Laval-des-Rapides: il n'y a pas grand lieu plus loin, psychologiquement, des rues folles de Bangkok ou des plages de la baie de Surat Thani.

Pourtant, c'est là, aux abords d'un large boulevard chauve honorant stationnements et VUS, qu'est installé l'un des bons restaurants de cuisine thaïlandaise de la région métropolitaine, le Talay Thai II.

Bon, pas très cher, on y apporte son vin.

Le genre d'adresse qu'il fait plaisir de dénicher.

Pourquoi le II?

Parce que le premier Talay Thai, fondé il y a plusieurs années, est installé à l'étage d'un immeuble à l'angle des chemins Côte-Sainte-Catherine et Côte-des-Neiges en plein Montréal. Celui de Laval est le petit frère du premier. Et vole de ses propres ailes.

Le restaurant de Laval ne ressemble pas au premier. Le lieu est immense. On y entre en traversant un décor doré planté de faux arbres exotiques et de vrais échos dorés du royaume asiatique.

Au menu, les classiques connus des Nord-Américains - en commençant par le pad thaï - se mêlent à toutes sortes de déclinaisons savoureuses, vivifiantes, sur les thèmes thaïlandais : crevettes et poissons, nouilles de riz, riz collant, légumes croquants, lait de coco, cacahuètes, épices et parfums en tous genres, en commençant par le gingembre, la citronnelle, et, bien entendu, le basilic thaï et les piments.

Personnellement, j'adore la cuisine de la Thaïlande. Probablement la meilleure de toutes celles que j'ai essayées si on compare les saveurs du quotidien ordinaire, des restaurants de bord de route, du moindre comptoir de centre commercial. Pour tomber sur un plat banal, en Thaïlande, il faut chercher les restaurants destinés aux touristes dans les régions très fréquentées, où l'on a pris l'habitude d'adoucir le pincement des piments et de limiter les symphonies parfumées des caris. Pour le reste, c'est un plaisir renouvelé à chaque arrêt repas - et cela peut coûter 2 $ ou 3 $ en tout. Du bonheur à la bouchée sur des airs vifs, résonnants, et qui rend accro.

Chez Talay Thai à Laval, les caris ne sont pas aussi somptueux qu'en Thaïlande. Derrière la force du piment ne se cachent pas des réverbérations épicées et parfumées aussi complexes que ce que l'on mange dans les troquets de Mahatchai ou des marchés de Bangkok. Mais on s'en approche. Et puis il y a la gentillesse de l'accueil, les prix raisonnables, la fraîcheur des produits, la convivialité des lieux...

Pour commencer le repas, on peut choisir la salade de mangue verte épicée, ou yum mamuang, une combinaison un peu sucrée - la mangue n'est pas si verte que ça - et fraîche de morceaux de fruits dans une vinaigrette épicée, aux tons de citrons verts, qui éclate en bouche, remplie de références tropicales. Pour des raisons uniquement sentimentales, j'ai préféré la som tam, omniprésente en Thaïlande, une autre salade où c'est plutôt l'acidité craquante de la papaye verte qui est appelée à trancher avec la sauce légèrement adoucie au sucre de palme, très pimentée, le tout fini avec le croquant de cacahuètes hachées...

En plat principal, on nous a conseillé une création du jour à base de boeuf et de nouilles non pas au riz mais au blé, comme les spaghettis italiens. Poivrons rouges, asperges, haricots verts, basilic... Morceaux de viande sautés au gingembre (ou était-ce au galanga?). Pour qu'un tel plat soit délicieux, il faut que les nouilles glissent tout en s'accrochant légèrement aux ingrédients. Le tout doit se marier sans s'agglutiner, se distinguer sans se décomposer. Ici, chaque élément a sa place. Et si, tel que mentionné plus tôt, on pourrait avoir davantage d'échos épicés, d'un point de vue technique, le plat est impeccablement exécuté.

Autre joie, le cari rouge de crevettes, pad prik kung. Non seulement les crevettes sont-elles dodues et tout juste suffisamment cuites afin de garder saveur et moelleux, mais la sauce est somptueuse, rendue soyeuse par le crémeux du lait de coco, tout en relief grâce aux épices. On entend presque les mélodies du cumin, de la coriandre, de la citronnelle.... On a envie de la manger à la cuillère, sans même le riz collant qui pourtant l'adoucit, la calme.

Et le tout est structuré par des légumes frais, asperges, haricots verts, à peine cuits, qui donnent du croquant et un peu d'acidité vitaminée à la composition.

Pour accompagner le tout, on peut demander du thé vert ou au jasmin. On sert aussi des jus de mangue, litchi, aloès ou même coco. Ou alors on apporte sa propre bouteille de sancerre ou de chardonnay. Et on prend un verre à la santé du soleil du royaume de Siam.

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Talay Thai II

1585, boul. des Laurentides, Laval

450 933-7999

Prix : Hors-d'oeuvre entre 3,95 $ et 8,95 $, plats de 10,95 $ à 15,95 $.

Carte de vin : Inexistante, on apporte son vin. Conseils de François Chartier: lorsque la menthe, la citronnelle, la coriandre fraîche et basilic dominent les plats, il leur faut du sauvignon blanc français (sancerre ou pouilly-fumé), ou de Nouvelle-Zélande. Si le lait de coco est en force, alors le vin élevé en barrique de chêne conviendra le mieux, donc idéalement un chardonnay Nouveau Monde (Californie ou Australie). Pour les caris vert ou rouge, Chartier suggère le gewürztraminer (un brin sucré) ou alors un saké servi froid.

Atmosphère : L'espace est grand. Les tables se remplissent des amateurs de cuisine asiatique habitant dans les environs. On y va pour manger, pas pour danser. Décor cherchant, avec un certain succès malgré un côté un peu kitsch, à recréer une ambiance très orientale, exotique, tropicale.

Service : Amical, efficace, attentionné.

Point positif : La qualité de la nourriture, la fraîcheur des ingrédients, les prix raisonnables, le fait que ce soit un « apportez votre vin ».

Point négatif : Il pourrait y avoir encore un peu plus de complexité dans les sauces. Mais c'est peut-être beaucoup demander aux ingrédients disponibles ici.

On y retourne ? C'est sûr.