Ça ne se bouscule pas aux portes des camps de vacances. Si la tendance se maintient, l'industrie connaîtra une baisse de 10% des inscriptions cet été. Incertitude économique et changements sociaux plus profonds seraient en cause.

Difficile de mettre dans un même panier les camps spécialisés, très réputés, et les moins populaires petites bases de plein air. Reste qu'en moyenne, par rapport à l'an dernier, l'industrie note une baisse de 10% des inscriptions.

 

«Certains camps sont inquiets. Ils vont faire leur saison, mais ils vont devoir faire des coupes de personnel», avance Yves Dubois, directeur général de l'Association des camps certifiés du Québec (ACQ), qui regroupe les deux tiers des camps de vacances de la province, pour un total de 175 camps, à 80% des organismes à but non lucratif.

Le ralentissement est tel que l'Association a jugé bon, cette année, d'insérer une petite note de motivation dans son magazine publicitaire. Crise économique oblige, on peut y lire qu'«en effet, la situation économique actuelle met tout le monde sur le qui-vive. On a tendance à vouloir couper nos dépenses et revoir nos investissements. Mais ne perdons pas de vue notre priorité numéro un, nos enfants! Revoyons nos valeurs et investissons pour eux (...) Préférons le camp de vacances certifié à la télévision plasma dernier cri, par exemple, et donnons ainsi une expérience de vie à notre enfant.»

Car le directeur général n'en démord pas: le camp de vacances est un «investissement», permettant de mettre l'enfant dans un contexte qu'il ne trouvera nulle part ailleurs: «Une vie intense, 24 heures sur 24, pendant 12 jours en moyenne, qui le marquera pour la vie», insiste-t-il.

Toujours est-il qu'au Ranch Massawippi, par exemple, on a noté une réduction de 5% des inscriptions. Au camp de vacances Kéno, «on sent qu'il y a une pression vers la baisse, a simplement révélé François Vézina, le directeur général. C'est nouveau: on sent que la situation économique est de plus en plus dans la tête des gens». Même son de cloche de la part du centre de plein air Le Saisonnier, pourtant parmi les moins chers de la province. «Dans nos inscriptions individuelles, oui, nous ressentons un ralentissement. Et notre camp de jour, lui, prend de l'ampleur», note le directeur général Pierre Langevin.

Dénatalité et changements sociaux

Mais la plupart des dirigeants de camps sont loin de croire qu'il ne s'agit que d'un problème économique. Au contraire. Tous mettent en cause la dénatalité, bien sûr, qui saigne l'industrie depuis 20 ans. Inutile de dire que la légère reprise des naissances suscite ici beaucoup d'espoir pour les années à venir.

Mais des changements sociaux plus profonds seraient aussi en cause. «Maintenant, les deux parents travaillent beaucoup, affirme Pierre Langevin. Alors je crois que quand vient le temps de prendre des vacances, on favorise les vacances en famille, Walt Disney, le Sud, la plage. C'est plus cher, mais papa et maman en profitent aussi.»

Du coup, pour attirer une clientèle plus réticente, les camps se sont spécialisés avec les années: cirque, équitation, arts de la scène, etc. «Parce que sinon, les parents trouvent qu'ils payent pour rien», glisse Pierre Langevin.

D'où le cul-de-sac dans lequel se trouvent bon nombre de camps aujourd'hui, investissant pour une clientèle en constante diminution. Car gérer un camp de vacances n'est pas une activité très lucrative, précise Réjean Roy, directeur des camps Odyssée (Minogami, Trois-Saumons, Camp des Artistes et camp musical Accord Parfait): «C'est une activité saisonnière, sur de grands terrains, pendant une période très limitée. Non, ce n'est pas facile», dit-il, tout en précisant que ses camps, de par leur bonne réputation, ne souffrent pas du ralentissement.

Tous n'ont pas cette chance. L'an dernier, deux installations ont dû fermer leurs portes, notamment la base de plein air des Laurentides, dont le terrain a été vendu par lots pour y construire des chalets et des condos.

D'autres camps craignent-ils de subir le même sort? «C'est une crainte. Plusieurs sont sur des sites exceptionnels, et sont nécessairement convoités, estime Yves Dubois, le directeur général de l'ACQ. Est-ce qu'on va vouloir que tout cela revienne au privé, ou que cela reste accessible pour les générations futures? Nous allons avoir des choix de société à faire.»

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Le petit campeur en chiffres

Nombre: 75 000 enfants par été.

Âge: de 6 à 17 ans, mais surtout de 8 à 12 ans.

Durée moyenne: 10 jours par enfant

Coût moyen: 500$ par semaine, ou 1000$ pour un séjour moyen.

Quelques extrêmes

Parmi les plus chers

- Le camp Ouareau

Deux semaines à plus de 1600$, quatre semaines à plus de 3000$, huit semaines à près de 6000$.

- Le camp Nominingue

Une semaine à 800$.

- Le camp d'équitation Sans Souci

Une semaine à 765$, deux semaines à 1430$.

- Le camp l'Échappée de Vélo Québec Voyages

Une semaine à 799$.

Parmi les moins chers

- Le Centre de plein air l'Étincelle

Une semaine entre 240 et 400$, selon le revenu familial.

- Le Domaine de l'Amitié

Une semaine à 275$, deux semaines à 505$.

- Le camp Olier

Une semaine à 285$, deux semaines à 570$.

- Le Centre de plein air Le Saisonnier

Une semaine à partir de 330$.

Source: Association des camps certifiés du Québec