Vous sortez ce soir? Et vous cherchez une voisine gentille, disponible et pas chère pour garder vos enfants? Cherchez toujours. Car la «petite gardienne» est une espèce en voie de disparition. Place, désormais, à la pro, diplômée, qualifiée... et du coup, aux factures, nettement plus salées.

«Une p'tite gardienne? Mais ça n'existe plus, ça!»

Bianca Longpré en sait quelque chose. Cette jeune mère de Rosemont s'est vite rendu compte que pour attirer les gardiennes, il fallait aussi allonger les dollars. Fini le temps où l'on payait la voisine quelques dollars pour garder ses enfants une soirée. «Si on ne paye pas bien, elles ne se déplacent pas!», dit celle qui avoue payer de 50 à 60$, pour trois petites heures dans une soirée. Pour faire quoi? «Rien. Rien d'autre que s'occuper de mon enfant.»

Il faut dire que dans son quartier, il y a beaucoup de jeunes familles, et peu de gardiennes. Du coup, «des filles disponibles le vendredi ou le samedi soir, il n'y en a pas beaucoup», fait-elle valoir.

Elle s'est donc tournée vers le site SOSgarde, qui met en contact les familles avec un vaste réseau de gardiennes (11 000 au Canada, et près de 5000 au Québec). La fondatrice du site l'affirme d'emblée: «On s'assure d'offrir des gardiennes de 18 ans et plus. Ce n'est pas un site pour trouver une «petite gardienne»», indique Paulina Podgorska en entrevue. D'ailleurs, les parents s'en accommodent très bien, dit-elle, voulant, de plus en plus, faire garder leurs enfants par du personnel compétent, qualifié, et surtout d'expérience. «Les gens veulent quelqu'un avec de l'expérience, quelqu'un qui a pris des cours de ci ou de ça, très bon avec les enfants, chaleureux, etc.»

De plus en plus, les parents cherchent même, pour un gardien régulier, la connaissance d'une troisième langue. «Tant qu'à passer plusieurs soirs par semaine avec l'enfant, ils veulent que la gardienne lui enseigne quelque chose.» Pour répondre à cette demande, Paulina Podgorska a même dû rajouter ce critère de recherche sur son site...

«Ces parents veulent bien faire. Ils sont beaucoup plus stressés comme parent qu'on l'était dans le temps», observe-t-elle, notant qu'il s'agit là, selon elle, d'une ultime manifestation du phénomène d'hyperparentalité typique d'une génération de parents angoissés. La preuve? «Les parents me demandent aussi souvent s'ils peuvent mettre une caméra dans la chambre de l'enfant», glisse-t-elle.

«Processus de sélection»

Pour assouvir ce souci de compétence et de sécurité, son site suggère plusieurs étapes à suivre, dans le «processus de sélection» d'une gardienne: de l'évaluation du profil, aux entrevues en personne, en passant par la validation des qualifications (de plus en plus de parents exigent le diplôme de Gardien averti, confirme la Croix-Rouge, qui offre la formation aux jeunes de 11 à 15 ans), sans oublier... la vérification des antécédents judiciaires.

«Oui, les parents ont peur. Peur pour leurs enfants. Ils veulent s'assurer que rien ne leur arrive. Je le vois clairement. Les mères qui m'appellent s'impliquent énormément dans la recherche de leur gardienne.»

Aux États-Unis, le site Sittercity (le plus important du genre) offre même des gardiennes dites «professionnelles» qui demandent de 20 à 30$ de l'heure pour garder un enfant en soirée. Le «processus de sélection» ici recommandé ressemble à un véritable questionnaire d'embauche: questions d'entrevues, expérience, formation, et mises en situation sont suggérées. Sans oublier, bien sûr, les références, pour valider toutes ces informations. Des trucs, pour dépister les mauvaises réponses, sont même soulignés (la personne avait-elle l'air nerveuse au bout du fil?).

Marie Pier Des Lauriers a 22 ans, et garde une petite fille de 3 ans deux soirs par semaine. Son tarif officiel: 18$ de l'heure. Mais elle a fini, parce qu'on lui «garantissait des heures», par accepter 15$. Si elle trouve que c'est beaucoup? «J'ai mes cours de premiers soins, rétorque-t-elle. Et puis, j'ai de l'expérience, j'ai travaillé en animation.» Elle dit aussi aller chercher la petite à la garderie, et souvent lui préparer à souper. Et elle avoue, surtout, gagner bien davantage en gardant ainsi, qu'en travaillant à temps partiel comme caissière...

C'est d'ailleurs ce qui fait bondir Annik Leblanc, une jeune mère de Laval, qui est littéralement «tombée des nues» quand elle a appris les tarifs que demandaient de nos jours les gardiennes, dès l'adolescence. «Être gardienne, c'est souvent ton premier travail», dit celle qui se souvient avoir gardé, dans les années 90, pour 2$ de l'heure. «Et on était content!» «Si tu gagnes déjà 15$ en gardant, tu vas faire quoi après, quand tu vas être préposée dans un centre commercial?»

Cette jeune mère est catégorique: «Pour ma part, à ce prix-là, je préfère ne pas sortir.»