Lundi soir, à Radio-Canada. Une centaine de mères blogueuses sont réunies pour assister au lancement de la websérie Les chroniques d'une mère indigne, inspirée du blogue et du roman du même nom. Cent filles qui prennent la plume, pardon, le clavier, jour après jour, pour discuter du quotidien de leur maternité, mettant ainsi plus ou moins à nu leur intimité. Exit, la vie privée de bébé?

Dans une entrevue avec l'auteure diffusée sur le site de Radio-Canada, Caroline Allard, alias Mère indigne, demande à la blague à sa fille: «Clémentine, est-ce que ça t'a déjà dérangée (que je raconte notre vie)? Peut-être qu'il est un peu tard pour que je te pose la question...»

 

Interrogée, en marge du lancement, Caroline Allard avoue que sa fille Clémentine, aujourd'hui âgée de 9 ans, lit toutes ses chroniques avant publication. «Elle m'a dit à un moment donné: tu parles de moi, alors j'ai le droit de lire, confie-t-elle. Cela m'a fait réaliser que oui, elle avait son mot à dire.» Sa fille grandissant, elle a aussi arrêté de raconter certains détails de sa vie privée. «Et quand elle va être adolescente, je vais sûrement faire autre chose. Parce qu'on est plus sensible à l'adolescence. Moi, si ma mère avait fait ça à mon adolescence, je n'aurais pas aimé ça.»

«Mes enfants lisent mon blogue, enchaîne Grande dame, mère de six enfants. Le deuxième aime beaucoup quand je parle de lui.» Mais quand elle doit raconter des anecdotes plus croustillantes (une réflexion familiale sur la sexualité, par exemple) elle leur demande toujours d'approuver avant de publier, histoire d'éviter quelques humiliations dans la cour d'école...

Mais ces précautions ne suffisent pas toujours. «Petit, je prénommais mon aîné le tyran. La semaine passée, il est tombé sur un vieux billet, et il était très, très fâché de lire ça. Je me suis rendu compte qu'il ne fallait pas que je mette d'étiquette sur mes enfants.» Toutes les mères n'ont toutefois pas cette retenue. «Mes enfants m'ont déjà dit: tu nous fais honte! Mais qu'est-ce que ça veut dire, à 5 ans? se demande une des (Z)imparfaites. (Le blogue) je trouve que c'est un bel héritage à leur laisser. Ils vont se rendre compte que c'était lourd (la maternité), mais qu'on s'est amusés.»

Prudence, tout de même. Car s'ils peuvent être utiles pour trouver des conseils éducatifs précis, les blogues ne devraient pas servir à étaler l'intimité des enfants, croit le psychoéducateur et orthopédagogue Germain Duclos. «Je ne suis pas très favorable à ça, dit-il. L'enfant a droit à son intimité.»

Dans une entrevue accordée au New York Times, John Palfrey, professeur de droit à l'Université Harvard et auteur de Born Digital: Understanding the First Generation of Digital Natives, va même plus loin. «Ces parents construisent un dossier numérique de leur enfant. Et qui aura accès à ce dossier, dans l'avenir? C'est préoccupant», conclut-il.