Cela fait deux ans. Deux ans qu'ils sont revenus d'un voyage de 10 mois, dans 10 pays d'Asie. Évidemment, ils ne sont plus les mêmes. Évidemment, le voyage les a profondément changés. Unis, même.

Mais le croirez-vous? L'école leur a tellement manqué qu'ils en ont tous carrément rêvé!

« Je faisais souvent le même rêve, que je retournais à l'école... » Nous sommes attablés à l'école secondaire de la Cité-des-Jeunes, à Vaudreuil-Dorion, en compagnie de Laurence Brillon et Michel Sardi, et de leurs quatre enfants: Nicolas (17 ans), Olivier (16), Catherine (14) et Thomas (14). Non seulement les deux parents travaillent ici (elle enseigne le français, lui, directeur adjoint, est d'abord professeur de maths et de sciences), mais les enfants y étudient aussi. Et oui, régulièrement, ils dînent en gang.

Rêver de l'école

« On l'a tous fait, ce rêve-là! », confirme Catherine en riant. On pourrait croire que quatre ados en voyage à travers le Tibet, le Laos, la Thaïlande et l'Indonésie auraient d'autres préoccupations. Pourtant, avec le temps et la distance, oui, ils le confirment tous: ils se sont ennuyés. Tout particulièrement après un trek douloureux de 10 jours sous la pluie au Népal. « Maman, je m'ennuie de l'école! », a fini par s'écrier le plus jeune, dans un rare moment de découragement, se souviennent-ils en riant. Ça venait du coeur.

« C'était très dur, physiquement et mentalement », précise sa mère. Pour tout le monde. Épuisée, elle a elle-même dû laisser son aîné porter son propre sac à dos. « La figure du parent invincible a pris le bord », souligne Nicolas, taquin.

Bref, ils ont tous, à différents moments, eu hâte de retrouver une certaine routine, un lit, une vie sans valises et, surtout, avec leurs amis. « On est conditionné à aller à l'école, poursuit Nicolas. Et qu'on le veuille ou non, c'est un milieu agréable, un milieu jeune. »

De nouveaux yeux

Ils ont réalisé, en prime, que l'éducation est un luxe qui n'est pas nécessairement à la portée de tous. « On a vu beaucoup d'enfants en Asie qui n'allaient pas à l'école. On est chanceux, nous... », glisse Catherine.

Bien sûr, Loi sur l'instruction publique oblige, les enfants ont tout de même étudié régulièrement en voyage, monté un portfolio, histoire d'être prêts à réintégrer le système scolaire au retour. Ç'a d'ailleurs été l'une de leurs grandes inquiétudes (finalement parfaitement non fondée): seraient-ils prêts? Deuxième stress: retrouveraient-ils leurs amis?

Décalage au retour

Avec le recul, le retour a d'ailleurs été plus difficile pour certains que pour d'autres. Pas facile de retrouver un groupe, de se mêler aux conversations, mine de rien. Pensez-y: comment entendre parler du Cambodge, par exemple, sans glisser un mot, un souvenir, une anecdote? « Ils sont revenus avec un gros bagage que les autres n'ont pas nécessairement. Mais il faut être capable de bien dire les choses, de bien communiquer, pour ne pas avoir l'air de se vanter », explique la mère.

Gros défi à ne pas sous-estimer, donc: « Ne pas avoir l'air nerd. »

Du coup, certains ont choisi de finalement très peu parler de leur voyage. « À part avec ma famille, je n'en parle pas vraiment, reprend Catherine. C'est difficile pour les autres d'être intéressés. »

Encore plus unis

Conséquence? La famille est drôlement plus unie qu'avant. Et peut-être plus unie que la moyenne. Entre eux, ils ont des anecdotes et des souvenirs à n'en plus finir. La complicité est palpable.

Les fous rires fusent d'ailleurs tout au long de l'entretien. On se sent presque de trop, tellement ils sont bien. Ce qui est ironique quand on sait que toute la famille a eu très peur de mal supporter cette intense promiscuité.

« Aujourd'hui, nos enfants sont très complices. Et je suis convaincue que c'est en partie à cause de cette promiscuité qu'on n'a pas eu le choix de subir », conclut d'ailleurs Laurence.

Consultez le blogue du voyage autour du monde de la famille Brillon/Sardi: 

http://lesyeuxdebrides.blogspot.ca/

Trois trucs pour mieux revenir

Surtout, ne sous-estimez pas le choc du retour. Des histoires très tristes ont fait les manchettes à ce sujet. On se souvient tous de ce père, héros malgré lui du documentaire Le voyage d'une vie, qui a mis fin à ses jours après un tour du monde en famille, il y a 10 ans. Parce que, non, le voyage ne prend pas vraiment fin quand on descend de l'avion, explique le psychologue Marcel Bernier.

Le clinicien, qui travaille au Centre d'aide aux étudiants de l'Université Laval, a acquis depuis 15 ans une expertise: la réadaptation après un séjour à l'étranger. Il nous suggère trois trucs pour nous préparer au choc du retour.

  1. S'attendre au choc

    Non seulement il faut s'y attendre, mais il faut en plus considérer ce choc comme faisant partie intégrante du voyage. « La réadaptation fait partie du voyage », résume le psychologue. Préparez-vous donc à trouver votre quotidien un brin insipide, voire vos amis, qui n'ont pas partagé votre aventure, sans intérêt. Cette étape peut prendre un certain temps, mais tout cela, généralement, s'estompe avec le temps. « Plus le voyage a été long, plus le choc est grand. »

  2. Partage sélectif

    Si, à votre retour, les gens vous demandent certes comment a été votre voyage, mais ne s'y attardent pas davantage, passant finalement rapidement à un autre appel, ne soyez pas surpris. C'est la vie. Vous avez vécu un monde de découvertes et auriez de quoi meubler des mois de discussions, mais malheureusement, cela n'intéresse pas nécessairement tout le monde. Tenez-vous-le pour dit et racontez plutôt à votre famille, ou à d'autres voyageurs, vos truculents souvenirs. « Ne vous attardez pas à en parler à des gens que ça n'intéresse pas! »

  3. Gare aux grandes remises en question

    C'est un classique. Un voyage est un moment riche en découvertes du monde, mais aussi (surtout?) de soi. Pourtant, patientez avant de virer votre vie à l'envers, de changer d'emploi, de conjoint, de quotidien. « Après un séjour à l'étranger, il arrive souvent que l'on doute de ses choix, de son couple ou de son travail, mais cela s'estompe avec le temps, affirme le psychologue. Reprendre une vie ordinaire prend du temps. Il faut l'accepter et ne pas procéder à des changements draconiens. »

PHOTO TIRÉE DU BLOGUE DE LA FAMILLE BRILLON-SARDI

Les voyages sont souvent riches en périodes de flottement, entre deux trajets.