Au palais de justice de Montréal s'ouvre lundi une cause de séparation qui ne passera pas inaperçue. Non seulement parce qu'elle implique un richissime homme d'affaires de Montréal, mais aussi parce que son ex-femme s'attaque au fait que les conjoints de fait comme elle ne reçoivent pas de pension alimentaire. Elle en espère une de 56 000$ net par mois, en plus d'une somme au comptant de 50 millions.

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec a décidé d'intervenir dans cette cause, motivée par la nécessaire reconnaissance des droits des enfants nés hors mariage.

 

Sa directrice générale, Sylvie Lévesque, note qu'il «n'est pas normal qu'au Québec, où l'on est le champion des unions de fait, quantité d'enfants se trouvent à faire vivre leur mère» au moment d'une séparation.

C'est que, à la rupture d'une union de fait, une pension alimentaire peut être versée pour les enfants, mais la conjointe (ou le conjoint) n'y a pas droit.

Il y a deux ans, la femme du riche homme d'affaires - dont l'identité doit être tenue confidentielle puisqu'il s'agit de droit familial - a d'ailleurs obtenu une très considérable pension alimentaire pour ses enfants. Pour elle-même, en tant qu'ex-conjointe de fait, elle n'a rien eu.

À tort, quantité de femmes croient que, après cinq, 10 ou 20 ans de vie commune, elles ont les mêmes droits que les femmes mariées et auront droit au partage du patrimoine familial et à leur propre pension alimentaire au moment de la rupture.

Selon la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées, cette situation pénalise les enfants, qui, lorsqu'ils sont de milieu modeste, se retrouvent avec un train de vie très réduit chez leur mère.

Devant les tribunaux, l'organisme fera valoir que le régime actuel crée deux catégories d'enfants: ceux dont la mère est mariée et dont le train de vie sera peu touché, et ceux dont la mère non mariée pourrait avoir du mal à joindre les deux bouts. Cette distinction est inacceptable aux yeux de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées, qui invoque l'article 522 du Code civil, selon lequel «tous les enfants dont la filiation est établie ont les mêmes droits et les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances de leur naissance».

Sans entrer dans les détails de cette cause, dans laquelle elle n'est pas impliquée et qui est exceptionnelle vu l'importante pension alimentaire versée aux enfants du couple, l'avocate Raymonde Lasalle, spécialisée en droit familial, note que cette cause bien médiatisée aura au moins ceci de positif: elle mettra en lumière le fait que, au Québec, contrairement aux autres provinces où il y a une certaine protection, les conjoints de fait «ne bénéficient pas des effets du mariage».

«De façon générale, comment se fait-il que tant de femmes en 2009 fondent une famille sans prendre la peine de s'informer sur les conséquences légales de l'union de fait?»

Me Lasalle dit qu'il ne s'agit pas d'envoyer tout le monde à l'autel ni de juger les femmes qui décident de rester à la maison. Il s'agit de faire comprendre aux femmes qui ne se marient pas, qui abandonnent leur carrière ou qui ralentissent leurs activités professionnelles et qui n'assurent aucunement leurs arrières «qu'elles se mettent en situation de dépendance envers leur conjoint».

Trop délicat, avec son amoureux, que d'évoquer d'emblée le spectre d'une séparation? Il suffit de savoir s'y prendre, relève Me Lasalle. «Une femme peut éviter de suggérer d'aller consulter l'avocat de sa maman et éviter d'évoquer le spectre de la séparation. Ça passe mieux quand la femme fait observer à son conjoint que, s'il mourait, elle n'aurait droit à rien.»