La relâche est à peine terminée que l'inscription dans les camps d'été bat déjà son plein. Des parents font toutefois des pieds et des mains pour, justement, soustraire leurs enfants au rythme des camps. Mais les vacances à l'ancienne, ponctuées de cornets de crème glacée et de jeux entre amis, est-ce encore possible? Et si nous tempérions nos attentes?

L'année dernière, Marie-France, 9 ans, et Léon, 5 ans, ont passé l'été à la maison. Au programme: jouer dehors, faire du vélo, inviter des amis, manger des friandises glacées. Rien d'extravagant, mais exactement les vacances dont rêvait leur mère.

«Une année, ma fille est allée au camp tout l'été et mon fils était à la garderie à temps plein. Ils n'étaient pas malheureux, loin de là, mais moi je me disais que ça n'avait pas de bon sens... je n'aimais pas les réveiller le matin comme je les réveillais l'hiver, sans qu'ils aient de temps d'arrêt», raconte Naomie Briand.

Le malaise était tel qu'il a mené à un changement de carrière pour la jeune mère de famille. Étudiante en inspection municipale, elle a vite constaté que ses étés, elle les passerait à travailler. Qu'à cela ne tienne... elle a changé de cap et sauté sur une belle occasion dans un cégep.

Tant pis pour la formation en inspection : du jour au lendemain, elle est devenue technicienne en travaux pratiques en français, un domaine qu'elle maîtrise aussi. «Oui, je dois me taper la route entre Terrebonne et la Rive-Sud pour aller travailler, ce qui n'est pas l'idéal, mais l'emploi est super intéressant et il correspond à ce que je cherchais: j'ai congé entre la fin du mois de mai et la fin août», ajoute-t-elle.

Après un été totalement organisé, les enfants de Naomie ont donc passé les vacances de l'an dernier à la maison. Et ils ne sont pas les seuls.

Bien que sa direction admette que ses chiffres sont conservateurs, l'Association des camps certifiés du Québec estime qu'un peu moins de 40% des enfants de 7 à 16 ans fréquenteront un camp de jour ou de vacances à un moment ou à un autre pendant l'été. Les autres profitent des horaires flexibles d'un parent, de l'implication d'un membre de la famille élargie, d'un séjour chez des amis... «En restant à la maison, je suis un peu devenue la mère d'accueil du quartier!, raconte d'ailleurs en riant Naomie. Ça m'a coûté cher en Popsicles!»

Le rêve... et la réalité 

L'image de nos étés d'enfance, insouciants, avec tous les enfants du coin... voilà qui peut être trompeur, prévient cependant Diane Dulude, docteure en psychologie. Elle met en garde les parents tentés de faire des sacrifices financiers, en rêvant de vacances tranquilles où les enfants s'occupent seuls, entourés d'amis du matin au soir.

«Oui, le besoin de repos est nécessaire, mais attention à ne pas vivre dans nos rêveries, fait-elle remarquer. Ceux qui pensent que les enfants vont s'occuper tout seuls, ou encore qu'ils vont pouvoir travailler pendant que tout le monde va jouer dehors... ça ne fonctionne pas comme ça. À un moment donné, l'enfant, il n'en pourra plus, il va demander «mais qu'est-ce qu'on fait?» C'est sûr, la réalité nous rattrape!»

Elle souligne qu'il y a plusieurs années, elle a elle-même voulu offrir à ses enfants un été relax, comme elle avait connu, petite. Or, une fois à la campagne, une génération plus tard, il n'y avait presque plus de jeunes autour avec qui jouer. Et l'ennui s'est installé...

Au début des dernières grandes vacances, c'est exactement le constat qu'a fait Naomie. Le rythme plus lent a désarçonné ses enfants, habitués à ce qu'on leur propose des activités.

«Après avoir connu un été avec des amis au camp de jour et à la garderie, ils ont trouvé ça difficile de m'entendre leur dire qu'on n'avait rien de prévu, sauf deux semaines dans un chalet en Gaspésie, raconte-t-elle. Le concept «on n'a rien de programmé», ils ont eu beaucoup de difficultés avec ça. Là, je commence déjà à les préparer à cette idée pour cet été.»

Le besoin de qui? 

Avant même de réserver des camps, ou encore de passer dans le bureau d'un patron pour demander un congé sans solde, la psychologue Diane Dulude suggère aux parents de se poser une question en apparence toute simple: quel est le vrai besoin de mon enfant?

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Naomie Briand a fait des pieds et des mains pour offrir à ses enfants les étés dont elle rêvait pour eux.

D'abord, la (sempiternelle) culpabilité. Décide-t-on de demeurer à la maison parce qu'on s'est senti coupable de travailler toute l'année? Un été de vacances peut être génial, mais attention à modérer ses attentes et à aménager des moments pour adultes, aussi. «Si c'est trop le besoin de l'enfant qui prime et qu'il ne reste pas de place pour soi, comment peut-on être le parent ressourçant qui va rigoler avec son enfant, quand on a le feu au derrière parce qu'on n'a pas d'espace personnel?», illustre-t-elle.

À l'opposé, Diane Dulude remarque que parfois, des parents parviennent à se convaincre que leur enfant est tellement bien au camp ou à la garderie, que son besoin de stabilité est si grand, qu'il doit y rester. Au final, persuadés d'agir dans son intérêt, ils passent des vacances sans lui. «Les parents ne veulent pas mal faire: ils sont certains de faire la bonne chose, ajoute-t-elle. C'est pour ça qu'il faut vraiment prendre un moment pour y penser: il a besoin de quoi, mon enfant?»

Naomie a d'ailleurs fait l'exercice. Devant la difficulté qu'ont eue ses enfants à s'adapter au rythme lent des vacances à la maison, elle a réfléchi aux bienfaits d'un été sans camp ni horaire.

«J'en ai parlé avec mon chum: est-ce que je fais vraiment la bonne chose en restant tout l'été avec eux à la maison? Est-ce que, dans le fond, ils ne seraient pas mieux au camp? s'est-elle demandé. Oui, les deux ou trois premières semaines ont été difficiles, oui, c'est quand même un sacrifice de carrière, mais je suis convaincue que c'était la bonne décision à prendre pour eux.»

Reposés, même au camp

Un été à la maison, c'est relax, mais un été au camp, ce n'est pas militaire non plus, fait remarquer Éric Beauchemin, directeur général de l'Association des camps certifiés du Québec. Camp de jour ou colonie de vacances, il existe des endroits où les jeunes peuvent y aller à leur rythme, aussi.

«Beaucoup de camps ont maintenant intégré des temps libres, ou des moments pour des projets personnels à leur horaire, explique-t-il. On fait l'erreur de penser qu'au camp, les enfants sont organisés en permanence, ce qui n'est pas le cas.»

Cette perception d'organisation à l'extrême touche aussi les camps de jour, remarque le directeur. «On se méprend parce qu'on voit le camp le matin et le soir où c'est bruyant et où il y a plein d'activités, mais pendant la journée, il y a des moments plus libres», soutient-il.

L'Association des camps certifiés du Québec a d'ailleurs déterminé que, dans une journée type, les jeunes campeurs doivent pouvoir profiter d'activités de groupe, mais d'activités en sous-groupe et de projets individuels aussi.

Des camps poussent aussi le concept un peu plus loin et permettent aux enfants de gérer une partie de leur horaire. C'est le cas du camp Wilvaken, en Estrie, où tous les jours, les campeurs s'inscrivent aux activités de leur choix, sans devoir suivre leurs compagnons de cabine.

Plus de vigilance chez les adultes 

«Ils ne sont pas tous obligés d'aller avec leur groupe une activité après l'autre. Ils peuvent choisir de faire du canot, de la voile, ou faire une autre activité. Par contre, ils ne peuvent pas rester à ne rien faire sur la plage toute la journée», explique Maya Willis, codirectrice du camp.

Une planification moins rigide, qui demande plus de vigilance chez les adultes, qui encadrent des groupes hétérogènes. «Pendant l'année, les enfants vont au hockey, au soccer, ou au piano, et ils n'ont pas la chance de faire ce qu'ils veulent vraiment faire. Là, ils en ont l'occasion, ajoute Mme Willis. On leur donne le choix, mais on en voit qui ont de la difficulté à le faire au début.»

Néanmoins, ces moments libres et ce besoin de repos font rarement partie des critères des parents, ajoute Éric Beauchemin. «Au contraire, en général, on me parle d'encadrement, ou de besoins spécifiques, comme apprendre l'anglais», fait-il remarquer.

Des idées pour briser la routine

Diane Dulude, docteure en psychologie, est ferme: tous les enfants ont besoin d'un congé, à un moment ou à un autre pendant l'été.

Tous les parents n'ont toutefois pas le luxe de prendre de longues vacances, ou même de passer quelques jours loin du travail. «Comme professionnelle, je ne peux pas dire que le camp tout l'été, c'est une bonne chose, avance-t-elle. Les enfants ont besoin de décrocher du rythme plus rapide, mais aussi de décrocher mentalement. Il y a des parents qui sont obligés de prendre des camps tout l'été et ça me fait mal au coeur... mais dans ce cas, il faut vraiment trouver un moyen de briser la routine.»

Quelques pistes pour passer un été agréable 

• Si c'est possible, un congé dès la fin des classes est idéal. «Je trouve cette coupure psychologique importante, ne serait-ce que trois jours, pour faire quelque chose de spécial pour marquer le début des vacances», suggère-t-elle.

• Pas de congé à l'horizon? Pourquoi ne pas profiter d'une soirée pour faire une sortie inusitée, pour se coucher tard? Saupoudrer des activités différentes dans l'horaire? «On va au-delà de la routine, et le contact affectif est différent, affirme Mme Dulude. On n'a pas de congé, mais wow, c'est spécial! On est mercredi soir et on mange de la barbe à papa!»

• La psychologue a vu des parents réserver un hôtel en ville et inscrire leurs enfants à un camp au musée, pour faire une entorse au quotidien. Oui, ils travaillaient pendant la journée, mais le soir, «ils étaient comme en vacances».

• Bien doser les moments organisés et désorganisés. Apprendre à gérer l'ennui, c'est une chose, mais un été sans activités à l'horaire peut se transformer en été devant la télé, prévient la spécialiste.