notre fille en lui expliquant que si elle le souhaitait, elle pouvait choisir sa nouvelle marraine et son nouveau parrain, raconte Vanessa. Du haut de ses presque 5 ans, elle nous a émus en faisant sa demande à mon frère et à sa compagne.»

La cérémonie a eu lieu le 8 août 2015 à la mairie Jonquières. Bien que l'événement n'ait aucune valeur légale, son caractère officiel a plu à la famille. «Ce jour-là, [Charleen] a reçu des mains des élus de la mairie son certificat de parrainage. Quelle fierté elle avait à le regarder et à dire: "Ça y est, j'ai un parrain et une marraine!", se remémore Vanessa. Ce fut une journée riche en émotion pour toutes les personnes présentes.»

Elle se réjouit d'avoir pu profiter du baptême civil, qui a l'avantage, ajoute-t-elle, de permettre à plus de familles, croyantes ou non, d'avoir accès à une cérémonie sur mesure.

PHOTO FOURNIE PAR VANESSA RAMON DOLS

La petite Charleen en compagnie de son nouveau parrain et de sa nouvelle marraine, à l'occasion de son baptême civil, célébré le 8 août 2015.

Comment choisit-on une marraine et un parrain?

On ne choisit pas les parrains-marraines de ses enfants à la légère, car c'est un rôle qui doit être pris au sérieux. Que doit-on considérer? Quelles qualités doivent-ils avoir? Nous avons demandé conseil à la psychologue Suzanne Vallières, elle-même cinq fois marraine.

Comment choisir le parrain et la marraine?

D'abord, il faut que la personne aime les enfants, c'est essentiel. Ensuite, les gens vont avoir tendance à choisir des amis, mais il faut que ce soient des amis dont l'amitié dure depuis longtemps (10 ou 15 ans) et n'a jamais été remise en question. On choisit une personne de confiance qui partage nos valeurs et qui sera présente en cas de difficultés. C'est un choix important et réfléchi. Pas un choix logistique du genre «ça sera moins compliqué de choisir telle personne, car elle habite près de la maison ou telle autre, car ça lui fera plaisir». Idéalement, on choisit une personne pas trop âgée pour qu'elle puisse être présente le plus longtemps possible dans la vie de l'enfant.

Quel est le rôle du parrain et de la marraine?

C'est un privilège d'être parrain ou marraine. Quand les parents vous choisissent, c'est un grand signe de confiance et c'est un rôle à prendre au sérieux. Le parrain et la marraine ont une relation affective et privilégiée avec l'enfant. Ils s'intéressent à lui, à ce qu'il vit à l'école, dans ses activités, dans ses difficultés, ils sont là pour l'aider en cas de problème. C'est une personne sur qui l'enfant peut compter en tout temps. Dans la religion catholique, il doit poursuivre l'éducation religieuse, mais aujourd'hui, c'est une personne qui sera proche de l'enfant avant tout. C'est certain que je gâte mes filleuls quand je suis avec eux! J'en profite, mais il y a un cadre de respect et de politesse. Être parrain ou marraine, ce n'est pas envoyer un cadeau par la poste une fois par année! C'est avoir une personne qui pense à votre enfant, ça fait du bien dans la vie d'avoir ce lien très distinct au niveau relationnel. Les gens sont fiers d'être parrains et marraines. C'est un très beau rôle et c'est bien au-delà des cadeaux!

Est-ce qu'il peut y avoir de la pression au moment du choix?

Oui, je dirais qu'il y a des règles non écrites comme celle, par exemple, qu'il faille nommer les parrains-marraines dans le cercle familial. Il y a une croyance qui dit qu'il faut que ce soit le frère ou la soeur des côtés de chaque conjoint alors qu'il n'y a aucune obligation, le choix appartient entièrement aux parents. On ne choisit pas non plus une personne de la famille parce qu'on se dit qu'elle n'a pas eu d'enfant et que ça lui permettra ainsi d'avoir un lien privilégié avec un enfant!

Engagement moral, pas légal

Beaucoup de parents croient que ce sont les parrains et les marraines qui prendront soin des enfants s'ils meurent et qu'ils en auront la garde. Ce n'est pas le cas. Le parrain et la marraine n'ont aucun droit légal. C'est un engagement moral. Les parrains et marraines peuvent être désignés comme tuteurs de l'enfant en cas de décès des parents, mais il faut que ce soit fait par testament devant notaire.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

La psychologue Suzanne Vallières.