Quinze des plus grands chefs français, emmenés par Alain Ducasse et Joël Robuchon, lancent lundi une appellation pour distinguer «les restaurants de qualité», ceux où, quelque soit le tarif, un restaurateur passionné résiste à l'industriel et s'attache au fait maison et à l'hospitalité.

«Sur les 150 000 restaurants français, les trois quarts ne font que de l'industriel. Les autres se battent pour cuisiner des produits frais. C'est à eux que nous nous adressons», a expliqué à l'AFP Alain Ducasse, le chef trois étoiles du Plaza Athénée à Paris et du Louis XV à Monaco.

Le chef oppose les «commerçants restaurateurs» aux «artisans restaurateurs» et veut faire de ces derniers des «militants de la qualité». Il peut s'agir de restaurants, d'auberges, de bistrots, situés dans les grandes villes comme à la campagne. Une plaque millésimée, «comme les licences d'autrefois en émail», sera installée devant chez eux, car, déplore Alain Ducasse, «aujourd'hui, le commun des mortels ne sait pas sur quoi il va tomber quand il pousse la porte d'un restaurant».

Les critères pour entrer dans ce «club»? Les restaurateurs devront être transparents sur l'origine des produits et sur le mode de préparation sur place. Il faudra un chef en cuisine, et non «quelqu'un qui fait réchauffer un sachet surgelé». L'hospitalité est également importante. «Il y a trop de restaurants en France où quand vous entrez, on vous fait la gueule», lâche le célèbre chef.

L'initiative vient du Collège culinaire de France, qu'il copréside avec Joël Robuchon, et qui compte quinze chefs, dont Paul Bocuse, Michel Guérard, Yannick Alleno, Gérald Passédat, Anne-Sophie Pic, Guy Savoy.

De la transparence en cuisine

Le restaurateur candidat devra envoyer un dossier au Collège, qui pourra accepter ou refuser la demande. Puis il conservera sa plaque s'il obtient au minimum 75 % de satisfaction des clients, qui pourront voter sur l'internet, ainsi que l'approbation des quinze chefs fondateurs du Collège culinaire.

Les clients pourront répondre sur le site à des questions comme: «Avez-vous reçu un bon accueil?» ou «Avez-vous eu des renseignements sur l'origine des produits?».

Cette appellation n'a «rien à voir» avec les blogues ou guides culinaires existant, insiste Alain Ducasse. Elle marque «la volonté de s'unir quand on a la même vision», poursuit le chef, rencontré par l'AFP avant la conférence de presse organisée lundi pour annoncer le lancement de l'opération.

«Nous (les 15 fondateurs du Collège) voulons utiliser notre notoriété et notre expérience de grands chefs pour servir toute la profession», dit-il, en insistant sur le fait que ce secteur est un «vecteur d'emploi non délocalisables» et attire le tourisme.

Pourtant, «rien n'est fait» de la part des «gouvernements de droite comme de gauche» même s'ils «nous félicitent pour nos initiatives», déplore le chef, avant de mettre en cause «le lobby agroalimentaire».

Cette mobilisation signifie-t-elle que la cuisine française est en péril? «Non, mais il n'y a pas la nécessité d'attendre que ça se dégrade», souligne Alain Ducasse. «On ne peut pas continuer à se laisser dire par les médias anglo-saxons que "la France n'est plus ce qu'elle était"» en termes de cuisine.

«Je suis installé dans huit pays et j'ai le sentiment que la proposition française, dans toute sa diversité, est unique. (...) Il faut en être fier».