On connaît Jacynthe René pour ses rôles à la télé. Au cinéma. La jeune et jolie blonde, pulpeuse, charnelle, aux lèvres et aux cuisses aguicheuses. On connaît moins la louve, mère de famille engagée, déterminée, limite entêtée.

Et pourtant. C'est bien elle qui, pendant des mois, des années, a tenu à bout de bras un projet fou. Un projet immense. Le projet d'une école, nouvelle, à son image, et surtout, à l'image de son fils Louis, aujourd'hui âgé de 6 ans.

Ce rêve, il vient tout juste de se concrétiser. À la rentrée scolaire, une nouvelle école, rêvée par Jacynthe Renée et un groupe de parents motivés, a ouvert ses portes à Delson: l'école alternative Les Cheminots.

Tout a commencé il y a six ans. Quand son fils avait 6 mois. La comédienne venait de quitter le chic Plateau Mont-Royal pour une magnifique maison à La Prairie. Une maison style Petite maison dans la prairie, justement, en pierres, avec des volets bleus. Une maison au bout d'un chemin, sans voisin.

Ici, son fils court dans l'herbe. Il vient de construire une catapulte, près de la grange. Il a un grenier enchanté. Il a eu des poules, un lama, et vu naître des chatons. Il n'est jamais allé à la garderie. Mais quand, à 5 ans, elle a dû l'envoyer à l'école (à temps partiel, en maternelle) Jacynthe René l'a vu changer. Se métamorphoser. «La lumière dans ses yeux s'éteignait.»

La mère a tout de suite compris: fiston, assis devant un professeur, ça ne marchait pas. «Ce n'est pas un enfant fait pour suivre, mais pour créer.» Déterminée à ne pas le laisser ainsi s'éteindre, elle a pris les choses en main. Elle a fait des recherches, visité des écoles. Et c'est en visitant l'école alternative de Châteauguay qu'elle eu une vision: «C'est ça! se souvient-elle, émue. Il y avait des couleurs, de la vie, partout. Les enfants avaient des éclairs dans les yeux! C'est devenu très clair: j'allais mettre sur pied une école alternative.»

Du coup, elle a rencontré la directrice, d'autres intervenants du milieu, et surtout la mère de Guillaume Lemay-Thivierge qui, il y a plus de 30 ans, a fait exactement les mêmes démarches qu'elle. «Je lui ai demandé: qu'est-ce que ça prend?» Du temps et surtout des familles, a-t-elle confié.

De fil en aiguille, Jacynthe René s'est mise à parler de son projet sur différentes tribunes, et la liste de parents intéressés s'est allongée. Armée de cet appui, elle a finalement déposé une demande au conseil des commissaires de la Commission scolaire des Grandes Seigneuries. C'était il y a trois ans. «Et puis à chaque conseil, deux fois par mois, on y allait. On ne voulait pas laisser le projet sur les tablettes.»

Entre temps, elle a organisé des dizaines de réunions chez elle, avec des parents et des enseignants, pour rêver du projet éducatif, du menu de la cafétéria, même de la décoration des classes. Et finalement, en janvier dernier, après consultation auprès des parents de la commission scolaire concernés, le projet a été adopté. L'école primaire déménagerait dans les locaux d'une école secondaire existante, en diminution d'effectifs.

«Dans le fond, elle est arrivée au bon moment», résume Mylène Godin, porte-parole de la Commission scolaire des Grandes Seigneuries, qui cherchait justement à «diversifier son offre». Avis aux intéressés: «plus il y a de gens impliqués, plus il y a de chances que les projets soient acceptés», dit-elle.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Louis, 6 ans, et sa poule