On se met en couple. On fait des enfants. Parfois le couple tient. Parfois pas. Et, du coup, on se remet en couple à nouveau. Avec un nouveau conjoint, qu'on présente aux enfants. Qu'on impose aux enfants? Et si c'était plutôt les enfants qui choisissaient le nouveau conjoint? Le Canal Vie en a fait une téléréalité... qui soulève quelques questions.

C'est ce scénario un brin surréaliste que met en scène chaque semaine Quand les enfants s'en mêlent, l'une des rares téléréalités québécoises à être diffusées sur les ondes de Canal Vie, depuis janvier. Le concept? Ce sont ici les enfants qui «prennent le contrôle de la vie amoureuse de leur mère» (ou de leur père), résume la bande-annonce.

L'émission, ludique et volontairement divertissante, se déroule en trois temps. D'abord, les enfants doivent choisir deux candidats, parmi une liste de 10 heureux volontaires. La sélection, dans un jeu de type speed dating, permet aux jeunes (de 8 à 18 ans) de poser des questions («Saurais-tu me faire des lulus?» «C'est quoi des préliminaires?» «Si j'arrivais avec un piercing sur la langue, tu ferais quoi?») aux candidats, évaluant leurs performances, selon leurs propres critères («trop sérieux?» «romantique?» «nul à la ringuette?»), et surtout, leurs propres priorités («Je veux un gars qui aime les enfants», «qui aime les chats», «qui sait faire à manger»).

Cette opération de charme leur permet d'éliminer huit candidats, pour ensuite faire passer une série de «défis» (match de tennis, souper en famille, etc.) aux deux «gagnants» choisis, défis qui se déroulent ici en présence du principal intéressé: le parent célibataire! Enfin, dans un troisième temps, les enfants font leur choix: le conjoint «idéal», soumis au parent.

La parole aux enfants

«Beaucoup de familles se reconstituent, et dans la majorité des cas, ce sont les enfants qui subissent les choix des parents, note Caroline Borne, productrice du contenu chez Avanti et muse du concept. Moi, ça m'est arrivé, ma fille n'a pas aimé un de mes conjoints.»

D'où l'idée, ici, de donner la parole, et surtout le contrôle, aux enfants. «On ne prétend pas être psychologues ou réinventer la roue. Nous, veut, veut pas, on fait un show de divertissement. Ce qu'on a voulu voir, c'est le choix des enfants: eux, ils veulent quoi?»

À noter, la priorité, dans tous les cas, demeure la même: les enfants veulent quelqu'un «qui aime les enfants». Fait cocasse, les enfants semblent aussi plus sensibles à la beauté physique quand vient le temps de choisir une belle-mère qu'un beau-père. Oui, les stéréotypes ont la vie dure...

Mais même s'il s'agit d'un «show», d'un «divertissement», bref, de quelque chose qui se veut avant tout un «jeu», jusqu'à quel point est-ce sain? La productrice jure respecter des critères éthiques (l'ex-conjoint doit accorder son autorisation, le souhait de participer doit venir des enfants, le plaisir des jeunes doit demeurer central pendant le tournage, et les réalisateurs se permettent, au montage, certains choix éditoriaux, pour que le résultat final demeure de bon goût), les psychologues interrogés expriment néanmoins quelques bémols.

«Peut-être que c'est amusant de prime abord, dit Florence Marcil-Denault, psychologue en pédopsychiatrie. Je vois l'idée, je comprends l'idée, un peu loufoque, sauf qu'en même temps, c'est donner un pouvoir gigantesque aux enfants.» Faut-il le rappeler, le sujet n'est, à la base, pas franchement drôle: «On pousse un peu les limites de l'amusement. En clinique, la séparation des parents, c'est l'une des principales raisons de consultation! Ce sujet, ce n'est pas très drôle.»

Grande responsabilité

Elle se demande si l'enfant saisit qu'il s'agit d'un jeu. «L'enfant de 8 ans, est-ce qu'il comprend? Je ne suis pas certaine.»

La psychologue Nadia Gagnier, bien connue des téléspectateurs de Canal Vie, estime aussi que, si l'idée est certes «mignonne», «cela ne devrait pas se passer comme ça dans la vraie vie». Pourquoi? «C'est une bien trop grande responsabilité pour de si petites épaules», dit-elle.

Elle voit néanmoins un intérêt certain au concept: «Trop souvent, quand les parents se séparent, ils oublient le fait que les enfants, eux, ont un sentiment d'absence totale de contrôle, note-t-elle. Ici, cela a l'avantage de donner le point de vue des enfants.»

Mais attention aux jeunes téléspectateurs, qui pourraient nourrir de «faux espoirs», met-elle aussi en garde. Car dans la réalité, non, ce ne sont pas eux qui ont le dernier mot. «Personnellement, je crois que j'aurais préféré un documentaire sur les besoins des enfants de familles recomposées, plutôt qu'une émission où l'on s'amuse à faire des expériences.»

Quand les enfants s'en mêlent est diffusé chaque lundi midi, sur les ondes de Canal Vie. En rediffusion les lundis à 20h, les samedis à 16h et les dimanches à 19h.