Bien qu'il soit toujours célibataire, Trey Powell est maintenant père de famille grâce à l'arrivée il y a six mois de ses jumelles nées d'une mère porteuse.

À l'âge de 42 ans, il fait partie de ces hommes qui ont volontairement choisi de devenir père en solo. Certains optent pour l'adoption, mais d'autres préfèrent avoir un lien biologique avec leurs enfants, et ce, même s'il leur faut débourser quelque 100 000 $ US pour réaliser leur projet.

S'il n'existe pas de statistiques officielles sur ce phénomène, Growing Generations, une agence spécialisée dans les services de mère porteuse établie à Los Angeles, affirme que sa clientèle masculine célibataire ne cesse d'augmenter. L'an dernier, elle a traité environ 25 dossiers d'hommes sans partenaire qui souhaitaient être papa.

Selon les experts, c'est une sorte d'horloge biologique masculine qui pousse ces hommes à faire appel à une mère porteuse pour connaître les joies de la paternité.

«Ils disent qu'ils ont toujours voulu être père, qu'ils n'ont pas trouvé quelqu'un avec qui fonder une famille, qu'ils vieillissent et qu'ils ne veulent pas attendre. Bref, ils disent les mêmes choses que les femmes», explique Madeline Feingold, une psychologue californienne qui a fait beaucoup de consultation en maternité de substitution.

C'était le cas pour M. Powell, qui occupe un poste de cadre au sein d'une compagnie pharmaceutique de Seattle et qui a tenté en vain pendant trois ans d'adopter.

«J'ai passé un an et demi sur les listes d'attente, je n'ai reçu aucun appel et je suis sorti frustré de cette expérience», confie-t-il.

Avant d'approcher Growing Generations, Trey Powell s'est longuement questionné. «Si quelque chose m'arrive, qui va s'occuper de mes filles? Est-ce une décision égoïste?», s'était-il demandé à l'époque.

À présent, il affirme que la paternité est au centre de sa vie, une transformation d'autant plus facile qu'il peut souvent travailler de la maison et qu'il a les moyens d'embaucher quelqu'un à temps plein pour l'aider à prendre soin de ses jumelles.

D'ailleurs, cette aisance financière est pratiquement un prérequis pour les hommes qui caressent le rêve d'être papa grâce à une mère porteuse. «Nous disons aux gens de prévoir entre 125 000 $ et 150 000 $ US pour un enfant et de 150 000 $ à 175 000 $ US pour des jumeaux», indique Stuart Bell, copropriétaire de Growing Generations.

Ces sommes comprennent entre 8000 $ et 10 000 $ US pour la donneuse d'ovule et au moins 25 000 $ US pour la mère porteuse.

Ce chemin atypique vers la paternité passe par des évaluations psychologiques et des négociations juridiques détaillées pour minimiser les chances que la donneuse ou la mère porteuse ne réclame des droits parentaux.

Selon l'avocate spécialisée en droit de l'adoption et de la maternité de substitution Denise Bierly, une fois que ce processus est terminé, il est habituellement évident que le futur papa est sérieux dans sa démarche.

«Chez les hommes en particulier, la décision résulte d'une réflexion approfondie, dit-elle. Ils entrent dans le processus après en avoir longuement discuté avec leurs famille et amis. Il n'y a rien de spontané là-dedans.»

Alan Bernstein, un homme d'affaires de 48 ans qui élève trois enfants nés d'une mère porteuse à Los Angeles, affirme que d'être un père monoparental est un travail ardu, mais très satisfaisant.

Comme Trey Powell et beaucoup de clients de Growing Generations, M. Bernstein est gai. Il ne s'attendait pas à pouvoir expérimenter la paternité un jour. «Lorsque je suis sorti du placard au début de la vingtaine, j'ai senti que je choisissais de mener une existence honnête, mais que j'abandonnais l'idée d'avoir une famille, se souvient-il. Le fait de ne jamais avoir d'enfants me semblait triste, mais inévitable.»

Même si les homosexuels représentent une bonne partie de la clientèle masculine de Growing Generations, l'agence reçoit aussi des demandes de la part d'hommes hétérosexuels, comme Steven Harris, un avocat new-yorkais de 58 ans dont le fils, Ben, est sur le point de commencer sa première année.

M. Harris raconte qu'il a eu quelques conversations avec des hommes qui songent à suivre son exemple. «Je leur dis: "N'y pense pas à deux fois, fais-le", assure-t-il. Quand on veut vraiment un enfant, il n'y a pas de mauvais côtés à cette expérience.»

Les lois sur les mères porteuses varient d'un État américain à l'autre. Certains interdisent les transactions commerciales alors que la Californie a la réputation d'être l'État le plus ouvert par rapport à cette question.