Il faut être sacrément téméraire pour baptiser son restaurant, «l'enfer». À moins bien sûr que la rue dans laquelle vous l'avez établi s'appelle Dante. Dans ce cas précis, on peut aussi dire que contrairement au héros de la divine comédie, on n'y descend pas, on y monte.

Ce beau restaurant d'apparence un peu campagnarde propose de la cuisine italio-française de facture assez classique, mais elle est réalisée à partir de beaux produits bien frais et des plats qu'on pourrait dire parfaitement adaptés au quartier, c'est-à-dire un brin nostalgique avec des notes modernistes. C'est une cuisine qu'on pourrait aussi dire presque naturelle, tellement elle n'est ni maquillée ni poseuse. Il n'y a aucune préciosité et le chef travaille les saveurs et les consistances avec une spontanéité plutôt réjouissante.

L'antipasti, en entrée, aurait suffi à deux personnes: deux saucissons secs à l'italienne, un premier fait maison, une sorte de petit salami bien relevé au paprika, et un second, plus large, plus charnu et absolument délicieux, bien salé et moins gras qu'on ne s'attendrait de ce genre de charcuterie. C'est servi sur une planche de bois autour de poivrons rouges et jaunes grillés puis marinés dans un peu de vinaigre et d'huile. Le genre de plat qu'on sert beaucoup dans le nord de l'Italie.

Purée de topinabour

Nous avons aussi partagé une entrée assez originale et inhabituelle pour ce genre d'endroit: une escarole complète, coupée en deux, passée à la grille pour en noircir les extrémités, puis nappée d'une exquise émulsion à l'huile d'olive et sur laquelle on avait égrené grossièrement des morceaux de gorgonzola. À la cuisson, l'amertume avait quasiment disparu de cette laitue un peu charnue, proche du chou.

En plat, le lapin au four était cuit avec des tomates et du vin blanc, et présenté en morceaux sur une purée de topinambour et de légumes-racines grillés, nappé de la sauce qui a servi de marinade. C'était une assiette vaillante, résolue, réalisée par quelqu'un qui sait où il va avec les condiments et les parfums. Vous savez ce genre de hardiesse sur le plat, à la limite de l'arrogance.

Courge et marrons

Les ravioli, servis tout seul en «secondo» et dont la pâte était un peu épaisse, étaient remplis d'un mélange de purée de courge et de marrons, bien assaisonnés et nappés d'une sauce crémeuse parfumée à la sauge fraîche.

À la carte, on proposait aussi plusieurs grillades: côtes de veau, double côte de porc, boeuf Angus en «rib eye», la plupart servis sur des sauces très conventionnelles, mais qui semblaient ravir tous ceux qui les avaient choisis. C'est un genre, mais on ne s'en lasse pas si on a froid et si on a faim.

Finalement, des douceurs prévisibles certes, mais bien faites et c'est ce qui compte. Le tiramisu aromatisé au Baileys ressemblait à s'y méprendre au classique vénitien. Servi dans une petite coupelle, il est devenu un dessert un peu chic.

Bref, ce resto incarne ce qu'on attend d'un endroit du genre, une cuisine songée, bien enracinée, simple dans son traitement et sa présentation. On ressort de là avec des petites fleurs dans les yeux, car on a sacrément bien mangé.

Inferno

6850, rue Saint-Dominique, 514-274-0666

Prix: Ce n'est pas donné mais ce n'est pas non plus très cher. Disons autour de 12-15$ pour les entrées, et 24$ pour les plats, desserts à 7$. Comptez donc environ 160$ avec les taxes et le service en comptant quatre verres de vins.

Faune: Assez débridée, qui ne manque aucune occasion pour lever les verres et commencer une conversation avec ses voisins, le serveur, le cuisinier. Ambiance consensuelle!

Service: Un sourire, un mot sympa, de la gentillesse, c'est quelque chose quand même. Surtout au resto. Ici, on a tout le paquet (et un peu d'humour et d'esprit: la totale!).

Décor: Cadre un peu épuré mais avec beaucoup de bois, de poutres au plafond, de métal sur les murs, et un menu sur une ardoise hi-tech aux enluminures rose nanane.

Vin: Petite carte efficace, pas spécialement bon marché mais quelques bons choix au verre (trop peu nombreux à notre avis), presque tous italiens bien entendu.

Plus: Un excellent choix de musique contribue à l'ambiance. Cuisine généreuse, parfaite pour les appétits voraces.

Moins: Des fautes d'orthographe sur le menu!

On y retourne? Oui. Sans aucun doute.