La semaine dernière, les médias ont rapporté plusieurs horribles histoires de jeunes enfants battus, asphyxiés ou négligés. Les parents devront faire face à la justice. Ce genre de nouvelles provoquent toujours des réactions assez fortes en nous...

Il en est de même pour Martin et Julie, parents d'une petite fille âgée de neuf mois. Martin croit que ces parents agresseurs sont des monstres et qu'ils méritent carrément qu'on les torture ou qu'on les pende. Avec son côté un peu plus «psychologue» ou «travailleuse sociale», Julie se demande plutôt quels sont les facteurs qui peuvent amener des parents à poser de tels gestes.

À la surprise de Martin, elle dit qu'elle ne serait pas surprise d'apprendre que certains de ces parents ont agi de la sorte par manque d'éducation ou de ressources, et qu'ils se sentent atrocement coupables après qu'on leur eut retiré leur enfant. Elle lui rappelle cette nuit où Anaïs avait des coliques et qu'il n'en pouvait plus de l'entendre crier. Le lendemain, il lui avait avoué avec un fort sentiment de culpabilité qu'il a eu envie, pendant une fraction de seconde, de lui mettre un oreiller sur le visage. Avec raison, Martin lui dit qu'il y a une grande différence entre un parent qui a une image mentale agressive, et un parent qui bat carrément son enfant. Julie réplique que parfois, la ligne est mince entre les deux.

Nous sommes tous horrifiés lorsque nous entendons ces histoires d'enfants négligés ou maltraités dans les médias. Personnellement, entendre les détails de ces histoires ne fait pas que me troubler... ça me fait même mal physiquement. Sans blague, j'en ai mal au ventre. Souvent, quand je vois un jeune enfant sourire ou dormir comme un ange, je me demande comment on peut en arriver à faire mal à un petit être si vulnérable.

En entendant ce genre de nouvelles, certains réagissent comme Martin, d'autres comme Julie et d'autres encore souffrent en silence, car ces histoires leur rappellent les mauvais traitements qu'ils ont eux-mêmes subis durant leur propre enfance.

Pourtant, à certains moments bien précis, il peut être normal de ressentir de l'agressivité envers son enfant... Cela survient surtout lorsque le parent est stressé, fatigué, épuisé. Lorsqu'il n'a pas dormi une nuit complète depuis des semaines. Lors­que l'enfant a des coliques et crie sans arrêt pendant plusieurs heures. Certains parents me confient avec inquiétude que pendant une fraction de seconde, ils ont eu l'image mentale de lancer leur bébé par la fenêtre comme un ballon de football, ou encore de lui mettre un bas dans la bouche! Cela peut arriver au plus patient et au plus doux des parents. En fait, n'importe quel être humain peut se sentir irrité, impatient ou même agressif lorsqu'un enfant pleure pendant une longue période en émettant des cris stridents.

Mais il y a une énorme différence entre ressentir ces émotions et passer à l'acte. Heureusement, la plupart des parents réussiront à gérer ces émotions sans que l'enfant n'ait eu connaissance de quoi que ce soit. Ils y arriveront en demandant à l'autre parent de prendre le relais, en s'isolant quelques minutes le temps de prendre quelques bon­nes respirations, en demandant le soutien des membres de la famille élargie ou du réseau social pour prendre un peu de répit...

En fait, plusieurs facteurs peuvent faire la différence entre les parents qui se ressaisissent et ceux qui passent à l'acte, entre autres :

» la possibilité de se ressourcer;

» un réseau social ou familial offrant un soutien;

» avoir certaines connaissances de base sur l'éducation des enfants (savoir, entre autres, qu'il vaut mieux éviter les punitions corporelles);

» avoir eu des parents qui ont offert une éducation adéquate et un amour inconditionnel;

» avoir une bonne santé mentale;

» etc.

En lisant cette liste de facteurs, on peut facilement présumer que les parents à risque de passer à l'acte sont ceux qui ont eux-mêmes été maltraités durant l'enfance, ceux qui ont des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale... mais même des parents issus d'un milieu favorisé, qui ont de bonnes connaissances en matière d'éducation et de soins à donner aux enfants et qui ont une bonne santé mentale peuvent se surprendre à donner une petite tape sur les fesses, à tirer une oreille ou à serrer un bras un peu fort. Sachant que les punitions corporelles sont peu ou pas efficaces et qu'elles peuvent avoir une influence sur l'estime de soi de leur enfant, ces parents se sentent automatiquement coupables. Pourtant, lorsqu'il s'agit d'un incident isolé et qu'habituellement, les relations familiales sont harmonieuses, l'enfant s'en sortira sans séquelle...

Mais un tel «petit geste» ou une pensée agressive peut être le signe qu'il est temps de mieux gérer ses émotions, de se ressourcer ou de demander de l'aide. C'est probablement ce que ces parents qui ont fait les manchettes la semaine dernière n'ont pas pu faire, malheureusement.