On le sait, il manque des places en garderie. Des dizaines de milliers de places. Plutôt que d'attendre un, deux, trois ans avant d'avoir enfin la fameuse place subventionnée à 7$, les parents aimeraient-ils mieux que cet argent soit investi ailleurs? Un sondage exclusif, que La Presse a obtenu, conclut que oui. À prendre avec un grain de sel, mettent en garde les observateurs.

Deux parents sur trois resteraient à la maison avec leur enfant si le gouvernement leur versait l'équivalent de ce qu'il verse aux garderies - CPE, garderies privées ou familiales confondus - chaque semaine.

C'est du moins ce qui ressort d'un sondage Léger Marketing, réalisé pour le compte du réseau Familles d'aujourd'hui au cours de l'été, que La Presse a obtenu. Les questions ont été posées à 1000 personnes, dont 260 parents, entre le 28 juin et le 1er juillet.

«Un échantillon de 260 familles, ce n'est pas énorme, mais c'est représentatif, indique Sandrine Lepinay, vice-présidente adjointe de Léger Marketing. Cela donne une bonne idée de l'opinion des parents. De la tendance.»

L'objectif du sondage? «Poser les vraies questions aux parents, répond Martyne Huot, fondatrice du réseau Familles d'aujourd'hui. Nous voulons aussi inviter le gouvernement à trouver d'autres solutions que les CPE pour donner un vrai choix aux parents.»

Le réseau, lequel se défend d'être «un groupe de pression», se veut plutôt «une référence en matière de questions familiales», résume la fondatrice. Il compte un site internet et trois magazines (Familles d'aujourd'hui, Bébé et Grossesse), et a toujours eu comme «cheval de bataille» le dossier des places en garderie et la conciliation travail-famille. En juin, le réseau a aussi lancé une vaste consultation sur son site pour tâter le pouls de la population en matière de services de garde.

À la question «Si un membre de votre famille avait la possibilité de rester à la maison pour prendre soin de vos enfants en échange d'une contribution gouvernementale de 156$* par semaine par enfant, le feriez-vous?», 64% des parents sondés (et 56% des 1000 répondants) ont répondu par l'affirmative.

Mal vus, les mères et pères au foyer? Non, rétorquent 60% des parents interrogés (et 64% des répondants), qui affirment qu'ils ne sont au contraire pas «hypothéqués socialement».

On se souvient qu'en 2007, le chef de l'Action démocratique, Mario Dumont, avait courtisé les familles en promettant 100$ par semaine pour chaque enfant n'occupant pas une place dans une garderie subventionnée. À l'époque, le réseau Familles d'aujourd'hui avait qualifié la promesse de «bonne chose». «Mais cela n'a rien à voir avec l'ADQ. Nous n'avons aucune allégeance politique», souligne Martyne Huot. Tout ce qu'elle souhaite, comme une majorité de parents, dit-elle, c'est «un choix». «Ce que confirme ce sondage, ajoute-t-elle, c'est que les parents veulent autre chose. En plus des CPE, ils veulent avoir le choix.»

Et parmi ces choix, dit-elle, il y a le choix de rester chez soi pour élever son enfant. «Ce n'est pas ramener les femmes aux fourneaux, se défend-elle. Il y a tout plein de femmes, avec des carrières, qui ont envie de voir leur enfant grandir! Or, on est loin d'avoir ce choix. Depuis 1997, on nous dit: vous mettez votre enfant au monde, et c'est à la garderie qu'il s'en va.»

Interrogés pour savoir si le gouvernement devrait offrir d'autres options (outre les places en garderie) pour desservir les enfants de moins de 6 ans, 73% des parents (et 65% des répondants) disent que oui. Ils sont aussi nombreux à revendiquer des services de garde dits «alternatifs» (une gardienne qualifiée à la maison, une aide familiale ou un service communautaire) aux mêmes conditions que les garderies subventionnées, à 7$. Le service «alternatif» le plus populaire? La garderie à temps partiel, que revendiquent 84% des parents sondés.

Enfin, 71% des parents (et 75% des répondants) jugent qu'il est «anormal» qu'un enfant dont un parent n'a pas d'emploi soit admissible à une place à contribution réduite.

Quoi conclure? Que les familles ne veulent plus du système actuel? Non, répond Jean Robitaille, directeur général de l'Association québécoise des CPE. «Quand on lit les questions, on est toujours tenté de répondre oui, fait-il valoir. Tout le monde est d'accord: une seule solution ne doit pas être imposée aux parents, il faut des mesures fiscales, davantage de temps partiel. On est tous d'accord!»

De son côté, le ministère de la Famille n'a pas voulu commenter le sondage. Québec attend plutôt les résultats de sa propre enquête sur la question, réalisée avec l'Institut de la statistique du Québec auprès de plus de 10 000 parents, dont la publication est prévue pour le printemps prochain.

*À noter: au moment de mener le sondage, les derniers chiffres en matière de contributions gouvernementales n'étaient pas à jour: Québec verse plutôt en moyenne 34$ par enfant, par jour aux services de garde (CPE, garderies privées ou en milieu familial confondus), ce qui revient plutôt à 171$ par semaine.