Le restaurant qui s'est installé dans le lieu où se trouvait jadis Cuisine et dépendance, boulevard Saint-Laurent près de Saint-Joseph, tout juste à côté de l'Espace Go, s'appelle Projet 67, comme dans Expo 67, l'exposition universelle qui a eu tant d'impact sur l'ouverture culturelle de Montréal.

Lorsque le serveur arrive à table, il prend le temps de bien expliquer de quelle façon le restaurant a été inspiré par l'événement. Une des facettes du concept est un menu très «Montréal multiculturel» - smoked meat, morue salée à la portugaise... -, parce que l'Expo nous a fait embrasser notre multiculturalisme. L'autre facette est un menu consacré à la cuisine d'un des pays présents à l'Expo. Cela changera au gré des mois. En ce moment, c'est la France. Mais comme la cuisine française a trop de déclinaisons différentes, on a choisi plus précisément de rendre hommage à la Bourgogne.

C'est une bonne chose qu'on nous explique tout cela, gentiment, efficacement, car d'entrée de jeu, les liens avec l'Expo ne sont pas évidents. Étonnamment, malgré les références ici et là, l'aménagement du nouvel espace ne nous happe pas dans une ambiance très fortement imbibée de l'esthétisme de l'époque. Vous n'y verrez pas de grosses photos du dôme géodésique de Buckminster Fuller, même si le logo du restaurant - que l'on retrouve aussi sur les verres à vin - est une jolie version stylisée du célèbre pavillon américain. Et aucune oeuvre d'art sur les murs n'a l'impact qu'ont les portes du pavillon iranien accrochées aux murs du restaurant Van Horne, à Outremont. Le panneau de photos de l'Expo en rétroéclairage est subtil. Et ce qui donne le ton rétro à l'espace, ce sont plutôt les chaises de cuirette rouge.

Hommage un peu flou

À table, l'hommage est aussi un peu flou. Peut-être, pour marquer le coup, aurait-il fallu commencer, justement, avec un menu iranien ou tchèque, autres pays participants de l'Expo?

La Bourgogne? On pourrait être dans bien d'autres restaurants, comme ce M sur Masson, où le chef de Projet 67, Jean-François Vachon, a déjà officié. (Cela dit, la carte de vins est fort intéressante, notamment grâce à la sélection de vins de Bourgogne; les amateurs de vins nature apprécieront les bouteilles offertes, à prix raisonnables.)

Théoriquement, il n'y a pas d'entrée ou de plat principal dans les menus, mais une série de petites assiettes, qui arrivent toutefois selon un ordre familier. Ainsi, pour lancer le repas, on choisit un poulpe grillé, qui s'avère rempli de saveur, mais pas aussi tendre qu'on l'aurait aimé, accompagné de minuscules tomates confites. La soupe de champignons, elle, est hivernale, costaude, riche, servie dans un grand bol, généreux. On est loin des «cappuccinos» éthérés des dernières années.

Le plat d'escargots, hommage à la Bourgogne, s'impose aussi par son côté robuste, sans fausse humilité. Un os à moelle est planté dans l'assiette, des cubes de courge musquée aussi, le tout porté par de bons morceaux de langue de veau très tendres. Un des plats les plus réussis de cette soirée, où l'on reconnaît le style du chef.

La suite est moins réjouissante, notamment parce que la truite, servie avec des lentilles et juste assez cuite, ne brille malheureusement pas par sa fraîcheur. La pièce de boeuf vieilli, elle, s'avère banale. On a mangé mieux ailleurs, car il faut le dire, ces temps-ci, la viande de boeuf affinée est de plus en plus populaire. Cette fois, pour le boeuf, on cherche plus de saveur et on ne la trouve pas dans la sauce non plus, comme si le chef avait voulu jouer ses cartes trop discrètement, optant pour la sécurité d'un fond brun très sage. Heureusement que le plat d'accompagnement de fenouil est servi laqué, avec grand renfort de câpres, dont l'acidité est grandement bienvenue. Un bon point aussi pour le pain maison, bien craquant et moelleux.

La partie la plus intéressante du repas fut probablement le dessert, où on présente une ganache fondante, extrariche, extrasavoureuse, au chocolat 70% avec piment d'Espelette et notes de clémentine. Une exécution précise pour des saveurs classiques, mais réjouissantes. Beaucoup de plaisir aussi à déguster un fin parfait au nougat glacé déconstruit, sur une base de biscuit aux épices et ponctué de caramel mou à la fleur de sel. Les saveurs fondent en bouche sans lourdeur. Les textures se répondent les unes aux autres. Une fin heureuse pour un repas fait de hauts et de bas.

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Projet 67

4902, boulevard Saint-Laurent

Montréal, 514-508-6767

www.projet67.com

Prix: Les prix varient selon le menu, les plats du jour. Exemples: soupe à 8$, poisson à 21$, plat de boeuf (pour deux ou trois) à 85$, desserts à 9$ ou 10$.

Carte de vins: Très belle carte de vins, avec beaucoup de petits producteurs travaillant en biodynamie ou nature. Beaucoup de choix à prix abordables.

Service: Intelligent, professionnel et efficace, notamment pour les conseils en vin.

Atmosphère: On est sur Saint-Laurent, près du Mile End, et c'est cette faune qu'on retrouve, ainsi que ceux qui vont ou arrivent de l'Espace Go. Niveau de bruit élevé.

Les desserts, la carte de vins, le service, la volonté de rendre hommage à l'Expo.

Une cuisine qui manque de précision, qui se cherche un peu.

On y retourne? Oui, mais dans six mois, peut-être plus.