Ils s'appellent Josie, Aisa, Samuel ou Amanda. Ils ont entre 17 et 22 ans. Ils sont nés dans des villages aux noms difficiles à épeler: Puvirnituq, Kuujjuaq ou Kangiqsualujjuaq. Et ils rêvent de travailler un jour en environnement, en administration ou dans une garderie.

Chaque année, une dizaine de jeunes du Nunavik arrivent au cégep Marie-Victorin, «leur» cégep dans le Sud. Et ils travaillent fort pour ne pas perdre le nord.

«Le plus difficile, c'est le temps. À Montréal, les gens passent vite sans nous dire bonjour.»

Aisa Pirti, 22 ans, qui vient d'Akulivik, dans la baie d'Hudson, est le vétéran du groupe d'étudiants que nous avons rencontrés, cette semaine, dans une classe du collège.

À titre de «vieux routier» du cégep, il a le recul nécessaire pour exprimer ce que l'on vit quand on quitte une communauté de 500 habitants pour se retrouver dans une ville qui en compte 3 millions.

«Chez nous, tout le monde se connaît. En arrivant à Montréal, je pensais me faire des amis facilement, mais j'ai eu un choc», raconte-t-il.

Au fil des sessions, Aisa a vu plusieurs copains faire leurs bagages pour rentrer à la maison. «Ils s'ennuyaient trop.» Encore cette semaine, deux cégépiennes ont pris le chemin du retour. L'une s'ennuyait de sa famille. L'autre avait un niveau académique trop faible pour continuer. C'est le coeur gros que leur conseiller, Jacques Laplante, les a reconduites à l'aéroport.

«Un jeune Gaspésien a aussi un choc en arrivant à Montréal. Mais au moins, il y vit dans sa propre langue», souligne-t-il.

Ce n'est pas le cas des jeunes du Grand Nord. Pour eux, le français est une langue étrangère. Une embûche de plus.

L'adaptation

Dans les écoles du Nunavik, les élèves étudient en inuktitut jusqu'en quatrième année. Ensuite, ils ont le choix entre le français et l'anglais. Les anglophones poursuivent leurs études au cégep John Abbott. Les francophones, plus rares, se retrouvent au cégep Marie-Victorin.

Un programme administré depuis 1991 par la commission scolaire Kativik leur permet d'atterrir en douceur avant de se retrouver dans une classe régulière.

Ces élèves - une douzaine cette année - forment l'élite du Nunavik, où peu de jeunes finissent leur secondaire. Mais compte tenu du décalage linguistique et académique, ils ont besoin d'un bon coup de pouce.

Au cégep, ces jeunes du Nord ont tendance à rester entre eux et se mêlent difficilement aux autres étudiants. Et quand ils le font, c'est souvent pour se buter à des préjugés.

«La question qui m'écoeure le plus, c'est: est-ce que vous vivez encore dans des igloos?» dit Amanda Baron, de Kuujjuaq.

Résister aux tentations

Il y a d'autres défis. Ces jeunes habitués à l'unique coop du village doivent résister à la tentation de dépenser leur allocation dans les magasins de Montréal. Résister, aussi, à la tentation de «consommer»: à Montréal, l'alcool est plus accessible et moins cher que dans le Nord.

Pas évident, non plus, de vivre au milieu d'immeubles qui cachent la ligne d'horizon. L'espace, la vie en plein air leur manquent.

Dix jours après son arrivée à Montréal, Josie Amamatuak, amateur de chasse au phoque et au caribou, a vu une marmotte sur le campus. Il a essayé de tirer dessus avec un fusil à air comprimé. La marmotte s'en est tirée indemne...

Comme plusieurs autres étudiants, Josie a bien l'intention de rentrer travailler - et chasser - dans le Nord, quand il aura fini ses études.