Sortez vos agendas, c'est samedi que ça se passe: la toute première journée «au parc sans mes parents». Objectif? Faire de nos enfants chéris des êtres un poil plus autonomes et débrouillards. Surtout, recréer une dynamique de vie de quartier plus spontanée. Comme dans le bon vieux temps de notre enfance, finalement. Maintenant, la question qui tue: oserez-vous?

Elle trouve qu'elle a du culot. Et elle n'a pas tort. Voilà qu'une mère de famille somme toute bien ordinaire vient de décréter, du fin fond de son salon, que samedi serait la toute première journée «au parc sans mes parents». Dans la langue de Lenore Skenazy (la mère en question): «Take our children to the park... and leave them there day.»

 

Et depuis qu'elle a lancé l'idée, la question tiraille une foule de parents sur l'internet, d'Israël à l'Australie en passant par la Pologne et, bien sûr, les États-Unis, qui débattent du pour et du contre, comme si leur vie en dépendait.

Il faut dire que la femme, journaliste new-yorkaise, n'en est pas à son premier coup d'éclat du genre. Son audace, dans le climat d'«hyperparentalité» ambiant, détonne. Il y a quelques années, elle a fait trembler l'Amérique entière en laissant son fils de 9 ans, la clé autour du cou, retrouver son chemin comme un grand dans le labyrinthe du métro de New York. Invitée sur toutes les tribunes, cette apôtre de la débrouillardise et du lâcher prise a aussi été publiquement baptisée «la pire mère des États-Unis».

Cette fois, la mère, qui est aussi l'auteure du blogue et du livre Free-Range Kids, revient à la charge. Samedi, propose-t-elle, laissez vos enfants (de 7 ou 8 ans et plus, «l'âge à partir duquel, partout ailleurs sur la planète, les enfants commencent à aller tout seul à l'école») sans supervision parentale, s'amuser au parc avec les voisins du coin. Ne serait-ce qu'une demi-heure.

Briser la glace

«Régulièrement, je vois mes fils (de 12 et 14 ans) qui regardent par la fenêtre. Je leur dis d'aller jouer dehors, et ils me répondent systématiquement: mais il y a personne avec qui jouer! Ça me choque, parce que je crois que les voisins, eux aussi, restent chez eux en se disant qu'il n'y a personne dehors avec qui jouer.» D'où l'idée de cette journée, donc, histoire de «briser la glace» et de mettre un terme à ce «cercle vicieux».

Pourquoi tient-elle tant à mettre les enfants dehors? Non, pas seulement pour avoir un peu de temps à elle. Ni parce qu'il fait beau, tout simplement. Surtout, en fait, parce que toutes les études démontrent que le jeu libre, non supervisé ni organisé au quart de tour, est ultra-bénéfique pour le développement des enfants. Malheureusement, toutes les études démontrent aussi que les parents ont de moins en moins tendance à laisser leurs enfants jouer ainsi librement. Entre autres parce qu'ils ont peur: des prédateurs, des chutes, des égratignures, bref, de tout ce qui pourrait arriver en leur absence, sans leur présence prévoyante. «Je viens encore de tomber sur une étude, cette fois-ci britannique, qui dit que 30% des parents ont peur que leur enfant se fasse enlever!»

Or, Lenore Skenazy s'époumone depuis des années: «Votre enfant a une chance sur 1,5 million (le chiffre est américain) de se faire enlever. Si vous renversez la statistique, cela veut dire que pour que votre enfant se fasse enlever, il faudrait qu'il reste tout seul au parc pendant... 750 000 années. C'est une statistique complètement absurde!»

Malgré cette infime probabilité, les parents continuent d'avoir peur, notamment parce qu'ils sont abreuvés à longueur de journée d'histoires d'horreur d'enlèvements d'enfants, croit-elle. «Êtes-vous capable de me citer une seule chose qui est arrivée au Portugal dans les 25 dernières années, à part l'enlèvement de la petite Madeleine?»

En un mot, conclut-elle: «Cette idée qu'il faut que les parents soient là pour prévenir tous les petits bobos, c'est faux!»

L'invitation est donc lancée. Samedi, oserez-vous?