Cet été, notre critique gastronomique a parcouru les routes de la province afin de visiter des établissements réputés. Premier arrêt: Québec.

Je l'avoue d'entrée de jeu: j'adore l'Auberge Saint-Antoine à Québec. Ce Relais et Châteaux, choisi récemment par la revue américaine Travel + Leisure comme l'un des 10 meilleurs hôtels canadiens, est une magnifique rencontre entre la modernité et l'Histoire. L'arrimage impeccable entre les vieux bâtiments de pierre, les vestiges retrouvés durant les travaux de rénovation, l'architecture et le confort contemporain fait penser à ce que l'on trouve en Europe, dans ces autres pays où l'on sait combiner le respect de l'ancien et les interventions datées aussi courageuses que justes.

L'aménagement du restaurant de cet hôtel, le Panache, installé dans un ancien abri pour les bateaux, tout en plafonds vertigineux et en poutres anciennes spectaculaires, est particulièrement réussi. On y sent les racines ancestrales de la capitale autant que la volonté des propriétaires, la famille Price, de faire de ce lieu un rendez-vous actuel.

Depuis quelques mois, ce restaurant a un nouveau chef, Julien Dumas, venu de France pour combler le poste. Un chef français donc, formé à la française, qui a la lourde tâche de s'installer dans un terroir québécois dont le restaurant se veut une vitrine.

Ce qui frappe d'entrée de jeu lorsqu'on aborde cette nouvelle cuisine, c'est l'utilisation des verdures que le chef fait pousser tout juste à l'extérieur de l'établissement.

Feuilles de capucines poivrées, boutons de tagette aux parfums d'agrume, menthe et re-menthe, livèche...

Dans l'assiette, la présentation des plats est souvent surprenante, oscillant entre le chaos sympathique et la maladresse, rarement précise comme le voudraient les défis que le chef se pose lui-même. En bouche, les combinaisons de textures tombent elles aussi parfois juste à côté du but. Mais souvent les saveurs se rejoignent, comme il se doit.

On s'étonne, par exemple, de la présence de fraises de l'île d'Orléans dans une assiette de foie gras poêlé où la délicatesse du mets est encadrée par de très fins croûtons. Mais la combinaison fruitée fonctionne, le parfum et la légère acidité du fruit réussissant doucement à charpenter l'onctueux de chaque bouchée.

L'entrée de tomate confite est aussi très agréable, puisque la cuisson lente du fruit permet réellement de concentrer ses jus et d'obtenir non seulement une dose sucrée de saveurs estivales, mais aussi une texture légèrement résistante qui nous amène loin de la salade de tomates de juillet classique. Surtout qu'elle est, de plus, doucement relevée à la rose et à l'amande.

En revanche, l'entrée de crabe n'est pas très élégante et gagnerait à être précisée, notamment du point de vue technique. La gelée de fruits de mer est présentée de manière brouillonne, avec un sorbet au melon vert, trop fondu. D'entrée de jeu, dans un tel repas, avec de telles saveurs fraîches, on s'attend à une plus grande minutie. À de petites notes délicates évoquant ces dialogues précis dans la première partie d'un concerto...

Plusieurs des autres assiettes se baladent ainsi entre une recherche honnête d'originalité et les fausses pistes. L'utilisation de la livèche dans un plat de flétan apporte du caractère à la composition. Mais la framboise n'est peut-être pas exactement à sa place dans le tartare aux capucines, ou peut-être aurait-on dû les prendre vertes? Après tout, les fraises vertes ne sont-elles pas un des ingrédients chouchous, actuellement, de la haute gastronomie?

Au dessert, le parcours se poursuit, prenant le chemin un peu désordonné d'une création de pain perdu au chocolat dont la composition est complexe et prend d'interminables secondes à décrire, mais qui finit par s'avérer un plat relativement uniforme, chocolaté, sans réels contrastes. Par contre, le dessert aux fraises, avec sorbet de Campari et scone émietté, est une très agréable réinterprétation du shortcake traditionnel. Comme durant tout le repas, juste lorsqu'on croit être réellement déçu, le chef vient nous reconquérir avec des touches délicates.

Il faudra y retourner dans six mois, un an, peut-être deux, pour voir où ces idées vont le mener.

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Panache

10, rue Saint-Antoine

Québec

888 692-2211

www.saint-antoine.com

Prix : entrées entre 17 $ et 27 $, plats principaux entre 39 $ et 43 $. Desserts 12 $ à 15 $. Midi : menus du jour entre 22 $ et 27 $

Carte de vins : Belle sélection remplie de bouteilles classiques et de trouvailles à prix variés. (Mais les amateurs de bourgognes natures, vins du moment, pourraient rester sur leur soif)

Décor : Aménagement magnifique qui met bien en valeur le caractère historique des lieux sans jamais tomber dans le cliché.

Service : Service professionnel, mais très présent. Délicate attention du sommelier.

Vaut le voyage ? L'hôtel est exceptionnel, le restaurant ne l'est pas encore autant.