Les chiffres sont clairs. Limpides. Indéniables. Les parents se disent systématiquement moins heureux dans leur union que les couples sans enfant. Cela étant dit, les observateurs sont formels : les enfants demeurent une source de grand bonheur conjugal. Trouvez l'erreur.

D'après notre sondage, si une majorité de Québécois se disent « très heureux » en couple, ce sont les parents, tout particulièrement ceux âgés de 35 à 44 ans, qui sont les moins nombreux à se réjouir (seuls 41 % sont très heureux, contre 56 % de la population en général).

Cette statistique fait écho à plusieurs études qui ont fait grand bruit récemment, concluant que le bonheur amoureux se cultiverait loin des couches, biberons et autres petits pots. « Childless couples have happier marriages », titrait récemment le Guardian. « Do Children Bring Happiness - or Misery ? », renchérissait le magazine Time.

Il faut dire que lorsqu'on interroge les parents à certaines étapes de leur vie (quand ils ont de jeunes enfants, typiquement), les nuits blanches, nouvelles responsabilités et pertes de libertés semblent quelque peu altérer leur vision du bonheur.

Non, le carré de sable n'a rien d'excitant, érotiquement parlant... Fini le temps où le couple était seul au monde et pouvait ainsi se concentrer sur son épanouissement exclusif. « Le bel amour narcissique est tout à coup bousculé par les cris et les pleurs d'une minuscule personne qui prend beaucoup de place », résume le magazine Psychologies.

MOINS HEUREUX CAR PLUS STRESSÉS

Comme de fait, notre sondage révèle aussi que les parents sont peu nombreux à prendre un moment seul avec leur partenaire, pour mettre de côté la routine. Seuls 34 % d'entre eux s'accordent du temps, exclusivement, au moins une fois par semaine. Et, sans surprise, ils sont très nombreux à souligner que les activités sexuelles sont surtout agréables quand on en a le temps !

Conséquence ? Les statistiques sont connues : dans la première année de vie d'un enfant, les séparations se multiplient. Un enfant sur trois verra ses parents se séparer avant d'avoir 10 ans. Il faut dire que les enfants demeurent la première et la plus importante source de dispute « avant, pendant et après » les divorces (avec l'argent), signale le psychologue Yvon Dallaire, thérapeute conjugal depuis plus de 35 ans, à qui l'on doit une trilogie sur les couples heureux.

UN BONHEUR PLUS GRAND GRÂCE AUX ENFANTS

Marie Vincent vient de se séparer. La jeune femme refuse toutefois de croire que ses quatre enfants, âgés de 7 à 15 ans, qui soient en cause. Au contraire, dit-elle. « Si on a eu quatre enfants, c'est parce qu'on a toujours aimé la vie de famille, les grandes tablées, la vie en gang. Le bonheur, pour moi, ça passait aussi par les enfants. J'aurais vraiment eu du mal à imaginer le bonheur en couple, sans enfant. Quand même, il y a des gens qui font des pieds et des mains pour en avoir ! »

Et c'est là que réside tout le paradoxe. Car si le couple en prend certes un coup en devenant famille, en fin de compte, les parents finissent par se dire plus heureux. Une étude publiée récemment dans le magazine de l'Association for Psychological Science conclut aussi que les parents sont finalement plus heureux, car ils trouvent entre autres un sens profond à leur vie.

« Dans la vie d'un parent, c'est sûr qu'il y a des moments où l'on est moins heureux. Mais il y a aussi des grands moments de joie, renchérit le psychologue du bonheur Michel Giroux. Oui, je crois que les enfants sont un facteur favorable pour les couples. Car ils donnent au couple le sentiment de se prolonger et de se réaliser. »

LE SECRET ? SURMONTER LES CONFLITS

Enfant ou pas, le secret des couples heureux serait plutôt dans leur capacité à surmonter les conflits, croit finalement le psychologue Yvon Dallaire. « Le couple n'est pas fait pour nous rendre heureux. C'est un creuset pour générer des crises, tranche-t-il. Non, le couple n'est pas un long fleuve tranquille. »

Les gens les plus heureux en couple seraient donc ceux qui sont les plus aptes à gérer ces « crises et conflits insolubles ». Parce que oui, crises et conflits insolubles il y a, même chez les couples les plus rayonnants qui soient. Et tout particulièrement chez les couples avec enfants. Le truc ? « Négocier des ententes à double gagnant, conclut-il. Parce que dans un couple, on a toujours le choix : avoir raison, ou bien être heureux. »