Après les vêtements, un calendrier de l'avent différent, voilà que les deux soeurs des Belles Combines viennent de lancer une série d'outils pour faire de la discipline autrement.

Autrement? En douce, quoi. D'où le nom: «les combines», expliquent-elles en rigolant.

Nous avons rencontré les deux entrepreneures la semaine dernière, à Saint-Gabriel-de-Brandon, dans la maison ancestrale de Dominique Bernèche. Dominique est enseignante et mère de quatre jeunes enfants, de 1 à 6 ans. Sa soeur Annie est graphiste, et mère d'une ado de 14 ans. D'où le couple très bien assorti, pour inventer des outils franchement très jolis.

Quand on observe les outils en question, de la trousse de retour au calme aux coupons privilèges, en passant par le magasin général, au design enfantin quoique toujours léché, on voit clairement le jupon de l'enseignante qui dépasse. Elle ne le cache pas. «Quand j'ai rencontré mes premiers problèmes de discipline avec mes enfants, autour du fameux "terrible two", je me suis fait un kit maison», raconte Dominique, faisant ici allusion à son aîné, plutôt colérique.

«J'ai eu le réflexe de faire ce que je faisais avec mes élèves...»

Quoi, exactement? Une boîte de chaussures, avec une boule de stress, des feuilles à froisser, des pictogrammes, pour comprendre et exprimer ses émotions, et des coupons de réparation, pour se faire pardonner.

«Mon chum me disait: il me semble que c'est un peu intense, dit-elle en riant. Moi je lui ai dit: non, tu vas voir, au début ça demande un peu de constance, de l'implication parentale, mais une fois que c'est fait, ça va tout seul!»

L'enseignante parlait d'expérience. «Ça devient automatique. On finit par se conditionner à une nouvelle méthode de discipline: la discipline positive.»

Renforcement posifit

Le «magasin général», notamment, est une sorte de jeu qui permet de gagner des points (sous forme de blocs) à chaque bonne action (ciblée au préalable). Tu as dit merci? Un bloc. Tu as ramassé ton assiette? Un autre. Rangé ton sac? Idéalement, on cible ici trois défis. Au bout de 10 blocs, une surprise à choisir. «On s'ouvre à ce qu'ils font de bon. On ne cherche plus la bibitte, poursuit l'enseignante. On renforce les bons coups, au lieu de punir les moins bons.»

Ici encore, le concept de renforcement positif est assez commun dans les salles de classe. «Tous les enseignants en ont un», dit-elle. Mais chez les parents? «En tant que parent, le renforcement positif, on sait c'est quoi, en théorie. Mais comment on fait quand on est dans le jus, entre le bain et les devoirs? Avec les outils, ça nous permet de le faire. Et ça nous permet surtout d'être constants.»

Et ça marche? Pour les enfants, c'est une sorte de jeu, conclut-elle. «On passe par en dessous pour arriver à nos fins. On ne leur dit pas qu'on est en train de les discipliner, pouffe-t-elle. Et c'est beaucoup plus le fun que de dire: va dans ta chambre!» Même si parfois, concède-t-elle, ça finit quand même par ça... «Quand la trousse ne suffit pas...»

L'avis de l'experte

Francine Ferland est conférencière et auteure d'une foule d'ouvrages sur le développement des enfants et la vie familiale. Nous lui avons demandé d'évaluer les outils en question. Verdict? «Je suis un peu ambivalente, dit-elle prudemment. Tout ce qui est sous-jacent est tout à fait pertinent (trouver des solutions en famille, établir des règles de vie, planifier). Ce qui me crée un problème, c'est au niveau de la réalisation», commente l'auteure de Simplement parent, trucs pour accompagner votre enfant au quotidien (CHU Sainte-Justine). Un exemple? Le conseil de famille. Pourquoi ne pas simplement aborder ces questions au souper, quand tout le monde est réuni? «Sinon, ça devient compliqué et lourd pour les parents, conclut-elle. Je crois que cela peut se faire beaucoup plus spontanément...»

Cinq outils pédagogiques et ludiques

Le planificateur familial

Un classique, avec des espaces pour les soupers (pour ne plus avoir à répondre au fameux: qu'est-ce qu'on mange?), les tâches des parents, mais aussi des enfants. L'idée, on comprend, est de responsabiliser tranquillement ici les enfants.

Le magasin général

Une boîte, des petits cadeaux (livres, crayons, coupons privilèges, au choix), des blocs de bois. Au bout de 5, 10 ou 20 blocs accumulés, l'enfant peut aller choisir une récompense. Il suffit de cibler quelques comportements à encourager, et le tour est joué. Attention, il faut ici penser positif: au lieu de «sois gentil», privilégiez «dis merci». «On cible des comportements observables, précise Dominique Bernèche. Ça nous conditionne à observer ce qui est positif. On est moins dans la punition.»

La trousse de retour au calme

Elle s'est d'abord appelée la boîte de colère. Renforcement positif oblige, les soeurs Bernèche l'ont finalement baptisée la «trousse de retour au calme». Le concept? Au lieu d'envoyer votre enfant au coin (en cas de crise de colère), vous lui offrez ici tout ce qu'il faut pour se calmer: balle de stress, feuilles à chiffonner et un sablier, pour ne pas s'éterniser. Des coupons de réparation sont aussi fournis: faire la tâche ménagère de..., ranger la chambre de..., etc. Certains sont vierges, à vous de les personnaliser.

Les coupons privilèges

Ils portent bien leur nom: «petits passe-droits pour enfants sages». Ils peuvent servir, notamment, à agrémenter le magasin général. Il s'agit donc de coupons pour récompenser un bon comportement. Pratiques et surtout économiques: bon pour une visite au parc, un repousse-dodo de 20 minutes, 30 minutes supplémentaires de télé. Plusieurs sont vierges, à compléter selon vos goûts et valeurs familiales.

Le conseil de famille

Inspiré du «conseil de classe» de Célestin Freinet (le père de la pédagogie alternative), cet outil permet aux familles de «jouer à faire sérieux» et d'«apprendre la démocratie». Toute la semaine, les enfants peuvent glisser dans des enveloppes des «remerciements», et autres «recherches de solution» (on pense toujours ici positif), et au jour J, on en discute, dans les règles de l'art. «Tout le monde a le droit à son opinion, mais ce sont les parents qui ont le dernier mot!», fait valoir Annie Bernèche.

Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Le magasin général