Québécois d'origine, Pierre-Luc Beaudoin et Gabriel Millaire vivent à San Francisco, où ils se sont mariés. Ils y sont aussi devenus papas en adoptant la mignonne Sophie, aujourd'hui âgée de 14 mois. « Vous avez deux pères pour une entrevue », a proposé Pierre-Luc. La Presse n'a pas pu refuser pareille offre pour parler de paternité en Californie.

Avez-vous pu prendre congé quand vous avez adopté Sophie?

Gabriel : Oui, on a chacun eu droit à 12 semaines.

Pierre-Luc : On a pris les trois premières semaines ensemble, puis on a alterné toutes les trois semaines, pour un total de quatre mois avec le bébé à la maison. Ce n'est pas si fréquent que les pères prennent la totalité du congé offert. Quand j'en ai initialement parlé à mon patron, il m'a dit : « Ah, tu vas partir deux semaines! » J'ai dû lui dire que j'allais plutôt en prendre 12. On voulait créer un attachement et une relation avec l'enfant.

Vous n'avez pas fait appel à une mère porteuse?

Pierre-Luc : Non. C'est une adoption ouverte, nous sommes en contact régulier avec la famille de naissance, au Missouri. Nous les avons visités pour le premier anniversaire de Sophie. On n'est pas reliés biologiquement à cette enfant, mais on est très affectueusement reliés!

Gabriel : On sait que pour les couples homosexuels qui veulent adopter au Québec, surtout pour les hommes, c'est beaucoup plus difficile que ce que nous avons vécu.

Êtes-vous jaloux du long congé offert au Québec?

Gabriel : C'est sûr que ç'aurait été plaisant de rester un an à la maison avec le bébé. La norme, à San Francisco, c'est vraiment qu'un des deux parents reste à la maison, souvent la femme. Faire garder un enfant coûte tellement cher que ça devient plus profitable que le parent qui gagne le moins quitte son emploi et reste à la maison.

Pierre-Luc : Notre fille se fait garder par une nounou, qui nous coûte 2400 $ US par mois. On la partage avec une autre famille du voisinage, qui la paie aussi 2400 $ US par mois. Les services de garde coûtent, quant à eux, de 1800 $ US à 2400 $ US par mois. Donc il faut gagner plus d'argent que ça pour que ce soit rentable de faire garder son enfant.

Sentez-vous que le fait d'être une famille homoparentale pose problème à San Francisco?

Pierre-Luc : Non. Dans mon entreprise, quand je dis que j'ai une fille, la majorité des gens me demandent ce que ma femme fait. Je leur réponds: « En fait, c'est un mari. » Personne ne s'en formalise. On s'est d'ailleurs formé un réseau de couples de même sexe qui ont fait affaire avec notre agence d'adoption.

Gabriel : On ne se souvient d'aucun regard ou commentaire croche.

Être père est-il valorisé aux États-Unis?

Pierre-Luc : Oui. En devenant père, j'ai eu l'impression de rentrer dans un club. Au bureau, beaucoup de gens ont commencé à me parler de leur vie personnelle, de leurs enfants. Ça a changé la nature de certaines relations. Quand on va se promener au parc avec Sophie, on voit des sourires complices, des regards pleins de chaleur. Tout le monde est heureux que tu aies un enfant. C'est vraiment agréable.

CALIFORNIE

Population en 2013 : 38 millions

Taux de fécondité en 2010 : 1,94 enfant par femme

Congé d'adoption : 12 semaines de congé sans solde dans l'année qui suit la naissance ou l'adoption d'un enfant (partout aux États-Unis), dont six semaines payées l'équivalent de 55 % du revenu en Californie (maximum de 1075 $ US par semaine), pour chacun des parents adoptants.

Sources : U.S. Census Bureau, State of California Department of Public Health, United States Department of Labor et State of California Employment Development Department.

QUÉBEC

Population en 2014 : 8 millions

Taux de fécondité en 2012 : 1,67 enfant par femme

Congé d'adoption : 37 semaines (12 semaines payées l'équivalent de 70 % du revenu et 25 semaines l'équivalent de 55 % du revenu, revenu maximal assurable de 69 000 $ par an) à partager entre les deux parents adoptants.

Sources : Institut de la statistique du Québec et Régime québécois d'assurance parentale.