S'il y a quelqu'un qui connaît le coût de la rentrée scolaire, c'est bien maman Dion, elle qui a eu 14 enfants. Vêtements et articles scolaires, tout coûte si cher aux familles, encore aujourd'hui! La Fondation Maman Dion a permis jusqu'ici de venir en aide à près de 6000 petits Québécois parmi les plus démunis en leur offrant une trousse de démarrage au début de l'année scolaire.

Au-delà du matériel, la Fondation a consacré plus de deux millions de dollars à renforcer chez les écoliers l'estime de soi, le goût de la réussite et, surtout, celui de tenir bon. Afin de renflouer ses coffres, la moitié des profits de la vente du DVD qui raconte la vie de Mme Dion sera versée à la Fondation. La Presse et Radio-Canada ont choisi Thérèse Tanguay-Dion en tant qu'image emblématique de cette fête des Mères. Sa vaillance, son courage et son dévouement lui valent le titre de Personnalité de la semaine.

 

Un grand coeur

À voir Maman Dion de bon matin déjà prête à affronter le monde, on ne dirait jamais que, il y a 21 ans, elle a subi quatre pontages cardiaques! Ni qu'elle a élevé 14 enfants. Ni qu'elle a récemment fait le tour du monde avec sa célèbre fille. Ni qu'elle se soucie encore, à 82 ans, d'offrir son aide aux enfants.

Thérèse Tanguay-Dion est une force de la nature; elle est de ces êtres qui traversent le temps avec grâce et vitalité, en choisissant le plus beau côté de la vie sans jamais s'appesantir sur les aléas de l'existence. Le film sur sa vie est un hommage à son courage, mais aussi à celui de toutes les mères de cette génération. On la voit assumer les tâches domestiques pour lesquelles la débrouillardise est de mise; les grossesses successives et le soin accordé à chaque enfant pour qu'il reçoive sa pleine ration d'amour; les joies, les peines et les misères d'une famille nombreuse.

Cette misère que l'idéaliste et passionnée Thérèse voudrait éradiquer porte aujourd'hui un autre visage. «On reçoit à la Fondation plus de 7000 lettres de demande d'aide par année», dit-elle. Heureusement qu'elle a une solide équipe de bénévoles, à qui elle rend hommage.

Elle ajoute avec tristesse, devant ce désarroi: «La société s'est transformée. Elle est aujourd'hui malade. Et quand une société est malade, les hommes et les femmes le deviennent eux aussi.» Celle qui a été témoin d'un XXe siècle bouleversé entre les crises économiques et les guerres, les maigres salaires et l'isolement des campagnes se réjouit malgré tout d'avoir élevé sa famille «à une époque où les valeurs étaient belles. Les dirigeants ont essayé de changer les choses. Ils se sont trompés», déplore-t-elle.

Alors les enfants en général en paient le prix. Certains sont abandonnés à eux-mêmes, d'autres sont victimes de la surconsommation. «On doit bien sûr aider les parents. Mais moi, ce sont les enfants que je veux aider.»

Une femme bionique

Maman Dion ne baisse pas les bras. Les défis ne lui font pas peur. Tant qu'elle peut agir, elle garde le moral: «S'il y a un problème, je cherche la solution.» Et le miracle, chez cette femme, c'est qu'elle la trouve.

Elle dort peu. Ses journées sont affolantes d'activités. Elle a appris depuis longtemps à maîtriser ses peurs. «J'ai toujours fait face», avoue-t-elle. Il y aura 39 villes du Québec à visiter pour la promotion du film. C'est une tâche considérable compte tenu de son âge. Mais c'est une chose dont il ne faut pas parler, qui n'a pas de sens véritable pour elle. «J'ai tellement de projets», dit-elle. Son dos lui fait mal, mais elle ne se plaint pas. Son énergie légendaire va lui permettre de soulever les montagnes.

En même temps, Thérèse Dion vit sa vie de femme. «J'adore les tissus, dit-elle avec un large sourire. Et les gestes qui vont avec.» Si elle coud jusqu'au milieu de la nuit, assise devant l'une de ses quatre machines à coudre, c'est qu'elle aime ça. Elle se souvient du temps où elle cousait les trousseaux de baptême. C'est le lieu de sa créativité. Comme le tricot. Comme les confitures. Ou le pâté au saumon du vendredi. Elle attend l'heure d'une plus grande liberté où elle pourra répandre sur le sol de sa pièce de couture les centaines de bouts de tissus qui deviendront courtepointe.

Les joies au quotidien maintiennent en vie son optimisme. Elle sait naturellement, sans diplôme, que pour changer le monde, il faut parler à ses enfants, les consoler en cas de besoin.

On ne doit pas parler de maladie, car «il sera toujours temps d'y faire face». Elle conserve au fond de son coeur l'image de son mari, le temps du bonheur, et celui plus triste de la dernière année, où elle a dû le laisser partir à jamais.

Le temps, pour elle, est ce qu'il y a de plus précieux. Sa hantise: en perdre inutilement. Son voeu: «Que ce temps dure longtemps encore. J'aime tellement la vie. J'ai tellement de choses à faire encore.»

La société s'est transformée. Elle est aujourd'hui malade. Et quand une société est malade, les hommes et les femmes le deviennent eux aussi.